La loi nº 2021-1017 de ce jour relative à la bioéthique introduit notamment une réforme en profondeur des dispositions réglementant l’assistance médicale à la procréation.
Élargissement de l’accès à l’assistance médicale à la procréation
L’assistance médicale à la procréation était jusqu’à présent réservée aux couples composés d’une femme et d’un homme et avait pour objet de remédier à une infertilité biologique. L’article L2141-2 modifié du code de la santé publique met fin au critère médical d’infertilité et précise que l’assistance médicale à la procréation est désormais « destinée à répondre à un projet parental » et qu’elle est ouverte à « tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ».
Effets sur la filiation
L’article 6 de la loi érige l’égalité des modes de filiation en principe de portée générale. Le nouvel article 6-2 du code civil précise ainsi que :
« Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont, dans leurs rapports avec leurs parents, les mêmes droits et les mêmes devoirs, sous réserve des dispositions particulières du chapitre II du titre VIII du livre Ier. La filiation fait entrer l’enfant dans la famille de chacun de ses parents. »
Le rapport nº 2243 du 14 septembre 2019 fait au nom de la commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique (tome I, p. 151) explique que :
« [Ce nouvel article] répond ainsi à l’exigence constitutionnelle et conventionnelle d’égalité en matière de filiation, qui veut que tous les enfants aient les mêmes droits, sous réserve des dispositions spécifiques à l’adoption simple, autrement dit que tous les modes de filiation produisent les mêmes effets. »
La création de ce nouvel article entraîne l’abrogation des articles 310 et 358 du code civil. Rappelons ici que le principe de non-discrimination entre les héritiers « selon les modes d’établissement de la filiation » figure déjà à l’article 733 du code civil.
Le nouvel article 342-9 du code civil interdit formellement qu’un lien de filiation puisse être établi « entre l’auteur du don et l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation ».
Le premier alinéa du nouvel article 342-10 du code civil stipule que les couples ou la femme non mariée qui recourent à une assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur doivent préalablement donner leur consentement à un notaire. Il en va de même pour l’assistance médicale à la procréation avec accueil d’embryon (article 2141-6 modifié du code de la santé publique).
Ce consentement fait l’objet d’une déclaration « recueillie par acte authentique hors la présence de tiers » (article 1157-2 du code de procédure civile). L’article 847 bis modifié du code général des impôts stipule que cet acte authentique est exonéré de droit d’enregistrement.
Le notaire devait jusqu’à présent informer les intéressés des seules conséquences de leur acte au regard de la filiation. Le premier alinéa du nouvel article 342-10 du code civil stipule qu’il doit désormais également les informer « des conditions dans lesquelles l’enfant pourra, s’il le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes et à l’identité [du] tiers donneur ».
Les alinéas 2 et 3 du même article apportent les précisions suivantes :
« Le consentement donné à une assistance médicale à la procréation interdit toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation, à moins qu’il ne soit soutenu que l’enfant n’est pas issu de l’assistance médicale à la procréation ou que le consentement a été privé d’effet.
« Le consentement est privé d’effet en cas de décès, d’introduction d’une demande en divorce ou en séparation de corps, de signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l’article 229-1 ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de l’insémination ou du transfert d’embryon. Il est également privé d’effet lorsque l’un des membres du couple le révoque, par écrit et avant la réalisation de l’assistance médicale à la procréation, auprès du médecin chargé de mettre en œuvre cette insémination ou ce transfert ou du notaire qui l’a reçu. »
Le nouvel article 342-11 du code civil crée un nouveau mode de filiation spécifique pour les enfants issus d’une assistance médicale à la procréation au sein d’un couple de femmes :
« Lors du recueil du consentement prévu à l’article 342-10, le couple de femmes reconnaît conjointement l’enfant.
« La filiation est établie, à l’égard de la femme qui accouche, conformément à l’article 311-25. Elle est établie, à l’égard de l’autre femme, par la reconnaissance conjointe prévue au premier alinéa du présent article. Celle-ci est remise par l’une des deux femmes ou, le cas échéant, par la personne chargée de déclarer la naissance à l’officier de l’état civil, qui l’indique dans l’acte de naissance.
« Tant que la filiation ainsi établie n’a pas été contestée en justice dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 342-10, elle fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation dans les conditions prévues au présent titre. »
Le nouvel article 342-12 du code civil dispose ainsi la dévolution du nom de famille :
« Lorsque la filiation est établie dans les conditions prévues à l’article 342-11 par reconnaissance conjointe, les femmes qui y sont désignées choisissent le nom de famille qui est dévolu à l’enfant au plus tard au moment de la déclaration de naissance : soit le nom de l’une d’elles, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par elles dans la limite d’un nom de famille pour chacune d’elles. En l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille de chacune d’elles, accolés selon l’ordre alphabétique. »
Le nouvel article 342-13 du code civil encadre les éventuelles contestations, y compris celles des pères :
« Celui qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l’enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant.
« En outre, sa paternité est judiciairement déclarée. L’action obéit aux dispositions des articles 328 et 331.
« La femme qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, fait obstacle à la remise à l’officier de l’état civil de la reconnaissance conjointe mentionnée à l’article 342-10 engage sa responsabilité.
« En cas d’absence de remise de la reconnaissance conjointe mentionnée au même article 342-10, celle-ci peut être communiquée à l’officier de l’état civil par le procureur de la République à la demande de l’enfant majeur, de son représentant légal s’il est mineur ou de toute personne ayant intérêt à agir en justice. La reconnaissance conjointe est portée en marge de l’acte de naissance de l’enfant. Toutefois, la filiation établie par la reconnaissance conjointe ne peut être portée dans l’acte de naissance tant que la filiation déjà établie à l’égard d’un tiers, par présomption, reconnaissance volontaire ou adoption plénière, n’a pas été contestée en justice dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre III du présent titre, par une action en tierce opposition dans les conditions prévues à l’article 353-2 ou par un recours en révision dans les conditions prévues par décret. »
L’article 372, alinéa 1 modifié, du code civil dispose que l’autorité parentale est exercée conjointement par les deux femmes. L’alinéa 2 modifié du même article écarte toutefois cet exercice conjoint de l’autorité parentale « lorsque la mention de la reconnaissance conjointe est apposée à la demande du procureur de la République », auquel cas la femme qui a accouché reste seule investie de l’exercice de l’autorité parentale.
Régularisation des procréations médicalement assistées antérieures à la loi
L’article 6 IV de la loi offre une possibilité de régularisation aux couples de femmes ayant eu recours à une assistance médicale à la procréation à l’étranger avant la publication de ladite loi. L’adoption permettait seule jusqu’à présent à la conjointe de la femme ayant accouché d’établir un lien de filiation avec l’enfant [1]. La régularisation est désormais possible :
« IV. – Lorsqu’un couple de femmes a eu recours à une assistance médicale à la procréation à l’étranger avant la publication de la présente loi, il peut faire, devant le notaire, une reconnaissance conjointe de l’enfant dont la filiation n’est établie qu’à l’égard de la femme qui a accouché. Cette reconnaissance établit la filiation à l’égard de l’autre femme.
« La reconnaissance conjointe est inscrite en marge de l’acte de naissance de l’enfant sur instruction du procureur de la République, qui s’assure que les conditions prévues au premier alinéa du présent IV sont réunies.
« Le présent IV est applicable pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi. »
Gestation pour autrui
L’article 7 de la loi vise à combattre la jurisprudence récente de la Cour de cassation légitimant la transcription intégrale en France des actes de naissance étrangers d’enfants issus d’une gestation pour autrui [2]. L’article 47 du code civil est complété afin de préciser que la réalité des faits déclarés dans l’acte de l’état civil étranger « est appréciée au regard de la loi française », et non plus de la loi étrangère selon la jurisprudence susmentionnée.
Une loi parricide
Du point de vue de la paternité, les principales conséquences de ce texte mortifère sont :
- la dévalorisation du père, traité comme annexe ou superflu, réduit à un géniteur fournisseur de gamètes, alors que son rôle est essentiel ;
- la discrimination des enfants nés de femmes sans partenaire masculin ou de tiers donneurs : privés délibérément de père, et de la moitié de leur généalogie, ils seront défavorisés par rapport aux enfants nés d’une mère et d’un père.
Institutionnaliser l’assistance médicale à la procréation avec donneur sans partenaire masculin revient à priver par avance de père les enfants ainsi nés.
Or, selon un sondage IFOP sur les Français et la paternité publié en juin 2018, 93 % des Français pensent que les pères ont un rôle essentiel à jouer pour les enfants. Pour 61 % des personnes interrogées, « il faut privilégier le besoin de chaque enfant d’avoir un père en réservant la procréation médicalement assistée aux couples homme femme ayant un problème d’infertilité ».
Le rôle du père – non seulement dans l’engendrement mais aussi dans l’éducation – demeure donc important pour une très large majorité des Français, lesquels sont encore conscients qu’il n’est pas anodin pour un enfant de vivre sans l’un des parents qui l’ont conçu. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la solidarité nationale s’exerce en tel cas (décès, divorce, séparation…).
Les artisans de cette loi dangereuse autant qu’injuste sont parfaitement conscients des lourdes conséquences que cette éradication de la paternité aura sur la famille, la filiation et l’organisation psychique des enfants. Le collectif P@ternet est quant à lui profondément convaincu qu’un enfant a toujours besoin d’un père, non seulement pour venir à l’être mais pour croître dans l’être et devenir un adulte autonome, libre et responsable.
Nous ne pouvons donc que regretter l’absence et le désintérêt des associations prétendant défendre « les droits des pères » dans la mobilisation de ces dernières années contre le projet de révision de la loi bioéthique qui a finalement débouché sur ce désastre législatif. Pire, il s’en est même trouvé qui, par complicité et/ou stupidité complaisance et/ou naïveté, ont cru et voulu faire croire que les promoteurs dudit projet de loi étaient malgré tout acquis à leur cause. Les « touristes parlementaires » de l’association Égalité parentale ont ainsi osé affirmé :
« Jean-Louis TOURAINE, député LREM du Rhône, vice-président des affaires sociales. Ce médecin est très au fait de notre problématique et convaincu de la nécessité de plus de résidence alternée. Il va se rapprocher d’Adrien Taquet pour qu’il nous reçoive, ainsi que des députés motivés de son groupe pour voir comment pousser concrètement pour une loi plus juste cadrant plus les juges et éviter le “classique” un week-end sur deux pour un parent. »
Comment une telle appréciation peut-elle être soutenue une seule fraction de seconde alors que ce franc-maçon, rapporteur de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, s’est illustré tout au long des débats parlementaires par sa haine et son mépris de la paternité ? Rappelons ici notamment son affirmation nette et sans ambiguïté lors de la séance du 10 septembre 2019 de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi : « Il n’existe pas de droit de l’enfant à avoir un père, à quelque moment que ce soit. »
En tout état de cause, et en vue des élections législatives de l’année prochaine, l’Assemblée nationale fournit très obligeamment la liste des députés pour lesquels, s’ils envisageaient de se représenter, il ne faudra pas voter…
Notes
- Cf. les avis nº 15010 et 15011 de la Cour de cassation en date du 22 septembre 2014 ainsi que la réponse ministérielle à la question écrite nº 13043 du sénateur Roland Courteau en date du 7 avril 2016.
- Cf. notamment les deux arrêts du 18 décembre 2019, pourvois nº 18-11815 et 18-12327 (communiqué en ligne), et deux autres du 4 novembre 2020, pourvois nº 19-15739 et 19-50042.
Mise à jour du 3 août 2021
Texte de loi archivé (Journal officiel de la République française, nº 178, 3 août 2021, texte nº 1) au format PDF (392 Ko, 33 p.).