Descamps (Béatrice), question écrite nº 28635 à la ministre de la Justice sur l’attribution préférentielle du logement familial [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 16 A.N. (Q), 21 avril 2020, p. 2932].
Mme Béatrice Descamps attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l’attribution du logement familial dans le cadre d’une procédure de divorce. En effet, l’article 831-2, 1º du code civil précise que le conjoint peut demander l’attribution préférentielle du logement sous réserve que le bien lui serve effectivement d’habitation. Toutefois, il arrive que le juge accorde une dérogation pour l’époux demandeur qui a été contraint de ne plus résider dans le logement familial. Aussi, elle lui demande de lui expliciter les conditions pour lesquelles l’époux non-résident peut solliciter l’attribution préférentielle du logement.
Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 22 A.N. (Q), 2 juin 2020, pp. 3866-3867.
Il résulte effectivement de l’application combinée des articles 267 et 831-2, 1º du code civil que le juge du divorce peut statuer sur une demande d’attribution préférentielle du logement familial formée par l’un des époux. Le principe est que l’époux qui formule cette demande doit résider effectivement dans ce logement pour bénéficier de l’attribution préférentielle. Ainsi, il n’est pas possible de demander l’attribution préférentielle d’une résidence secondaire au stade du divorce par exemple. Cependant, la jurisprudence a dégagé des exceptions à ce principe et le juge du divorce est donc contraint de s’interroger sur le motif de l’occupation ou de la non-occupation du logement par le demandeur. Ainsi, lorsque le départ du logement a été motivé par des violences conjugales et même si la jouissance du logement a été accordée à l’autre époux par l’ordonnance de non-conciliation, l’épouse qui avait été contrainte de le quitter peut légitimement demander l’attribution préférentielle de l’ancien domicile familial. Le juge doit donc faire une analyse de chaque situation et ne peut se borner à constater que l’époux demandeur ne réside pas habituellement dans le logement concerné. Cette jurisprudence est en phase avec l’effort déployé par le Gouvernement pour lutter contre les violences conjugales et favoriser l’attribution du logement à la personne victime de violences.
Note de P@ternet
La réponse ministérielle évoque la jurisprudence, sans donner d’exemple. La Cour de cassation a effectivement déjà considéré que l’époux ne résidant pas dans le logement familial pour une raison indépendante de sa volonté conserve cependant le droit d’en solliciter l’attribution préférentielle : il en a été ainsi jugé pour un mari dont la femme avait obtenu l’autorisation de résider dans le logement familial au titre des mesures provisoires (arrêt du 10 mai 2006, pourvoi nº 03-19001) et même pour un mari incarcéré (arrêt du 12 décembre 2007, pourvoi nº 07-10308). Le conjoint contraint de quitter le logement familial à cause de violences conjugales peut évidemment bénéficier des mêmes dispositions.
Question archivée au format PDF (220 Ko, 3 p.).
Remarquons que la réponse du ministère de la Justice utilise le terme neutre « époux » (qui peut désigner aussi bien le mari que la femme) excepté dans la phrase :
« Ainsi, lorsque le départ du logement a été motivé par des violences conjugales et même si la jouissance du logement a été accordée à l’autre époux par l’ordonnance de non-conciliation, **l’épouse** qui avait été contraint**e** de le quitter peut légitimement demander l’attribution préférentielle de l’ancien domicile familial. »
Et voilà le ministère de la Justice pris en flagrant délit de sexisme ! Le ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes réagira promptement et vigoureusement, n’en doutons pas…