Courteau (Roland), Question écrite nº 13451 au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse sur les inégalités dans le système scolaire français [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 49 S (Q), 12 décembre 2019, p. 6110].
M. Roland Courteau expose à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse que la France est le pays de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) où le niveau des élèves dépend le plus de l’origine sociale, selon les résultats de l’enquête du programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA).
Concrètement, les élèves français issus de milieux défavorisés enregistrent, en moyenne, de moins bons résultats que les élèves issus de milieux favorisés et ils ont cinq fois plus de risques d’être en difficulté.
Environ 20 % des élèves favorisés se classent parmi les élèves considérés comme très performants en compréhension de l’écrit contre seulement 2,4 % des élèves issus de milieux défavorisés.
Il lui fait remarquer, par ailleurs, que l’Estonie, le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis font mieux que le France face à l’inégalité.
Il lui demande donc quelles initiatives il entend prendre, en priorité, afin d’agir contre les inégalités dans notre système scolaire.
Réponse du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 12 S (Q), 19 mars 2020, pp. 1368-1369.
La lutte contre les déterminismes sociaux et territoriaux est au cœur des missions de l’école et de la politique mise en œuvre par le Gouvernement. Les transformations engagées ont pour objectif de donner à chaque élève les mêmes chances, quelles que soient ses origines sociales ou territoriales. Depuis la rentrée 2017, le choix a été fait de concentrer les efforts sur l’école primaire, qui est à la racine de la réussite ou des difficultés scolaires persistantes tout au long de la scolarité, en garantissant l’égal accès aux apprentissages fondamentaux que sont lire, écrire, compter et respecter autrui. Cette priorité à l’école primaire se concrétise avec le dédoublement des classes de CP (cours préparatoire), CE1 (cours élémentaire de 1ère année) et grande section de maternelle pour atteindre un objectif de 12 élèves par classe. En outre, le passage à trois ans de l’instruction obligatoire à partir de la rentrée 2019, mesure sociale très importante de la loi nº 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, bénéficiera davantage aux enfants des territoires les plus défavorisés. Les évaluations des acquis des élèves de CP, de CE1 et de 6ème permettent aux enseignants d’avoir des repères globaux pour la classe et précis pour chaque élève. Ainsi, les pratiques pédagogiques peuvent être adaptées à l’ensemble des élèves et l’enseignant peut mieux accompagner chaque élève individuellement dans ses apprentissages. Ces évaluations fournissent, également, aux inspecteurs des indicateurs globaux pour ajuster leurs actions de formation et d’accompagnement. Dans le cadre de la politique d’éducation prioritaire, collèges et écoles de secteur, organisés en réseau, mettent en œuvre un projet pédagogique et éducatif commun, de la maternelle à la troisième, inscrit dans la durée et la continuité des apprentissages, visant à favoriser le développement de pratiques pédagogiques répondant aux besoins des élèves, projet soutenu par la formation et le travail des équipes enseignantes. Ces équipes éducatives agissent concrètement tout au long du parcours de l’élève. Dans certains territoires, et principalement dans les REP (réseaux d’éducation prioritaire) + qui concentrent les plus grandes difficultés sociales, d’importantes mesures sont mises en œuvre pour renforcer l’impact de ces actions dans la lutte contre les inégalités : – la revalorisation indemnitaire des personnels qui exercent dans ces écoles et collèges. Elle vise à stabiliser les équipes. Une première revalorisation a été effective à la rentrée 2015 pour l’ensemble de l’éducation prioritaire (REP et REP+). À partir de la rentrée 2018, une revalorisation supplémentaire est mise en place progressivement et concerne les personnels des REP+ (pour atteindre 2 000 € supplémentaires par an à la rentrée 2019) ; – le renforcement de la formation et du travail d’équipes. Il s’agit d’accompagner les enseignants dans l’analyse et l’évolution de leurs pratiques pédagogiques autour du « référentiel de l’éducation prioritaire » adossé à une évolution des conditions réglementaires de service des personnels enseignants dans ces secteurs (18 demi-journées libérées et remplacées dans le premier degré, pondération des heures d’enseignement dans le second degré). Ainsi en REP+, des formateurs sont spécifiquement formés pour renforcer cet accompagnement de proximité des enseignants ; – le développement d’une offre de stage de qualité avec la création d’une plateforme monstagedetroisième qui permet de recueillir des offres de stage, en entreprise ou dans l’administration publique, et qui s’adresse aux élèves de l’éducation prioritaire, les moins susceptibles de bénéficier de réseaux leur permettant d’accéder à des stages de qualité ; – la poursuite du développement des cordées de la réussite et des parcours d’excellence qui accompagnent des collégiens volontaires pour assurer l’égalité des opportunités de réussite. Ils visent à conduire des jeunes de milieux modestes vers une poursuite d’études ou une insertion professionnelle ambitieuse et réussie, en leur proposant une offre de tutorat collectif et de visites culturelles dès la classe de 3ème, puis un suivi individualisé tout au long de leur scolarité au lycée, quelle que soit la filière choisie. Le ministre vise le doublement de ces dispositifs dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou en zones rurales isolées à partir de la rentrée scolaire 2020. D’autres mesures complémentaires qui ne concernent pas seulement les territoires d’éducation prioritaire mais l’ensemble du système éducatif poursuivent le même objectif de réduction des inégalités face à l’apprentissage : – le programme devoirs faits favorise l’accompagnement des élèves dans leur travail personnel car les devoirs peuvent être une source d’inégalités. Un temps d’étude est proposé aux élèves volontaires accompagnés par les professeurs, les CPE (conseillers principaux d’éducation), les personnels administratifs, les assistants d’éducation, et par des associations répertoriées. – le programme « ouvrir l’école aux parents pour la réussite des enfants » (OEPRE) est mis en place pour favoriser l’intégration des parents d’élèves, primo-arrivants, volontaires et leur implication dans la scolarité de leur enfant. Il s’agit de formations qui permettent l’acquisition du français (comprendre, parler, lire et écrire), la connaissance des valeurs de la République et leur mise en œuvre dans la société française, la connaissance du fonctionnement et des attentes de l’école vis-à-vis des élèves et des parents. Les ateliers menés majoritairement par des enseignants participent d’une dynamique vertueuse de réussite impliquant parents, élèves et enseignants dans une meilleure connaissance et confiance mutuelles. D’autres mesures comme le développement de la mallette des parents contribuent à renforcer les liens positifs et de confiance entre l’école et les parents d’élèves et en particulier ceux dont l’école s’est le plus éloignée ; – le développement d’une politique de l’internat, mode de scolarisation spécifique où les élèves sont accueillis en résidence offrant un cadre structurant propice à l’étude et à la socialisation. La vocation initiale de l’internat scolaire s’élargit en vue d’assurer la réussite scolaire et éducative pour tous les élèves qui y sont accueillis et en particulier les élèves des quartiers prioritaires de la politique de la ville. L’internat propose diverses activités périscolaires adaptées aux besoins des élèves et tenant compte des ressources locales. Par ailleurs, les autorités académiques, très attentives à répondre aux différents besoins des écoles peuvent mettre en œuvre une allocation progressive des moyens, et adapter les réponses aux profils des écoles. Elle permet, par exemple, de faire évoluer les taux d’encadrement (le nombre d’élèves par classe) ou la mise en place de dispositifs particuliers (un maître supplémentaire par exemple ou, dans certains cas, le dédoublement des classes de CP et CE1), même si ces écoles ne sont pas en REP ou REP+. Ces réponses, finement adaptées aux besoins, permettent une action conjuguée des différents partenaires pour lutter contre les inégalités pouvant être liées au système scolaire. Enrayer la reproduction des inégalités sociales et scolaires est un défi majeur dont la complexité impose d’agir simultanément sur les multiples facteurs qui contribuent à la réussite scolaire (formation/accompagnement des enseignants, stabilisation des équipes, développement de la qualité des parcours des élèves, accompagnement des parents et renforcement du lien avec les parents). Elles doivent être menées avec persévérance et continuité.
Question archivée au format PDF (221 Ko, 3 p.).