Lherbier (Brigitte), question orale nº 797S à la ministre des solidarités et de la santé sur les infanticides en France [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 20 S (Q), 16 mai 2019, p. 2562].
Mme Brigitte Lherbier attire l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le nombre d’enfants tués chaque année en France.
Soixante-douze. C’est le nombre d’enfants tués chaque année par leurs parents.
En France, un enfant meurt donc tous les cinq jours sous les coups de ceux qui l’ont mis au monde.
Et encore !
Cette donnée ne comporte pas le « chiffre noir », c’est-à-dire les meurtres non révélés de nourrissons tués à la naissance ; ni les meurtres d’enfants qui n’ont pas été découverts, comme c’est trop souvent le cas pour les bébés secoués.
Comme souvent, ce sont les enfants les plus jeunes, les plus vulnérables, qui sont les premières victimes.
Plus de la moitié d’entre eux n’avaient pas même soufflé leur première bougie.
Un tiers d’entre eux étaient en âge d’être scolarisés.
Un rapport glaçant de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), remis en avril 2019, enseigne qu’avec 363 décès signalés entre 2012 et 2016, ce chiffre est resté constant.
Le rapport souligne aussi les liens étroits qui existent entre violences conjugales et violences commises sur les enfants.
Pire encore, d’après le même rapport, « plus de la moitié des enfants concernés avaient subi avant leur mort des violences graves et répétées (…) souvent repérées par des professionnels ».
Ces morts auraient donc pu être évitées si les services de protection de l’enfance avaient été mieux organisés, mieux dotés à la fois en moyens humains et financiers.
Quelle infamie pour le pays des droits de l’homme qui semble oublier son corollaire, le droit et la protection des enfants. Pourquoi ?
Pour des exigences budgétaires !
Mais la vie d’un enfant vaut plus que toutes les économies de bouts de chandelles.
Car c’est bien en protégeant les Français qui viennent d’être mis au monde que nous leur garantissons un avenir de citoyens.
Elle lui demande ce que compte faire le Gouvernement pour enfin endiguer ces crimes.
Réponse de Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, lors de la séance du 18 février 2020.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteure de la question nº 797, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Brigitte Lherbier. Rien n’est plus fragile qu’un enfant ! La société se doit de le protéger contre toutes les formes de violence.
Pourtant, au sein même de leur famille, 72 enfants sont tués chaque année. Un rapport glaçant de l’inspection générale des affaires sociales démontre que ce chiffre, malheureusement, ne baisse pas. Par ailleurs, « plus de la moitié des enfants concernés ont subi avant leur mort des violences graves et répétées […] souvent repérées – c’est le pire ! – par des professionnels ».
Ces morts auraient peut-être pu être évitées si les services de protection de l’enfance avaient été mieux organisés, mieux formés et surtout mieux dotés en moyens à la fois humains et financiers. Vous avez certainement vu, madame le secrétaire d’État, ce reportage diffusé récemment par M6 montrant combien les services de protection de l’enfance pouvaient être défaillants, faute de moyens humains suffisants ! Comment ne pas en être scandalisé ?
Dans le département du Nord, en zone gendarmerie plus précisément, les maltraitances faites aux enfants explosent : les viols sur mineurs ont augmenté de 25,53 % entre 2018 et 2019 ; les faits de harcèlement sexuel et autres agressions sexuelles contre des mineurs ont quant à eux augmenté de 18,31 %. Les scandales de maltraitance d’enfants ne sont pas vraiment relevés. Les enfants sont devenus les premières victimes de l’ensauvagement de la société que nous constatons.
Enfin, que dire des nouveaux scandales survenus dans le sport, où certains dirigeants, en connaissance de cause semble-t-il, ont laissé des prédateurs et des pervers entraîner des enfants ? Mettez-vous à la place des parents qui laissent, en toute confiance, leurs enfants faire du sport ! Toute personne travaillant ou ayant une activité avec des enfants devrait faire l’objet d’un contrôle beaucoup plus régulier par son employeur.
Madame le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire quelles mesures l’État compte prendre afin de protéger davantage et plus efficacement les enfants en souffrance ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, la prévention et la lutte contre toutes les formes de violences faites aux enfants constituent une priorité du Gouvernement.
Le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé Adrien Taquet a présenté le 20 novembre un plan de lutte contre toutes les formes de violences faites aux enfants visant à mieux protéger les enfants dans tous les contextes de leur vie et dont certaines mesures permettent de mieux recueillir la parole de l’enfant, en liaison avec les différents acteurs, mais aussi de renforcer la lutte contre le syndrome du bébé secoué.
L’une des principales mesures consiste à renforcer les moyens du 119 : les effectifs d’écoutants sont accrus de 20 % grâce à l’augmentation du budget à hauteur de 400 000 euros dès 2020.
En outre, d’ici à 2022 seront constituées dans chaque région des équipes référentes en pédiatrie pour améliorer le repérage et la prise en charge des enfants victimes.
Par ailleurs, nous avons décidé d’augmenter le nombre d’unités d’accueil et d’écoute pédiatriques spécialisées pour couvrir l’ensemble du territoire d’ici à 2022.
Enfin, les auditions filmées seront étendues aux enfants exposés aux violences intrafamiliales de toute nature.
Outre ces actions portant sur le repérage et le signalement de toutes les formes de violence, le plan tend à généraliser les protocoles associant les parquets, les hôpitaux et la police judiciaire relatifs à la prise en charge des cas de mort inattendue du nourrisson, comme il en existe déjà dans certaines régions.
La Haute Autorité de santé a aussi engagé des travaux visant à définir un cadre de référence national pour l’évaluation des situations de danger concernant les enfants.
L’objectif est, notamment, de mieux tenir compte de l’ensemble des facteurs de risques – violences conjugales, addictions, etc. – et de mieux guider le repérage des « signaux faibles », tels que l’absentéisme scolaire.
Le dernier sujet que vous avez évoqué, madame la sénatrice, est suivi avec attention par mon collègue Adrien Taquet, en liaison avec la ministre des sports. Nous œuvrons avec les acteurs pour trouver les bonnes solutions, sachant que la réponse ne saurait être unique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour la réplique.
Mme Brigitte Lherbier. Madame la secrétaire d’État, j’étais présente quand Adrien Taquet a exposé les mesures de prévention que vous avez évoquées. J’y crois en partie, et j’espère que la situation va évoluer. Comme je le dis souvent, un enfant ne peut pas porter plainte, il ne sait que se plaindre ; dès lors il faut l’écouter et l’entendre.
Mise à jour du 19 février 2020
Question archivée [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 16 S (C.R.), 19 février 2020, p. 1523] au format PDF (376 Ko, 2 p.).