Rapport d’une dette dans une succession

Cour de cassation

Lors de son audience publique de ce 12 février 2020, la Cour de cassation a rendu un arrêt qu’il nous paraît intéressant de signaler à l’attention de nos lecteurs : il rappelle en effet quelques notions de base en matière de succession, qu’un bon père de famille doit connaître s’il ne veut pas léguer à ses enfants des motifs de dispute superfétatoires.

En l’espèce, c’est une mère qui n’avait pas été assez prévoyante. Décédée en décembre 2009, elle avait laissé pour lui succéder ses deux enfants, en l’état d’un testament léguant divers biens à ses cinq petits-enfants. Son fils avait assigné ses cohéritiers en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession. Au cours de ces opérations, un courrier de novembre 1993 avait fait apparaître un prêt de 600 000 francs (soit 91 469 euros) consenti par la mère à son fils. Icelui avait reconnu l’emprunt mais soutenait l’avoir remboursé. La cour d’appel de Paris l’avait néanmoins condamné en février 2018 à rapporter la somme à la succession. Le fils avait alors formé un pourvoi en cassation, arguant que c’était aux cohéritiers qui demandaient le rapport de prouver l’existence de la dette au jour de l’ouverture de la succession et non pas à lui d’en démontrer le remboursement.

Le pourvoi a été rejeté aujourd’hui par la première chambre civile de la Cour de cassation :

« 4. En matière successorale, à la différence du rapport des libéralités, lequel, régi par les articles 843 à 863 du code civil, intéresse la composition de la masse partageable et constitue une opération préparatoire au partage, le rapport des dettes, prévu aux articles 864 à 867, concerne la composition des lots et constitue une opération de partage proprement dite. Les règles du droit commun de la preuve s’y appliquent.

« 5. Aux termes de l’article 864, alinéa 1, du code civil, lorsque la masse partageable comprend une créance à l’encontre de l’un des copartageants, exigible ou non, ce dernier en est alloti dans le partage à concurrence de ses droits dans la masse. À due concurrence, la dette s’éteint par confusion. Si son montant excède les droits du débiteur dans cette masse, il doit le paiement du solde sous les conditions et délais qui affectaient l’obligation.

« 6. Selon l’article 1315, devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

« 7. Il résulte de la combinaison de ces deux derniers textes que s’il appartient à l’héritier qui demande le rapport d’une dette par l’un de ses copartageants de prouver son existence, une fois cette preuve rapportée, le copartageant qui prétend s’en être libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

« 8. Après avoir relevé que [le demandeur] ne contestait pas que sa mère lui avait prêté 600 000 francs, la cour d’appel en a exactement déduit que, l’existence de sa dette étant établie, il lui appartenait de prouver qu’il l’avait remboursée et que, dès lors qu’il n’apportait aucun élément en ce sens, il devait rapporter cette somme à la succession de sa mère. »

Références
Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 12 février 2020
Nº de pourvoi : 18-23573

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