Rossignol (Laurence), Question orale nº 718S au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse sur la nécessité de l’enseignement du clitoris dans les programmes scolaires [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 13 S (Q), 28 mars 2019, pp. 1606-1607].
Mme Laurence Rossignol appelle l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse sur l’enseignement du clitoris dans les programmes scolaires.
Le clitoris est l’organe essentiel du plaisir sexuel des femmes. Pourtant, il demeure un organe oublié de l’éducation nationale. Selon le haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), en 2016, un quart des filles de 15 ans ne savent pas qu’elles possèdent un clitoris et 83 % d’entre elles ignorent sa fonction érogène. En revanche, elles sont 53 % à savoir représenter le sexe masculin.
Cette méconnaissance n’est pas surprenante ! En France, le corps de la femme n’est jamais, ou très rarement, représenté intégralement et correctement par les outils éducatifs à disposition des enseignants. En 2019, seul un manuel de sciences de la vie et de la terre (SVT) sur huit décrit correctement le clitoris, les sept autres éditeurs ont conservé leurs dessins erronés dans les manuels pour la rentrée 2017-2018.
Sur ces planches, on remarque que la vulve et la partie interne du clitoris ne sont jamais dessinées entièrement, alors même que le clitoris mesure dix centimètres ! Seule la partie externe est représentée.
Il faut lutter contre l’analphabétisme sexuel : c’est un enjeu d’égalité. Le sexe de la femme n’est ni tabou, ni honteux. Il faut que les nouvelles générations apprennent enfin comment est fait un sexe féminin, et en particulier sachent situer et comprendre l’organe qui est la source primaire du plaisir sexuel chez la femme, comme l’est le pénis chez l’homme.
C’est une condition sine qua non d’égalité de traitement des deux sexes dans l’enseignement.
Cette démarche a également des répercussions symboliques. Penser que le vagin est l’homologue du pénis, et non le clitoris, c’est se tromper au point de croire que les femmes sont dépourvues d’un organe de plaisir.
La reconnaissance du clitoris permet donc de sortir de ce schéma sexuel dans lequel les femmes sont en situation de passivité. Mettre sur un pied d’égalité les sexualités masculines et féminines, c’est lancer les bases d’une sexualité dans laquelle les deux partenaires (dans le cadre d’une relation hétérosexuelle) sont aussi importants l’un que l’autre ; et où les femmes ne sont pas reléguées à un rôle d’objet mais bien actrices de leur sexualité.
Parler du clitoris et de plaisir féminin s’inscrit aussi dans une lutte contre la culture du viol. En effet, en ne parlant que du plaisir masculin et en faisant du plaisir féminin un tabou, on alimente la représentation d’un plaisir masculin prédominant, sacré, par rapport à celui des femmes qui serait secondaire et subsidiaire.
Savoir que l’humanité tout entière est dotée d’un organe composé de tissus érectiles qui fonctionnent de la même façon aide aussi à sortir d’une bicatégorisation de l’humanité qui ne correspond pas à la réalité biologique des femmes et des hommes.
Reconnaître le clitoris comme un organe de plaisir à part entière, c’est aussi mesurer la portée des mutilations sexuelles dans la volonté de détruire le désir féminin. L’excision est encore très largement pratiquée dans le monde et concerne également la France : l’organisation mondiale de la santé (OMS) estime à 180 000 le nombre de personnes risquant l’excision chaque année au sein de l’Union européenne.
C’est pourquoi elle l’interpelle afin de lui demander s’il est acceptable, dans un gouvernement qui a inscrit l’égalité femmes-hommes comme la grande cause du quinquennat, que les élèves de France soient privés d’une éducation à la sexualité où clitoris et pénis sont enseignés à égalité afin de leur permettre de devenir des adultes égaux ; et lui demande officiellement l’introduction de l’enseignement du clitoris dans tous les manuels de SVT conjuguée à une formation solide des enseignants à une éducation à la sexualité sans tabou ni censure.
Réponse du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation 😀 lors de la séance du 9 avril 2019.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question nº 718, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous lirez avec le même talent que votre collègue de l’éducation nationale et de la jeunesse les éléments de réponse à cette question qui vous ont été transmis. Vous me permettrez de noter que, au regard de votre portefeuille ministériel, vous n’étiez peut-être pas le mieux à même de répondre à une question sur le clitoris. (Sourires.) Vous vous occupez de l’ensemble des mammifères. Or le clitoris est l’un des rares organes à ne pas être commun à l’ensemble des mammifères femelles.
Le clitoris est l’organe essentiel du plaisir sexuel des femmes. Pourtant, il demeure un organe oublié de l’éducation nationale.
Selon le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, en 2016, un quart des filles de 15 ans ne savaient pas qu’elles possédaient un clitoris et 83 % d’entre elles ignoraient sa fonction érogène. En revanche, elles étaient 53 % à savoir représenter le sexe masculin. Cette méconnaissance n’est pas surprenante ! En France, le corps de la femme n’est jamais représenté intégralement et correctement – ou il l’est très rarement – par les outils éducatifs à disposition des enseignants. En 2019, seul un manuel de sciences de la vie et de la terre sur huit décrit correctement le clitoris, les sept autres éditeurs ayant conservé des dessins erronés.
Il s’agit là d’une forme d’analphabétisme sexuel contre lequel l’école doit lutter : c’est un enjeu d’égalité. Le sexe de la femme n’est ni tabou ni honteux. Il faut que les nouvelles générations apprennent, enfin, comment est fait un sexe féminin – les familles ne sont pas toujours à même de transmettre cette information –, en particulier qu’elles sachent situer et comprendre l’organe qui est la source primaire du plaisir sexuel chez la femme.
Cette démarche a également des répercussions symboliques. Penser que le vagin est le symétrique du pénis, alors que c’est le clitoris, c’est se tromper au point de croire que les femmes sont dépourvues d’un organe de plaisir. La reconnaissance du clitoris permet donc de sortir de ce schéma sexuel dans lequel les femmes sont en situation de passivité ou de reproduction. Mettre sur un pied d’égalité les sexualités féminine et masculine, c’est lancer les bases d’une sexualité beaucoup plus respectueuse du désir et du consentement de l’autre.
Reconnaître le clitoris comme un organe de plaisir à part entière, c’est aussi mesurer la portée des mutilations sexuelles dans la volonté de détruire le désir féminin. L’excision est encore très largement pratiquée dans le monde et concerne également la France : l’Organisation mondiale de la santé estime à 180 000 le nombre de femmes risquant l’excision chaque année au sein de l’Union européenne.
Je sais que le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse répond traditionnellement que la liberté des enseignants et la rédaction des manuels scolaires ne lui permettent pas d’imposer totalement le contenu des programmes.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Laurence Rossignol. Pour autant, il lui revient de donner aux enseignants des consignes claires. Qu’entend-il faire pour que soit enseignée l’anatomie réelle des femmes et non une représentation tronquée ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, je ne répondrai pas à votre remarque liminaire, pour m’éviter des soucis ! (Sourires.) Je me contenterai de lire la réponse que Jean-Michel Blanquer vous aurait faite s’il avait pu être là – il ne peut être présent ce matin, ce dont je vous prie de l’excuser.
L’enseignement du fonctionnement et de l’organisation du corps humain est prévu dans le cas de l’éducation à la sexualité. Cet enseignement doit évidemment être adapté à chaque âge de l’enfant, comme le ministère de l’éducation nationale l’a rappelé dans une circulaire du mois de septembre 2018. C’est dans ce contexte de l’enseignement sur le corps humain et dans le respect du développement progressif de l’enfant que l’enseignement sur le clitoris s’inscrit.
Concernant la déclinaison de ces programmes dans les manuels scolaires, au nom des principes de la liberté d’édition et de la liberté pédagogique, le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse n’intervient pas directement dans le choix des manuels auquel procèdent les établissements.
Par ailleurs, vous appelez l’attention sur la question des mutilations sexuelles féminines. Vous avez raison, ces pratiques méconnaissent les droits fondamentaux de la personne, notamment l’intégrité physique et psychologique. Elles constituent l’une des formes de discrimination à l’égard des femmes. Ces violences sont enracinées dans les inégalités historiques entre les femmes et les hommes. Elles ont des conséquences non seulement immédiates, mais aussi durables sur la santé des femmes.
L’engagement de la France dans la lutte contre ces pratiques a été consolidé par la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à égard des femmes et la violence domestique, dite Convention d’Istanbul, le 4 juillet 2004. Des mesures de sanctions sont prévues par le code pénal et le système judiciaire prévoit également des outils pour protéger les victimes sur le territoire national.
Ce cadre légal a été rappelé tout récemment dans une lettre adressée au mois de mars dernier aux recteurs et inspecteurs de l’éducation nationale, afin de renforcer la vigilance de la communauté éducative. En effet, les actions de prévention sur les pratiques de mutilation sexuelle peuvent se conduire à différents niveaux au sein des établissements. Des documents pédagogiques ont été réalisés pour accompagner la formation des personnels et la mise en œuvre des actions auprès des élèves. Ils ont été diffusés dans les rectorats et les établissements scolaires.
Mise à jour du 10 avril 2019
Question archivée [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 34 C.R. (Q), 10 avril 2019, pp. 5402-5403] au format PDF (384 Ko, 3 p.).