La Cour de justice de l’Union européenne a répondu aujourd’hui à la Family Division of the High Court of Justice (une des cours supérieures d’Angleterre et du pays de Galles) qui l’avait interrogée pour savoir si le Règlement (CE) nº 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit règlement Bruxelles II bis, s’applique à un litige impliquant un État membre et un État tiers, d’une part, et si la résidence habituelle d’un enfant peut être fixée dans un État membre dans lequel il ne s’est jamais rendu, d’autre part.
En l’espèce, une femme de nationalité bangladaise ayant contracté un mariage en 2013 au Bangladesh avec un ressortissant britannique s’était installée avec son époux au Royaume-Uni à la fin du printemps 2016, bénéficiant d’un visa pour conjoint étranger. Au mois de décembre suivant, elle était retournée avec son époux au Bangladesh, où elle accoucha en février 2017. L’époux était revenu seul au Royaume-Uni en janvier 2018. Au mois de mars suivant, sa femme introduisit un recours devant la juridiction britannique afin que l’enfant soit placé sous la protection de cette juridiction et que soit ordonné son retour au Royaume-Uni, ainsi que celui de l’enfant, en vue de participer à la procédure. La mère soutenait que cette juridiction était compétente, au motif que l’enfant aurait eu sa résidence habituelle au Royaume-Uni à la date à laquelle la juridiction avait été saisie, et que l’enfant n’était né et ne résidait au Bangladesh qu’en raison de la contrainte exercée par le père. C’est à l’occasion de ce litige que la juridiction britannique a été amenée à poser deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne.
Ayant relevé que « la règle de compétence générale prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 2201/2003 [“Les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.”] est susceptible de s’appliquer à des litiges impliquant des rapports entre les juridictions d’un seul État membre et celles d’un pays tiers et non pas uniquement des rapports entre des juridictions relevant de plusieurs États membres », la Cour de justice de l’Union européenne a estimé qu’elle était compétente pour répondre aux questions posées (§§ 41-42).
Sur la question de fond, la Cour de justice de l’Union européenne a d’abord constaté que « le règlement nº 2201/2003 ne comporte aucune définition de la notion de “résidence habituelle” » (§ 45). Elle rappelle cependant que le critère de proximité doit être privilégié (§ 48) :
« Les règles de compétence établies par le présent règlement en matière de responsabilité parentale sont conçues en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et en particulier du critère de proximité. Ce sont donc en premier lieu les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle qui devraient être compétentes, sauf dans certains cas de changement de résidence de l’enfant ou suite à un accord conclu entre les titulaires de la responsabilité parentale. »
Outre la présence physique de l’enfant dans un État membre, « d’autres facteurs doivent faire apparaître que cette présence n’a nullement un caractère temporaire ou occasionnel » (§ 50, qui renvoie notamment au point 38 de l’affaire C-523/07 du 2 avril 2009 et au point 41 de l’affaire C-512/17 du 28 juin 2018).
La Cour de justice de l’Union européenne ayant déjà eu l’occasion de juger que « la reconnaissance de la résidence habituelle d’un enfant dans un État membre donné exige, à tout le moins, que l’enfant ait été physiquement présent dans cet État membre » (§ 52, qui renvoie au point 61 de l’affaire C-499/15 du 15 février 2017), il en résulte « qu’une présence physique dans l’État membre dans lequel l’enfant est prétendument intégré est une condition nécessairement préalable à l’évaluation de la stabilité de cette présence et que la “résidence habituelle” […] ne saurait donc être fixée dans un État membre dans lequel l’enfant ne s’est jamais rendu » (§ 53).
La Cour de justice de l’Union européenne ajoute enfin cette précision (§ 70) :
« Des circonstances telles que celles en cause au principal, à les supposer établies, à savoir, d’une part, la contrainte exercée par le père sur la mère ayant pour conséquence que la mère a accouché de leur enfant dans un État tiers et y réside avec cette enfant depuis la naissance de celle-ci et, d’autre part, l’atteinte aux droits fondamentaux de la mère ou de l’enfant, n’ont pas d’incidence à cet égard. »
- Références
- Cour de justice de l’Union européenne
Première chambre
17 octobre 2018
Affaire nº C-393/18 PPU (UD c. XB)
Arrêt archivé au format PDF (892 Ko, 11 p.).
Conclusions de l’avocat général archivées au format PDF (1.58 Mo, 22 p.).
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