Remise en cause du droit à l’interruption volontaire de grossesse dans la Sarthe

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 82 S (C.R.), 1er août 2018

Grelet-Certenais (Nadine), Question orale nº 425S à la ministre des solidarités et de la santé sur la remise en cause du droit à l’interruption volontaire de grossesse dans la Sarthe (Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 30 S (Q), 26 juillet 2018, pp. 3808-3809).

Nadine Grelet-Certenais (© D.R.)

Nadine Grelet-Certenais (© D.R.)

Mme Nadine Grelet-Certenais demande à Mme la ministre des solidarités et de la santé d’intervenir dans les meilleurs délais pour mettre fin à une situation inédite dans le sud du département de la Sarthe où les femmes sont depuis six mois dans l’impossibilité de réaliser une interruption volontaire de grossesse (IVG).

En raison du départ à la retraite de l’un des médecins gynécologues du centre hospitalier du Bailleul, ce dernier se trouve dans l’incapacité de pouvoir assurer ce droit essentiel pour les femmes car les praticiens restants font valoir leur clause de conscience spécifique concernant l’IVG définie à l’article L. 2212-8 du code de la santé publique. Ce dernier dispose que le « médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse ».

En janvier 2017, le rapport du haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes notait bien que, tant que cette clause de conscience demeurera, l’avortement ne sera pas un droit réel, à part entière.

Le cas sarthois démontre que, malgré les avancées obtenues durant le précédent quinquennat, notamment dans la loi nº 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, dans la loi nº 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, ou encore dans la loi nº 2017-347 du 20 mars 2017 relative à l’extension du délit d’entrave à l’IVG, le droit à l’avortement doit être conforté et assuré sur l’ensemble du territoire afin que ce droit inaliénable soit pleinement reconnu.

En ce mois de juillet 2018, alors que Simone Veil est entrée au Panthéon, près de quarante-cinq ans après la reconnaissance du droit à l’avortement, il est intolérable que les femmes ne puissent pas exercer leurs droits essentiels parce que des médecins, au mépris de l’accès aux soins, font valoir des réticences d’ordre personnel ou éthique.

Il est urgent de remédier à cette situation qui est due, tout autant, à la désertification médicale en milieu rural qu’aux failles du droit actuel. Au regard de la situation sarthoise, qui n’est pas un cas isolé sur le territoire français, elle lui demande les mesures qu’elle envisage pour venir en aide aux femmes qui, depuis six mois, n’ont plus accès à un droit fondamental plus que jamais menacé et garantir ainsi l’effectivité de ce dernier.


Réponse de la ministre des solidarités et de la santé faite en séance publique le 31 juillet 2018, publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 82 S (C.R.), 1er août 2018, pp. 13220-13221.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, auteur de la question nº 425, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Nadine Grelet-Certenais. Madame la ministre, je souhaite vous alerter sur une situation inédite dans le sud du département de la Sarthe : depuis six mois, les femmes y sont dans l’impossibilité de réaliser une interruption volontaire de grossesse.

En raison du départ à la retraite de l’un des médecins gynécologues, le centre hospitalier du Bailleul se trouve dans l’incapacité d’assurer ce droit essentiel pour les femmes, les praticiens restants faisant valoir leur clause de conscience spécifique concernant l’IVG, définie à l’article L. 2212-8 du code de la santé publique. Cet article dispose en effet que le « médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse ».

Au mois de janvier 2017, le rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes notait bien que, tant que cette clause de conscience demeurera, l’avortement ne sera pas un droit réel à part entière. Le cas sarthois démontre que, malgré les avancées obtenues durant le précédent quinquennat, notamment dans la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, dans la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ou encore dans la loi du 20 mars 2017 relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, le droit à l’avortement doit être conforté et assuré sur l’ensemble du territoire, afin que ce droit inaliénable soit pleinement reconnu.

En ce mois de juillet, alors que Simone Veil est entrée au Panthéon, près de quarante-cinq ans après la reconnaissance du droit à l’avortement, il est intolérable que les femmes ne puissent pas exercer leurs droits essentiels, parce que des médecins, au mépris de l’accès aux soins, font valoir des réticences d’ordre personnel ou éthique.

Madame la ministre, il est urgent de remédier à cette situation qui est tout autant due à la désertification médicale en milieu rural qu’aux failles du droit actuel. Le manque de moyens entrave le droit des femmes.

Au regard de la situation sarthoise, quelles mesures envisagez-vous pour venir en aide aux femmes qui, depuis six mois, n’ont plus accès à un droit fondamental plus que jamais menacé et garantir ainsi l’effectivité de ce dernier ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Agnès Buzyn (© UNAF)

Agnès Buzyn (© UNAF)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Nadine Grelet-Certenais, je vous remercie de votre question, qui me permet d’apporter plusieurs éléments de réponse à une situation particulièrement compliquée. J’indique d’ores et déjà qu’il ne s’agit pas ici d’une question de moyens.

Je tiens par ailleurs à vous assurer que mes services et l’agence régionale de santé, l’ARS, des Pays de la Loire se sont mobilisés, dès qu’ils ont eu connaissance de cette situation, en soutien de la direction de l’hôpital de Bailleul et des acteurs locaux, qui s’investissent aujourd’hui pour essayer de trouver une solution.

La suspension de la pratique de l’interruption volontaire de grossesse au centre hospitalier de Bailleul est le résultat, vous le savez, de plusieurs facteurs : le départ à la retraite du praticien qui réalisait jusqu’à présent les IVG ; le recours à la clause de conscience des médecins encore présents ; une démographie médicale particulièrement affaiblie ces dernières années dans le département de la Sarthe.

Face à cette impasse, la direction s’est assurée que les personnes concernées puissent trouver une réponse au centre hospitalier du Mans, situé à vingt-cinq minutes, et à celui d’Angers, également situé à vingt-cinq minutes, ces centres ayant des plages d’accueil et de soins réservées aux femmes qui en ont besoin.

Néanmoins, je vous rejoins, cette situation ne peut être que palliative. La direction de l’hôpital de Bailleul met tout en œuvre pour que cette activité puisse redémarrer.

Un praticien a notamment accepté d’augmenter son temps de travail et un médecin généraliste de Saumur, titulaire d’un diplôme universitaire en gynécologie, accepterait de venir, à hauteur de 20 % de son temps de travail, au sein de cet hôpital. Si cette piste était confirmée, l’activité pourrait redémarrer au début du mois de septembre.

Par ailleurs, l’ARS a contacté l’hôpital du Mans, établissement support du groupement hospitalier de territoire, qui est prêt à soutenir, dans le cadre des axes du projet médical partagé, le centre hospitalier de Bailleul, au titre de la filière d’obstétrique.

De la même façon, le CHU d’Angers pourrait, en concertation avec l’établissement support du groupement hospitalier de territoire, envisager d’apporter une aide à l’hôpital de Bailleul, en lien avec l’élaboration d’un projet médical défini entre les acteurs du territoire. Tout cela est en cours de négociation au sein de l’ARS.

Le ministère suit avec la plus grande attention cette situation, accompagne et soutient les établissements de santé du département, dans cette dynamique territoriale, afin de répondre à ce besoin.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Nadine Grelet-Certenais. Merci de votre réponse, madame la ministre.

Vous l’avez dit, la Sarthe est un département dont la démographie médicale est très affaiblie. Il est donc essentiel d’y sauvegarder les hôpitaux de proximité. On sait pertinemment que lorsque ceux-ci disparaissent, ce sont des soins essentiels, notamment l’IVG, qui sont d’abord supprimés. On ne peut absolument pas l’admettre. Je compte bien évidemment sur vous, madame la ministre.

Vous avez également entendu parler, me semble-t-il, du centre hospitalier de Saint-Calais, autre petit hôpital de proximité dans la Sarthe. Tous ces hôpitaux sont importants, pour ne pas dire absolument essentiels, dans nos zones rurales.


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