Le Conseil d’État a rendu aujourd’hui une décision qui démontre une fois de plus les limites de l’exercice en commun de l’autorité parentale par des parents séparés, notamment en l’absence de définition légale de la notion d’« acte usuel de l’autorité parentale ».
En l’espèce, un enfant avait changé d’établissement scolaire à la demande de son père, séparé de la mère. Icelle avait contesté les décisions de radiation et de réinscription prises par les collèges sans son accord exprès. Le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion lui avait donné raison le 25 juin 2015 et avait retenu la responsabilité de l’État, condamné à verser à la mère une indemnité de 2 000 euros en réparation du préjudice moral.
Saisi d’un pourvoi en cassation formé par la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le Conseil d’État a censuré aujourd’hui cette décision et renvoyé l’affaire devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion :
« 2. Considérant qu’aux termes de l’article 372-2 du code civil : “à l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant” ;
« 3. Considérant que, pour l’application de ces dispositions, l’administration appelée à prendre, à la demande d’un des parents exerçant en commun l’autorité parentale avec l’autre parent, une décision à l’égard d’un enfant, doit apprécier si, eu égard à la nature de la demande et compte tenu de l’ensemble des circonstances dont elle a connaissance, cette demande peut être regardée comme relevant d’un acte usuel de l’autorité parentale ; que, dans l’affirmative, l’administration doit être regardée comme régulièrement saisie de la demande, alors même qu’elle ne se serait pas assurée que le parent qui la formule dispose de l’accord exprès de l’autre parent ;
« 4. Considérant, par ailleurs, que dans l’hypothèse où l’administration ferait droit, pour un enfant, à une demande émanant d’un parent qu’elle ne pourrait, en vertu de la règle rappelée au point 3 ci-dessus, regarder comme réputé agir avec l’accord de l’autre parent, l’illégalité qui entacherait, par suite, sa décision, ne serait susceptible d’engager sa responsabilité qu’à raison de la part imputable à sa faute dans la survenance du préjudice ;
« 5. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu’en jugeant, pour condamner l’État à réparer le préjudice moral causé à [la mère] par l’illégalité d’une décision prise sur la seule demande du père de son enfant, qu’une demande de changement d’établissement scolaire ne pouvait être regardée comme revêtant le caractère d’un acte usuel de l’autorité parentale, sans rechercher si, eu égard à la nature de cet acte, l’ensemble des circonstances dont l’administration avait connaissance était de nature à la faire regarder comme régulièrement saisie de cette demande, le tribunal administratif de Saint-Denis a commis une erreur de droit. »
Cette décision est dans le droit fil d’un arrêt plus ancien de la cour administrative d’appel de Paris :
« Considérant qu’aux termes de l’article 372-2 du code civil : À l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quant il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant ; qu’en application de ces dispositions, chacun des parents peut légalement obtenir l’inscription ou la radiation d’une école d’un enfant mineur, sans qu’il lui soit besoin d’établir qu’il dispose de l’accord exprès de l’autre parent, dès lors qu’il justifie exercer, conjointement ou exclusivement, l’autorité parentale sur cet enfant et qu’aucun élément ne permet à l’administration de mettre en doute l’accord réputé acquis de l’autre parent… »
La notion d’acte usuel n’étant pas définie par le code civil, c’est la jurisprudence qui l’a progressivement déterminée. Ainsi, ne constituent pas des actes usuels un acte médical dépourvu de caractère d’urgence (Conseil d’État, arrêt nº 359076 du 7 mai 2014) ou l’engagement d’un mineur non émancipé dans l’armée en qualité d’élève officier (cour administrative d’appel de Bordeaux, arrêt nº 13BX01944 du 16 juin 2015). A contrario, sont considérés comme actes usuels la demande d’inscription d’un enfant mineur sur le passeport d’un parent (Conseil d’État, arrêt nº 173126 du 8 février 1999) ou la demande de radiation et d’inscription dans un établissement scolaire similaire (outre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris cité supra, voir aussi par exemple : cour administrative d’appel de Lyon, arrêt nº 12LY01224 du 28 février 2013).
- Références
- Conseil d’État
4e/1re chambres réunies
Lecture du 13 avril 2018
Décision nº 392949
Décision archivée au format PDF (33 Ko, 3 p.).
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