Lors de son audience publique de ce 12 juillet 2017, la chambre sociale de la Cour de cassation a estimé qu’un accord d’entreprise peut réserver aux seuls salariés de sexe féminin une demi-journée de congé à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes du 8 mars, au motif que cette mesure contribuerait à établir l’égalité des chances entre les femmes et les hommes en remédiant aux inégalités de fait qui affecteraient les chances des femmes.
En l’espèce, un salarié avait été engagé à compter du 3 novembre 2008 en qualité de conducteur de bus par la Société nouvelle des transports de l’agglomération niçoise. S’étant porté candidat aux élections professionnelles du 5 avril 2012, il avait ensuite été licencié le 26 octobre 2012. Estimant subir une discrimination à raison de son activité syndicale ainsi qu’une inégalité de traitement, il avait saisi la juridiction prud’homale.
Dans un arrêt du 1er septembre 2015, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait fait droit en partie à ses demandes, mais avait limité à une certaine somme le montant des dommages-intérêts alloués pour non-respect du principe de l’égalité de traitement. Contestant ce montant, le salarié s’était alors pourvu en cassation, arguant notamment que le principe d’égalité interdit de traiter de manière différente des situations comparables, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée, et qu’il faisait l’objet d’une différence de traitement injustifiée au regard de l’octroi aux seules femmes de l’entreprise d’une demi-journée de repos à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes.
La Cour de cassation vient donc de rejeter le pourvoi formé par le salarié, en affirmant que :
« En application des articles L. 1142-4, L. 1143-1 et L. 1143-2 du Code du travail, interprétés à la lumière de l’article 157, paragraphe 4, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, un accord collectif peut prévoir au seul bénéfice des salariées de sexe féminin une demi-journée de repos à l’occasion de la journée internationale pour les droits des femmes, dès lors que cette mesure vise à établir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes. »
Une note jointe à l’arrêt explique le raisonnement, ou plutôt le procédé mis en œuvre par les juges. Alors que le salarié fondait son moyen de cassation sur un critère objectif, l’article L3221-2 du code du travail relatif au principe d’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, « ce n’est pas sur ce terrain que la chambre sociale a choisi de placer le débat » : en se basant sur l’article L1142-4 du code du travail sur l’égalité des chances, les magistrats ont pu effectivement donner libre cours aux interprétations les plus subjectives de la loi. Quoi de moins objectif que la chance ?!
Force est de constater que l’idéologie féministe a dicté la ligne de conduite des juges :
« La chambre sociale juge que, si la journée du 8 mars, issue des luttes féministes, dépasse largement le périmètre du travail des femmes dans les entreprises, elle le concerne aussi très directement. On sait que les inégalités au travail, entre les hommes et les femmes, sont encore importantes, qu’il s’agisse des écarts de rémunération ou de la qualité des emplois. Les manifestations de quelque forme qu’elles soient, le 8 mars, permettent de susciter une réflexion sur la situation spécifique des femmes au travail et sur les moyens de l’améliorer. La chambre sociale considère qu’il existe dès lors un lien entre cette journée et les conditions de travail, légitimant cette mesure, en faveur de l’égalité des chances, prévue par un accord collectif. »
De toute évidence, la « réflexion » de la chambre sociale « sur la situation spécifique des femmes au travail et sur les moyens de l’améliorer » se borne à considérer que toute inégalité constitue une injustice, ainsi que l’assène sans cesse la propagande féministe, ce qui est bien sûr complètement faux dès lors qu’on veut bien réfléchir sérieusement et sans parti-pris. Les écarts de rémunération constatés entre les femmes et les hommes, par exemple, résultent pour une bonne part d’un recours plus important des femmes au travail à temps partiel : en quoi est-il injuste que celui-ci soit moins rémunéré que le travail à temps complet ?!
Il est par ailleurs très significatif que la chambre sociale se couvre de l’autorité des évolutions jurisprudentielles de la Cour de justice de l’Union européenne « en ce qui concerne les discriminations positives en faveur des femmes ». Apparaissant à cinq reprises dans la note explicative, le concept de « discrimination positive », somme toute assez contradictoire avec le principe d’égalité des droits, conduit à présumer que toute mesure négociée dans une entreprise au seul bénéfice des femmes est légitime puisqu’elle vise à améliorer les chances de ces dernières dans la vie professionnelle. Au grand tirage de la Cour de cassation, 100 % des gagnantes vont pouvoir tenter leur chance…
- Références
- Cour de cassation
Chambre sociale
Audience publique du 12 juillet 2017
Nº de pourvoi : 15-26262
Arrêt archivé au format PDF (46 Ko, 9 p.).
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