Le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, a adressé aujourd’hui un référé au ministre de l’économie et des finances, Michel Sapin, et à la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, Laurence Rossignol, pour les informer de nombreuses anomalies dans le fonctionnement de l’Union nationale des associations familiales et formuler des recommandations afin d’y remédier.
Créée en 1945, l’Union nationale des associations familiales (UNAF) a pour vocation de défendre, promouvoir et représenter les intérêts des familles auprès des pouvoirs publics. Des Unions départementales des associations familiales (UDAF) exercent les mêmes missions au niveau local et gèrent aussi très souvent des services sociaux (notamment la protection juridique des majeurs). L’UNAF et les UDAF bénéficient d’une dotation annuelle, en progression continue, prélevée sur les ressources de la branche famille de la sécurité sociale, qui s’élevait à 28,4 millions d’euros en 2015.
Les pouvoirs publics accordent une place très particulière et privilégiée à l’Union nationale des associations familiales et aux Unions départementales des associations familiales : un monopole de représentation des familles ; un financement automatique, généreux et réservé, assis sur une ressource toujours croissante ; une reconnaissance d’utilité publique automatiquement liée à l’agrément de leurs statuts. Ces spécificités ont conduit fréquemment les pouvoirs publics à les solliciter pour gérer des services sociaux à forts enjeux, notamment des services de tutelle des majeurs protégés. Cette place sans équivalent confère évidemment des devoirs à l’institution familiale.
Une représentativité médiocre et qui s’érode
Le premier est celui d’une véritable représentativité sociologique, et non seulement juridique, de l’ensemble des familles. À cet égard, le verdict de la Cour des comptes est sévère. Déjà médiocre, la représentativité de l’Union nationale des associations familiales continue de s’éroder : « l’effectif total de familles adhérentes revendiqué par les associations membres de l’UNAF était de 668 000 en 2015 contre 797 000 en 2002, en baisse de 16 % sur cette période ». Cet effectif, largement surestimé, représente moins de 4 % des dix-huit millions de familles françaises, soit un taux très inférieur à celui de la représentativité syndicale française, déjà très bas (11 %) ! Alors que les critères d’adhésion sont l’objet d’une interprétation souvent extensive, cette baisse ininterrompue du nombre de familles adhérentes remet en cause la légitimité, et donc les prérogatives, de l’Union nationale des associations familiales.
Un champ d’intervention extensif et peu encadré
Par ailleurs, l’Union nationale des associations familiales a beaucoup élargi les domaines de ses interventions, sans avoir pour autant défini de stratégie. Bien que dotée de prérogatives fortes, elle ne s’est pas non plus mise en situation d’assumer ses responsabilités de tête de réseau des Unions départementales des associations familiales. L’UNAF se doit d’être garante de la crédibilité et de la fiabilité du réseau des UDAF dès lors qu’elle les agrée ; or, elle reste très en-deçà de ses responsabilités et ne le pilote pas, avec des conséquences lourdes.
Un financement public très insuffisamment contrôlé
Un second devoir s’imposant à l’Union nationale des associations familiales est celui de l’exemplarité. L’institution familiale se doit d’être d’une absolue rigueur dans sa gestion mais tel n’est pas le cas. Le financement public de l’UNAF et des UDAF est insuffisamment contrôlé. La Cour des comptes considère que l’UNAF devrait adopter une gestion plus modeste, piloter fermement son réseau départemental et être plus rigoureusement encadrée par sa tutelle ministérielle.
Ces constats doivent amener les pouvoirs publics à refonder complètement le dispositif issu de l’ordonnance nº 45-323 du 3 mars 1945 relative aux associations familiales, qui n’a été réformé qu’à la marge en dépit de défaillances déjà relevées par la Cour des comptes et qui se sont encore aggravées. À défaut, ne pourrait qu’être remis en question un système de représentation institutionnelle des familles au nombre d’adhérents en déclin continu, au rôle à ce point élargi qu’il en est affaibli, à la légitimité de plus en plus fragile, dépourvu de la rigueur de gestion attendue, en risque considérable dans l’exercice de certaines activités (notamment la protection juridique des majeurs).
La Cour des comptes formule quatre recommandations à cette fin :
- « Recommandation nº 1 : clarifier précisément les critères d’adhésion à l’UNAF et aux UDAF et, dans cette perspective, interdire explicitement l’adhésion à l’UNAF et aux UDAF d’associations dont l’activité relève majoritairement du champs de la prestation de services ;
- « Recommandation nº 2 : renforcer les pouvoirs de contrôle de l’UNAF et des UDAF sur leurs membres pour vérifier leur respect des conditions d’adhésion ainsi désormais définies ;
- « Recommandation nº 3 : confier expressément à l’UNAF la compétence de chef de file du réseau des UDAF et, dans cette perspective, lui reconnaître la faculté de leur adresser des instructions pour mettre en œuvre une politique coordonnée et mutualisée sur l’ensemble de leurs activités, de procéder au contrôle de l’ensemble de leur gestion et de retirer son agrément, notamment en cas de non-respect des statuts-types ;
- « Recommandation nº 4 : supprimer le Fonds spécial et déterminer les dotations de fonctionnement accordées à l’UNAF et aux UDAF aux termes d’un dialogue de gestion avec les pouvoirs publics, intégrant des objectifs de baisse de la dépense et d’amélioration de la performance dans le cadre de conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens. »
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