La statistique permet de mesurer le coût moyen de l’enfant pour fixer la pension alimentaire conformément au code civil et contrairement au barème du ministère de la Justice

Euros (© D.R.)

Le présent article vise à donner une publicité aux travaux statistiques permettant d’évaluer le coût de l’enfant, ce qui est utile pour évaluer ses besoins financiers lorsque des parents séparés se retrouvent devant le juge aux affaires familiales qui doit alors fixer une pension alimentaire en fonction desdits besoins. Il s’agit ici d’une proposition ou d’une hypothèse de travail, ouverte à la discussion, et non pas d’une étude achevée qui ne souffrirait aucune critique.

Introduction

Il n’est pas rare de constater, s’agissant des procédures près le juge aux affaires familiales, qu’afin de fixer une pension alimentaire au profit de l’enfant, soit la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, les besoins de l’enfant ne soient guère évalués. Parfois on ne sait pas comment les estimer d’un point de vue monétaire. C’est d’ailleurs cette prétendue difficulté d’évaluation chiffrée qui a conduit le ministère de la Justice à élaborer un prétendu barème de pension alimentaire qui ne prend en compte que les revenus du parent débiteur d’aliments, en contradiction avec le code civil.

En effet, selon l’article 371-2 du code civil, « chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant ». Dans la loi, il est ainsi question de ressources et non de revenus, le premier concept étant plus flou que le second. Ce point est important car l’on peut se demander si, au sein des revenus, les montants correspondant aux impôts, et même à la pension alimentaire qu’il faut obligatoirement transférer, sont véritablement des ressources. La Cour de cassation répond à cette question par la négative. Selon le juge de cassation, lorsqu’il fixe le montant d’une pension alimentaire, le juge aux affaires familiales est tenu de faire une analyse des ressources et des charges des parties [1].

Par ailleurs, et c’est là le point central qui nous occupe ici, le juge aux affaires familiales doit estimer les besoins de l’enfant. Nous allons voir que la statistique pallie plutôt bien l’éventuel manque d’informations pour avoir une idée des besoins de l’enfant par tranche d’âge, quand les parties ne fournissent au juge aucun élément permettant de chiffrer ces besoins.

L’idée-clé à retenir est qu’une fois qu’on connaît les besoins de l’enfant, soit la somme des dépenses des deux parents pour son entretien et son éducation, il faut répartir ces dépenses au prorata des ressources une fois les charges déduites.

En clair, si les besoins mensuels de l’enfant sont de 1 000 euros et que le père « non-résident » dépense 250 euros en faveur de son enfant (25 % des besoins) lors de l’exercice de son droit de visite et d’hébergement contre 750 euros pour la mère chez laquelle réside habituellement l’enfant (75 % des besoins) tandis que le père dispose de 3 000 euros de ressources une fois les charges déduites (impôts…) et la mère de 2 000 euros, alors le père gagne 60 % des ressources parentales mais ne contribue qu’à hauteur de 25 % des besoins de l’enfant. La pension alimentaire va avoir pour rôle de faire passer sa contribution de 25 % à 60 %, soit 35 % des dépenses au profit de l’enfant à rembourser à la mère, c’est-à-dire 350 euros de pension alimentaire. Après versement de ladite contribution, les parents contribuent à proportion de leurs ressources aux besoins de l’enfant (250 + 350 = 600 euros pour le père et 750 − 350 = 400 euros pour la mère qui reçoit la pension en « remboursement » des frais qu’elle a avancés).

De cette façon, il convient de noter que la pension alimentaire répond à l‘objectif de subvenir aux besoins de l’enfant en fonction des facultés contributives des parents, sa finalité n’étant pas d’équilibrer les niveaux de vie des parents.

Pourquoi le barème de pension alimentaire du ministère de la Justice ne doit-il pas être utilisé par le juge aux affaires familiales pour fixer un montant de la pension alimentaire ?

La table de référence (ou barème) du ministère de la Justice définit un montant de pension alimentaire sur la seule base des revenus du parent débiteur et de facteurs tels que le nombre d’enfants ainsi que trois modalités de droit de visite et d’hébergement, à savoir alterné, classique et restreint. Elle n’a pas de valeur juridique contraignante (bien au contraire) et souffre de plusieurs écueils violant l’article 371-2 du code civil : absence de prise en compte des revenus du parent bénéficiaire, absence de prise en compte des besoins de l’enfant, absence de prise en compte des charges…

À cet égard, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire en France a censuré l’utilisation du barème pour fixer une pension alimentaire, précisément parce que ce barème ne prenait pas en compte les besoins de l’enfant et les facultés contributives (qui dépendent des charges) :

« Attendu que, pour condamner M. X… à verser une contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, l’arrêt énonce, d’une part, que la table de référence “indexée” à la circulaire du 12 avril 2010 propose de retenir pour un débiteur, père d’un enfant, disposant d’un revenu imposable de 1 500 euros par mois et exerçant un droit d’accueil “classique” une contribution mensuelle de 140 euros, d’autre part, que l’exercice d’un droit d’accueil restreint augmente, de façon non négligeable, les charges du parent au domicile duquel l’enfant réside ;

« Qu’en fondant sa décision sur une table de référence, fût-elle annexée à une circulaire, la cour d’appel, à laquelle il incombait de fixer le montant de la contribution litigieuse en considération des seules facultés contributives des parents de l’enfant et des besoins de celui-ci, a violé, par fausse application, le texte susvisé. »

Malgré cet arrêt, certains praticiens continuent à l’utiliser, en ignorant les charges et les revenus du parent créancier, comme dans cet exemple où la méthode du barème est décrite.

Maître Daria Verallo-Borivant explique ainsi comment le calcul de la pension alimentaire est effectué :

« Cher Monsieur,

« Le calcul d’une pension alimentaire s’établit comme suit :

« On prend en compte votre revenu, soit R1

« On déduit ensuite le minimum vital que vous devez conserver, soit 513,88 euros en 2015, (correspondant au RSA pour une personne seule).

« On obtient alors R1 − 513,88 = R2.

« On applique ensuite un pourcentage, X, qui dépend à la fois de l’amplitude du droit de visite et d’hébergement (garde alternée, classique, réduit) et du nombre d’enfants concernés.

« On calcule donc comme suit : R2 × X

« X étant fonction du nombre de vos enfants :

« 1 enfant : 13,5 %

« 2 enfants : 11,5 %

« 3 enfants : 10,0 %

« 4 enfants : 8,8 %

« 5 enfants : 8,0 %

« 6 enfants : 7,2 %

« On obtient donc R2 × X = P.

« Vous serez ainsi en mesure de vérifier la pension alimentaire qui devait être fixée en ce qui vous concerne.

« Il faut à mon sens effectivement que vous fassiez appel de cette décision puisqu’on ne vous a pas laissé le minimum vital pour vivre.

« Très cordialement, ».

Pour rappel, France Stratégie soutenait à partir de simulations qu’à partir du barème de pensions alimentaire du ministère de la justice, les parents « non-résidents » étaient excessivement sollicités sur le plan financier, ce même en tenant compte de leur revenu, leur contribution étant disproportionnée par rapport à celle des parents « résidents [2] ». Un collectif de sociologues rappelait dans le journal Le Monde que les mères à la tête de familles monoparentales voyaient leur niveau de vie baisser et soutenait que les simulations ne correspondaient pas à la réalité [3].

Force est de constater que cette réponse d’avocat donne quelque crédit à l’utilisation effective du barème dans certaines juridictions.

La réponse de France Stratégie aux critiques des sociologues souligna le manque de réalisme de la méthode des échelles d’équivalence, c’est-à-dire des unités de consommation, pour estimer le niveau de vie des ménages [4]. Les estimations à partir du ressenti subjectif montrent un panorama nuancé [5]. L’échelle d’équivalences d’Oxford modifiée sous-estimerait le niveau de vie des couples mais surestimerait celui des familles monoparentales. Mais les estimations à partir de méthodologies similaires aux échelles d’équivalence souffriraient en elles-mêmes de certains biais car, au lieu de se baser sur des dépenses réelles, elles reposent sur des hypothèses tendant à surestimer les dépenses effectives au profit des enfants, en particulier le calcul de coût moyen dans un ménage sans enfant servant à déterminer le coût moyen d’un enfant [6]. En effet, les ménages n’additionnent pas nécessairement des dépenses à l’arrivée d’un enfant à celles préexistantes mais changent de mode de vie en se réorganisant, de sorte que le budget soit parfois quasi-constant : moindre gaspillage, renonciation des adultes à d’anciennes consommations, telles que la restauration au profit de la cuisine à domicile… Par exemple, un couple sans enfant disposant d’une chambre et d’un bureau peut transformer le bureau en chambre à l’arrivée d’un enfant, de sorte qu’il n’y ait pas de coût additionnel de logement [7]. Il est donc important de distinguer coût économique et coût monétaire, lequel correspond à une dépense effective supplémentaire (par exemple une chambre plus grande). Le coût économique est plus large, intégrant le coût d’opportunité, qui n’est pas financier. Par exemple, il n’y a pas de coût monétaire à transformer le bureau en chambre mais il y a bel et bien un coût d’opportunité.

La statistique vient utilement pallier le déficit d’information grâce à une estimation moyenne des dépenses individualisables par enfant et par tranche d’âge

Rozenn Hotte et Henri Martin ont publié un article portant sur la mesure du coût de l’enfant à partir de l’enquête Budget de famille pour trois ministères : ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, ministère des Finances et des Comptes publics et ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social [5].

L’étude de Rozenn Hotte permet d’avoir une estimation des dépenses individualisables au profit des enfants de moins de seize ans avec une ventilation par poste de dépenses en 2011 en France métropolitaine. Les familles correspondent à des familles dites « monoparentales » ainsi qu’à des familles avec deux parents ensemble. Pour l’ensemble des familles avec au moins un enfant, ces dépenses annuelles individualisables s’élèvent à 6 000 euros par an en 2011, soit 500 euros par mois, dont la moitié est consacrée à la garde d’enfant. Ces dépenses correspondent aux consommations d’habillement, d’équipements et d’alimentation propres à l’enfant, ainsi que les frais scolaires, la garde d’enfant et l’achat de jouets.

Toutefois, ces dépenses individualisables ne correspondent pas à toutes les dépenses au profit des enfants car certaines dépenses ne sont pas individualisables : surplus de consommation d’électricité, de chauffage, d’essence, logement plus grand avec chambre supplémentaire… Les chiffres doivent donc être considérés comme étant un minorant des dépenses consacrées aux enfants. Plus l’enfant grandit plus la part de dépenses individualisables tend à diminuer car il partage davantage de consommations avec les adultes. De ce fait, pour les jeunes enfants les dépenses individualisables sont relativement proches des dépenses totales qui leur sont consacrées, sans pour autant leur être équivalentes.

C’est pourquoi, malgré ces limites, on va s’intéresser à l’apport de ces données statistiques pour fixer le montant de la pension alimentaire. Les chiffres datant de 2011, il faut tenir compte de l’inflation en actualisant les sommes à 2023. Or, selon l’indice des prix à la consommation de l’Institut national de la statistique et des études économiques, entre le 1er janvier 2011 et le 1er janvier 2023 la hausse des prix a été de 19,2 %.

Pour les familles « monoparentales » ou couples de France métropolitaine dont la personne de référence a entre vingt-cinq et cinquante-quatre ans inclus, avec un seul enfant de moins de seize ans et sans enfant de plus de seize ans, les dépenses individualisables représentent plus de 20 % du budget de la famille avec un enfant de zéro à deux ans, contre moins de 5 % pour un seul enfant de douze à quinze ans.

Dépenses individualisables dans le budget des familles comportant un seul enfant, selon l’âge de l’enfant
Tranche d’âge de l’enfant Dépenses annuelles individualisables pour un enfant en 2011 Dépenses mensuelles individualisables pour un enfant en 2011 Dépenses mensuelles individualisables pour un enfant actualisées en 2023
Champ : familles monoparentales ou couples de France métropolitaine dont la personne de référence a entre vingt-cinq ans et cinquante-quatre ans inclus, avec un seul enfant de moins de seize ans et sans enfant de plus de seize ans.
Sources : enquête Budget de famille 2011 (Institut national de la statistique et des études économiques)Hotte (Rozenn), Martin (Henri), op. cit. – calculs de l’auteur.
0 à 2 ans 8 500 708 844
3 à 5 ans 5 000 417 497
6 à 11 ans 3 000 250 298
12 à 15 ans 1 700 142 169

En actualisant la somme pour 2023, les dépenses individualisables pour un ménage avec un seul enfant âgé de zéro à deux ans s’élèvent à 844 euros, contre 497 euros pour un enfant de trois à cinq ans, 298 euros pour un enfant de six à onze ans et 169 euros pour les adolescents de douze à quinze ans. En d’autres termes, des montants de pension alimentaire de l’ordre de ces montants-là permettent de couvrir la totalité des dépenses individualisables pour un seul enfant.

On peut comparer ces résultats à des travaux antérieurs à partir de l’enquête Budget de famille de 2001 :

« Pour la plupart des dépenses, il est impossible de déterminer la part imputable à la présence d’enfants. Quelques produits et services, cependant, paraissent clairement attribuables : les frais de garde, de scolarité, quelques dépenses d’alimentation (laits bas âge, petits pots…), d’équipement (poussette, lit d’enfant) ou d’habillement. Avec l’âge, ces dépenses sont de moins en moins importantes. Par exemple, les dépenses de garde d’enfant représentent près de 900 euros du budget d’une famille monoparentale quand l’enfant a moins de 4 ans, contre moins de 300 euros pour les moins de 16 ans […].

« Ces dépenses ont un caractère incompressible, sans lien direct fort avec le revenu. On comprend donc qu’elles représentent, pour un enfant de moins de 4 ans, 13 % du budget total chez les familles monoparentales, contre 8 % chez les couples avec enfants. Les dépenses individualisables ont l’intérêt de constituer une borne inférieure du coût de l’enfant. Ainsi, on peut affirmer que chez les couples, l’enfant (unique) de moins de 16 ans consomme au moins 6 % du budget total. Cela étant, on a du mal à se convaincre que l’on tient là une estimation plausible de l’ensemble de ce qu’il coûte… »

Il faut à présent en venir en dépenses non individualisables.

Estimation des dépenses non individualisables pour un enfant

La consommation électrique moyenne d’une personne était de l’ordre de 30 à 60 euros mensuels en 2021 [8].

Or, le surcoût de consommation électrique avec un enfant en plus est de l’ordre de 14 % à 23 % (1 900 / 1 550). Il y a donc 5 à 15 euros de plus par mois par enfant.

Pour la location, le prix au mètre carré par département et grande ville varie à la location varie de 9 à 30 euros en mars 2023 [9]. Il est aux alentours de 10 euros dans de nombreux département, ce qui permet d’estimer que pour une chambre de 12 m², il y a un surcoût mensuel de 120 euros mensuels.

Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, les dépenses de transport augmentent aussi avec la présence d’enfants de 58 % pour les familles dites « monoparentales » par rapport aux personnes seules et de 27 % pour les couples avec enfants par rapport aux couples sans enfants, soit un surcoût de 114 euros pour les familles dites « monoparentales » à 128 euros pour les couples avec enfants en 2017 [10].

Au total, les dépenses non individualisables sont de l’ordre de 250 euros mensuels par enfant dans les zones où le prix de la location est de l’ordre de 10 euros le m² par mois mais ce chiffre double, montant à 500 euros, en cas de logement à Paris, à 30 euros le m² par mois.

Soit :

Dt : dépenses totales pour un enfant, c’est-à-dire les besoins de l’enfant

Di : dépenses individualisables pour un enfant

Dn : dépenses non individualisables pour un enfant (chambre supplémentaire, électricité, transport…)

On a :

Dt = Di + Dn

Avec la dérivée de Di’(âge de l’enfant) < 0 car les dépenses individualisables en raison du fort poids des frais de garde et du matériel spécifique non mutualisable avec les adultes décroissent avec l’âge (chaise haute, biberon, couches…).

Mais Dn est une constante indépendante de l’âge (une chambre supplémentaire pour un enfant coûte le même prix quel que soit son âge).

(Di(âge de l’enfant) /Dt)’ < 0

Ainsi, il semblerait que les besoins de l’enfant soient de l’ordre de 1 094 euros par mois pour un enfant de zéro à deux ans, 747 euros de trois à cinq ans, 548 euros de six à onze ans et 419 euros pour les adolescents. C’est cette somme qu’il faudrait répartir entre les parents.

La bonne méthode pour respecter l’article 371-2 du code civil : estimation concrète au prorata des ressources des parents après déduction des charges

Néanmoins, le parent titulaire d’un droit de visite et d’hébergement qu’il exerce de façon classique et régulière assume des dépenses au profit de son enfant qu’il voit 25 % du temps, dépenses à prendre en compte. Ce parent « non-résident » participe parfois, en outre, à des frais exceptionnels ou assume des frais de trajet pour éloignement géographique. Le parent « résident » assume 75 % des dépenses, ce qui justifie le versement d’une pension alimentaire à proportion des ressources des parties.

Par exemple, si le parent débiteur gagne 5 000 euros mensuels et si les ressources après déduction des charges telles que l’impôt sur le revenu est de 3 000 euros pour le parent débiteur et de 2 000 euros pour le parent créancier alors qu’avant déduction des charges son revenu s’élève à 3 000 euros, le pourcentage respectif de ressources de chacun dans l’ensemble des ressources du couple est respectivement de 60 % [3 000 / (3 000 + 2 000)] et 40 % [2 000 / (3 000 + 2 000)]. Si le parent « non-résident » gagne 60 % des ressources du couple parental mais assume déjà directement 25 % des dépenses, il manque donc 35 % (60 % − 25 %) à verser au parent « résident ». Il faut évidemment adapter ce pourcentage en fonction des situations.

Rp : revenus du parent « non-résident » (5 000 euros)

Rm : revenus du parent « résident » (3 000 euros)

Ip : impôts du parent « non-résident » (800 euros)

Im : impôts du parent « résident » (50 euros)

Cp : charges du parent « non-résident » (1 200 euros)

Cm : charges du parent « résident » (950 euros)

Ap : aides sociales du parent « non-résident » (0 euro)

Am : aides sociales du parent « résident » (0 euro)

Dp : dépenses directes au profit de l’enfant par le parent « non-résident » (175 euros)

Dm : dépenses directes au profit de l’enfant par le parent « résident » (525 euros)

Tp : frais de trajet lié à l’éloignement géographique à la charge du parent « non-résident » (0 euros)

Tm : frais de trajet lié à l’éloignement géographique à la charge du parent « résident » (0 euros)

P : pension alimentaire

On note bien que les ressources du parent « non-résident » une fois les charges déduites sont :

Rp − Ip − Cp + Ap = 5 000 − 800 − 1 200 + 0 = 3 000

On note bien que les ressources du parent « résident » une fois les charges déduites sont :

Rm − Im − Cm + Am = 3 000 − 50 − 950 + 0 = 2 000

Le ratio de ressources après déduction des charges est égal à 3 000 / 2 000 = 1,5 ou 60 % / 40 % = 1,5.

Les besoins de l’enfant sont par exemple pour un enfant de trois ans :

Dp + Dm = 175 + 525 = 700

RR : ratio de ressources du parent « non-résident » par rapport au parent « résident »

RR = (Rp − Ip − Cp + Ap) / (Rm − Im − Cm + Am)

RC : ratio de contribution du parent « non-résident » par rapport au parent « résident »

RC = (Dp + Tp + P) / (Dm + Tm − P)

r : ratio d’équilibre égalisant les ratios RR et RC tels que r = RR = RC

On cherche P dans l’équation tel que :

r = (Rp − Ip − Cp + Ap) / (Rm − Im − Cm + Am) = (Dp + Tp + P) / (Dm + Tm − P) = RC = RR

L’idée ici est que pour un euro de ressources du parent « résident », le parent « non-résident » a r euros de ressources. Par conséquent, pour un euro de dépenses du parent « résident » au profit de l’enfant, le parent « non-résident » doit dépenser r euros au profit de l’enfant.

La solution de cette équation est tout simplement :

P = (r × Dm + r × Tm − Dp − Tp) / (1 + r)

P = (1,5 × 525 + 1,5 × 0 − 175 − 0) / (1 + 1,5)

P = 245

C’est ainsi qu’on peut calculer la juste pension alimentaire respectant le ratio de ressources des parents.

P = (((Rp − Ip − Cp + Ap)) / ((Rm − Im − Cm + Am)) × Dm + ((Rp − Ip − Cp + Ap)) / ((Rm − Im − Cm + Am)) × Tm − Dp − Tp) / (1 + ((Rp − Ip − Cp + Ap)) / ((Rm − Im − Cm + Am)))

P = (((5 000 − 800 − 1 200 + 0)) / ((3 000 − 50 − 950 + 0)) × 525 + ((5 000 − 800 − 1 200 + 0)) / ((3 000 − 50 − 950 + 0)) × 0 − 175 − 0) / (1 + ((5 000 − 800 − 1 200 + 0)) / ((3 000 − 50 − 950 + 0)))

P = 245

La pension alimentaire s’élève à 245 euros pour les besoins de l’enfant, soit 35 % de ses besoins, qui sont dans cet exemple : Dt = Dp + Dm = 175 + 525 = 700.

En effet, lors d’un droit de visite classique, on peut estimer que Dp = Dt / 4 et Dm = Dt × 3 / 4.

Dans cet exemple le ratio noté r est égal à 1,5 avec le ratio de ressources RR = 3 000 / 2 000 et le ratio de contributions RC = (Dp + P) / (Dm − P) = (175 + 245) / (525 − 245) = 1,5.

L’équation a donc bel et bien permis d’équilibrer les contributions parentales au prorata des facultés contributives des parents.

Avec le barème du ministère de la Justice, le parent débiteur aurait payé 594 euros de pension alimentaire, alors qu’on voit qu’après déduction des charges et à proportion des ressources il ne doit que 245 euros mensuels.

Au regard de tous ces éléments, on peut considérer que les besoins de l’enfant à la charge d’un parent « résident » avec un loyer de 10 euros par m², en admettant que l’autre parent exerce son droit de visite et d’hébergement de façon classique et régulière (moitié des weekends et des vacances scolaires), se chiffrent grossièrement entre 420 et 1 000 euros, en précisant qu’il y a des rendements d’échelle avec le nombre d’enfants. La pension alimentaire à verser variera donc entre 147 et 383 euros (35 % des besoins de l’enfant) à reverser, car le parent « non-résident » prend déjà en charge 25 % du temps 25 % des dépenses (attention : cette clé de répartition est utilisée par simplicité et pourrait être modifiée dans la mesure où le parent « non-résident » a des dépenses plus que proportionnelles au temps passé en raison de frais fixes telles qu’une chambre pour accueillir son enfant ; il est possible qu’elle soit plus proche de 30 %, voire de 35 %).

Répartition des contributions parentales aux besoins de l’enfant lors d’un droit de visite et d’hébergement classique avec un loyer peu cher de 10 euros par m² quand le parent débiteur dispose de 60 % des ressources du couple parental
Tranche d’âge de l’enfant 100 % du coût de l’enfant à répartir entre les deux parents 75 % du coût de l’enfant pour le parent « résident » 25 % du coût de l’enfant pour le parent « non-résident » Pension alimentaire = 35 % (60 % − 25 %) des dépenses si le parent « non-résident » gagne 60 % des ressources du couple
Sources : enquête Budget de famille 2011 (Institut national de la statistique et des études économiques)Hotte (Rozenn), Martin (Henri), op. cit. – « Prix immobilier partout en France », Meilleurs agents – calculs de l’auteur.
0 à 2 ans 1 094 821 274 383
3 à 5 ans 747 560 187 261
6 à 11 ans 548 411 137 192
12 à 15 ans 419 314 105 147

Par ailleurs, en raison d’aides sociales et fiscales, il faut prendre en compte certains facteurs dans la répartition des frais entre les parents. Les allocations familiales, l’allocation de rentrée scolaire et d’autres prestations ou subventions, notamment pour la cantine scolaire et les frais de garde, viennent réduire ces frais pour les parents dits isolés. Il convient donc de tenir compte de ces éléments avant de procéder à la répartition des contributions parentales à proportion de leurs ressources. Le parent « résident », chez lequel habite l’enfant, bénéficie du quotient familial qui réduit considérablement l’impôt sur le revenu, quand il ne l’annule pas purement et simplement. C’est la fameuse analyse des ressources et des charges qu’il convient d’opérer pour calculer le pourcentage des ressources parentales (ici 60 % pour le parent débiteur, qui doit donc verser 35 % du coût de l’enfant).

Répartition des contributions parentales aux besoins de l’enfant lors d’un droit de visite et d’hébergement classique avec un loyer cher de 30 euros par m² quand le parent débiteur dispose de 60 % des ressources du couple parental
Tranche d’âge de l’enfant 100 % du coût de l’enfant à répartir entre les deux parents 75 % du coût de l’enfant pour le parent « résident » 25 % du coût de l’enfant pour le parent « non-résident » Pension alimentaire = 35 % (60 % − 25 %) des dépenses si le parent « non-résident » gagne 60 % des ressources du couple
Sources : enquête Budget de famille 2011 (Institut national de la statistique et des études économiques)Hotte (Rozenn), Martin (Henri), op. cit. – « Prix immobilier partout en France », Meilleurs agents – calculs de l’auteur.
0 à 2 ans 1 344 1 008 336 471
3 à 5 ans 997 748 249 349
6 à 11 ans 798 599 200 279
12 à 15 ans 669 502 167 234

Sans surprise, les montants sont plus élevés pour une résidence de l’enfant à Paris, en raison de la cherté des loyers. Les pensions alimentaires décroissent en fonction de l’âge, allant de 471 euros pour un bébé à 234 euros pour un adolescent.

Conclusion

En conclusion, grâce à la statistique publique, il est possible de calculer ce qu’on appelle « les besoins de l’enfant » au sens de l’article 371-2 du code civil, lequel dispose que « chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant », et d’en déduire le montant de la pension alimentaire. L’étude centrale de cet article permet de mesurer le coût moyen d’un enfant pour les seules dépenses individualisables, mais il a été possible de compléter ces estimations en y ajoutant une évaluation des dépenses non individualisables, soit essentiellement les frais de logement. L’ensemble des deux (individualisables et non-individualisables) correspondent aux besoins économiques de l’enfant.

Ces besoins varient entre 420 et 1 350 euros mensuels, y compris frais non individualisables, et sont plus élevés pour les bébés nécessitant des frais de garde que pour les adolescents. La prise en charge directe par le parent « non-résident » de l’ordre de 25 % explique qu’il ne verse qu’une contribution correspondant au pourcentage de ses ressources dans le couple parental (60 % dans notre exemple) moins les 25 % déjà directement assumés, soit un certain pourcentage des besoins de l’enfant (35 % = 60 % − 25 %). C’est ce remboursement (35 % des besoins de l’enfant) qui correspond au transfert qu’on appelle la pension alimentaire, dont la vocation n’est pas d’équilibrer les niveaux de vie des deux ménages, contrairement à la prestation compensatoire, mais de faire contribuer chacun des parents, à proportion de ses ressources, à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.

La table de référence du ministère de la Justice s’écarte sensiblement des montants de pension alimentaire conformes au code civil.

Il convient tout de même de souligner qu’une limite de l’exercice tient au cas où le droit de visite et d’hébergement ne serait pas exercé avec assiduité. Dans ce cas, une révision de la pension s’impose pour tenir compte du véritable ratio de contribution directe, alors inférieur à 25 %. A contrario, ce ratio doit être relevé en cas de droit de visite et d’hébergement élargi, par exemple à 35 %.

Une autre limite tient au fait qu’il s’agit ici du coût moyen d’un enfant. Or, on peut soutenir que ce coût varie en fonction des revenus des parents.

Bibliographie

Notes
  1. Voir par exemple : Cour de cassation, Chambre civile 1, arrêt du 1er février 2012, pourvoi nº 10-26894 ; arrêt du 4 novembre 2015, pourvoi nº 14-25600 ; arrêt du 4 juillet 2018, pourvoi nº 17-20281.
  2. Ben Jelloul (Mahdi), Cusset (Pierre-Yves), « Comment partager les charges liées aux enfants après une séparation ? », La note d’analyse, nº 31, 18 juin 2015.
  3. Collectif, « L’appauvrissement des mères après une séparation n’est pas simulé ! », Le Monde, 25 juin 2015.
  4. Ben Jelloul (Mahdi), Cusset (Pierre-Yves), « L’étude “Comment partager les charges liées aux enfants après une séparation” en débat », France Stratégie, 30 juillet 2015.
  5. Hotte (Rozenn), Martin (Henri), « Mesurer le coût de l’enfant : deux approches à partir des enquêtes Budget de famille », Dossiers solidarité et santé, nº 62, 1er juin 2015.
  6. Comanor (William S.), « Dr. Venhor’s Minnesota Report: a Brief Response », 7 avril 2017.
  7. Comanor (William S.), Sarro (Mark), Rogers (R. Mark), « The Monetary Cost of Raising Children », in : Collectif, Economic and Legal Issues in Competition, Intellectual Property, Bankruptcy, and the Cost of Raising Children, Bingley, Emerald, collection « Research in Law and Economics » (vol. 27), 23 novembre 2015, pp. 209-251.
  8. Sources : « Consommation moyenne d’électricité par foyer français », Kelwatt ; « Quel est le montant d’une facture moyenne d’électricité par mois ? », Hello Watt.
  9. Source : « Prix immobilier partout en France », Meilleurs agents.
  10. Cf. Mainaud (Thierry), « En 2017, les ménages consacrent 11 % de leur revenu disponible à la voiture », Insee Première, nº 1855, 26 avril 2021.

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