Comment fixer le montant de la pension alimentaire ? Une simple équation pour se conformer au code civil ?

Euros (© D.R.)

Le présent article revient sur le débat académique relatif aux contributions des parents séparés à l’entretien et à l’éducation des enfants, controverse ravivée en 2015 suite aux travaux publiés par France Stratégie. Les critères de fixation de la « pension alimentaire » sont fixés par la loi dans les grandes lignes. Mais, en pratique, il revient au juge aux affaires familiales d’en déterminer le montant en fonction des circonstances de l’espèce, sans qu’existe une méthode à même d’assurer une application uniforme du droit. Le présent article se propose d’établir une méthode de calcul standardisée pour le montant de la pension alimentaire, en tenant compte des ressources et des charges des parents, des besoins de l’enfant au sens du code civil, dans le contexte d’une procédure près le juge aux affaires familiales.

Plan
  1. La question controversée des contributions des parents séparés à l’entretien et à l’éducation de l’enfant
    1. La controverse de 2015 sur les contributions des parents gardiens et non-gardiens
    2. Quelques données de cadrage sur les contributions respectives des parents
    3. De la réponse de France Stratégie en 2015 à la nouvelle approche de l’Institut national de la statistique et des études économiques en 2021
  2. Les critères juridiques pour fixer le montant de la pension alimentaire
    1. Prendre en compte les ressources et les charges de chacun des parents
    2. Évaluer les besoins de l’enfant
  3. Méthodologie proposée pour fixer une pension alimentaire conforme aux dispositions du code civil : résolution d’une équation du premier degré
    1. Méthode de calcul de la pension alimentaire à partir des ressources et des charges des parties
    2. Cas nº 1 : aisance asymétrique
    3. Cas nº 2 : aisance symétrique
    4. Cas nº 3 : asymétrie de revenus
    5. Cas nº 4 : situation modeste
  4. Conclusion
  5. Annexe : détail des ressources et des charges
  6. Bibliographie

1. La question controversée des contributions des parents séparés à l’entretien et à l’éducation de l’enfant

Les études classiques sur le niveau de vie des parents séparés utilisent l’échelle d’équivalence dite anciennement « de l’Organisation de coopération et de développement économiques », en affectant une unité de consommation au premier adulte du ménage, 0,5 unité de consommation à chacune des autres personnes du ménage âgée de quatorze ans ou plus et 0,3 unité de consommation à chacune des autres personnes du ménage âgée de moins de quatorze ans. Le niveau de vie est mesuré par unité de consommation, en prenant le revenu disponible, c’est-à-dire une fois déduits les impôts, transferts sociaux et parfois en déduisant aussi les transferts privés (pension alimentaire avec ou sans jugement).

Avec cette méthodologie, le « parent non-gardien » (ou « parent hébergeant ») est réputé ne rien dépenser pour son ou ses enfants, hormis la pension alimentaire déjà déduite de ses revenus (puisqu’on prend le revenu disponible). Or, cette hypothèse de dépense nulle pour les enfants est souvent non vérifiée en pratique (en plus de la pension alimentaire : frais de trajet, de logement, d’alimentation, cadeaux, vêtements, etc.). Il y a donc un débat portant sur la méthodologie à appliquer et sur les résultats subséquents. Qui du parent « gardien » ou « non-gardien » contribue le plus ? Qui des pères et des mères voient leur niveau de vie baisser ? En somme, comment établir une juste contribution de chacun des parents aux frais nécessaires à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ?

1.1. La controverse de 2015 sur les contributions des parents « gardiens » et « non-gardiens »

En 2015, une vive polémique a opposé France Stratégie à des sociologues sur cette question. Cette controverse portait sur les contributions (et inégalités) entre « parents gardiens » et « parents non-gardiens ». Pour faire simple, France Stratégie soutenait à partir de simulations qu’à partir du barème des pensions alimentaire du ministère de la Justice les « parents non-gardiens » étaient excessivement sollicités sur le plan financier, ce même en tenant compte de leur revenu, leur contribution étant disproportionnée par rapport à celle des « parents gardiens [1] ».

En désaccord avec la méthode et les conclusions, des sociologues brocardèrent alors l’étude en rappelant que les « parents gardiens » hébergeant habituellement l’enfant sont pour la plupart du temps des mères, les parents débiteurs d’aliments étant le plus clair du temps des pères. Citant l’Institut national de la statistique et des études économiques, le collectif de sociologues rappelait dans le journal Le Monde que les mères à la tête de familles « monoparentales » voyaient leur niveau de vie baisser et soutenait que les simulations ne correspondaient pas à la réalité [2].

L’étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques citée par les sociologues reposait sur des données microéconomiques de la statistique sociale, s’appuyant sur des données fiscales pour mesurer le revenu disponible après impôts et transferts privés et sociaux. Le revenu disponible d’un ménage y est défini comme étant la somme des revenus du travail (salaire, revenu des indépendants), revenus de remplacement (pension de retraite, allocation de chômage) et revenus imposables du patrimoine des membres du ménage qui en perçoivent, des transferts privés (ajout des pensions alimentaires déclarées par le parent qui les reçoit, généralement le parent « gardien » des enfants, et déduction de celles versées par le parent débiteur, généralement le parent « non gardien ») et de certaines prestations sociales (essentiellement des prestations logement et famille), de laquelle on déduit les impôts (impôts sur le revenu et taxe d’habitation). À partir de cette définition du revenu disponible, les auteurs estiment que le niveau de vie des mères diminue de 20 % deux ans après la rupture contre 3 % pour les pères [3].

Les sociologues déploraient que la moitié des divorces en 2009 se soldaient par une absence de paiement de pension alimentaire, laissant entrevoir des décisions judiciaires au détriment des mères [4].

1.2. Quelques données de cadrage sur les contributions respectives des parents

À ce stade, quelques éléments de contexte sur l’asymétrie de paiement de pension alimentaire mériteraient d’être rappelés.

En 2003, lorsque la résidence de l’enfant est fixée chez elle, la mère obtient une pension alimentaire dans 91 % des divorces contre seulement 38 % des pères dans la même situation [5]. De plus :

« Globalement, la mère reçoit une pension alimentaire plus élevée que le père : le montant moyen par enfant est de 188 euros pour la mère et 111 euros pour le père. »

Les pères gardiens perçoivent moins souvent une pension alimentaire que les mères gardiennes : en 2009, 61,2 % des mères détentrices de la garde exclusive déclarent percevoir une pension alimentaire alors que ce n’est le cas que de 15,3 % des pères qui ont la garde exclusive [4]. Les auteurs précisent :

« Pour les mères ayant la garde exclusive et recevant une pension, son montant médian par enfant est de l’ordre de 150 euros mensuels. […] Le montant de pension par enfant reçue par les pères qui ont la garde exclusive est plus faible. Il est de 100 euros en médiane. »

Cette situation inégalitaire pouvant résulter elle-même des écarts de revenu sexués, on peut se demander ce qui advient une fois qu’on neutralise les effets de disparités de revenus.

Malgré la taille limitée des effectifs de mères devant s’acquitter d’une pension alimentaire, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (service statistique du ministère des Solidarités et de la Santé) a pu montrer que, par rapport à leurs homologues masculins, les mères « non-gardiennes » s’acquittent moins souvent de l’obligation alimentaire (sur le champ des parents solvables) et ce avec des montants moindres, même en contrôlant par diverses caractéristiques (modèle économétrique) dont les revenus. Le sexe du parent « non gardien » est ainsi de loin le plus puissant déterminant du non versement d’une pension alimentaire, dans la mesure où 23 % des pères solvables et 67 % des mères solvables déclarent ne pas verser de pension alimentaire [6]. En d’autres termes, à caractéristiques comparables notamment de revenu, les mères versent moins souvent de pension alimentaire aux pères qui ont la « garde exclusive ».

1.3. De la réponse de France Stratégie en 2015 à la nouvelle approche de l’Institut national de la statistique et des études économiques en 2021

La réponse de France Stratégie aux critiques des sociologues souligna le manque de réalisme de la méthode des échelles d’équivalence, c’est-à-dire des unités de consommation, pour estimer le niveau de vie des ménages [7].

Les auteurs de France Stratégie rappelèrent en outre la légitimité des modèles de micro-simulation pour faire des préconisations de politique publique, en l’occurrence le caractère excessif du barème indicatif mis à la disposition des juges. Du reste, soulignaient les auteurs, la contribution du « parent non-gardien » ne se limite pas au versement de la pension alimentaire au parent chez lequel réside habituellement l’enfant, mais comprend des dépenses pour accueillir l’enfant pendant les périodes de droit de visite et d’hébergement. Or, ces frais ne sont pas pris en compte dans le calcul usuel du niveau de vie.

Il se trouve qu’une approche économétrique desdits frais tendrait à indiquer que les montants dépensés au profit de l’enfant (en plus de la pension alimentaire) de façon directe ou indirecte pourraient s’élever à 600 euros par mois (hors pension alimentaire), en raison des frais de restauration, de loisirs et d’hébergement liés à la séparation des parents : il s’agit approximativement du tiers du revenu disponible des « parents non-gardiens » (pour des revenus moyens d’environ 2000 euros par mois après déduction de la pension alimentaire déjà versée). En pratique, le « parent non-gardien » doit bien souvent prévoir des dépenses lorsqu’il accueille l’enfant, ce qui peut aller jusqu’à prévoir une chambre supplémentaire avec des affaires au profit de ce dernier. La prise en compte de l’ensemble de ces frais aboutirait à sérieusement réévaluer la contribution effective du « parent non-gardien » et subséquemment son niveau de vie, revu à la baisse car corrigé de cette contribution rarement prise en compte dans les études et ignorée fiscalement [8].

Exercice difficile en pratique, faute de méthodologie précise et de déficit d’information, la fixation de la pension alimentaire s’opère donc en fonction du juge avec des méthodes qui lui sont propres, parfois en recourant à de simples calculs de proportionnalité en fonction des revenus ou de façon hasardeuse ou encore en s’appuyant sur le barème indicatif du ministère de la Justice [9].

L’opacité avec laquelle les pensions alimentaires sont fixées a fait couler beaucoup d’encre et certains s’efforcent de proposer une méthode se voulant objective et conforme au code civil, afin d’assurer le lien de proportionnalité entre facultés contributives et ressources [10].

Le problème de fond du débat porte donc précisément sur la mesure du niveau de vie réel des ménages, ce qui suppose aussi de tenir compte des transferts fiscaux, sociaux et privés. Au problème de la non-prise en compte des frais au profit de l’enfant à la charge du « parent non-gardien » s’ajoute donc celui d’une partie des transferts éludés dans les estimations du niveau de vie.

L’Institut national de la statistique et des études économiques apporte des précisions, en affinant sa méthodologie dans le calcul de la redistribution [11]. La redistribution était largement sous-estimée jusqu’à présent. Autrement dit, les inégalités entre les ménages étaient surestimées.

C’est une approche comptable de comptabilité nationale qui est adoptée par les auteurs et non celle de données microéconomiques de la statistiques sociales telles que celles par exemple des données de l’enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) ou les sources fiscales (direction générale des Finances publiques).

Pour calculer le niveau de vie en France à partir de l’approche comptable de la comptabilité nationale, une méthode consistait à prendre le revenu avant redistribution à partir des données brutes, soit le revenu national net avant transfert, ou revenu primaire élargi (revenu salarial brut augmenté des cotisations sociales patronales, revenus bruts des indépendants, revenus du patrimoine, revenus des entreprises, loyers fictifs…).

En 2018, s’agissant du revenu primaire élargi, les 10 % les plus aisés en niveau de vie reçoivent 133 100 euros par unité de consommation en moyenne par an contre 10 500 pour les 10 % les plus modestes. Les 10 % les plus riches gagnent ainsi treize fois plus que les 10 % les plus pauvres. C’est le revenu national net avant transfert.

Parfois ces chiffres sont corrigés, correspondant aux revenus de facteurs (pensions de retraite et d’invalidité, allocations chômage et indemnités journalières brutes, rentes accidents du travail et maladies professionnelles, cotisations employeurs, cotisations employés et cotisations des indépendants…).

Puis adviennent d’autres corrections avec les impôts et transferts sociaux (prestations familiales, minima sociaux, prime d’activité, prélèvements sociaux [contribution sociale généralisée, contribution pour le remboursement de la dette sociale, etc.], impôt sur le revenu, taxe d’habitation, impôt sur la fortune [impôt de solidarité sur la fortune/impôt sur la fortune immobilière]) pour obtenir le revenu disponible. À ce stade, seuls les transferts en espèces sont pris en compte. Il s’agit du revenu disponible quasi-usuel. Les 10 % les plus aisés disposent d’un niveau de vie (revenu disponible après transferts partiels par unité de consommation) sept fois plus élevé (76 790 euros par unité de consommation) que celui des 10 % les plus modestes (11 000 euros par unité de consommation). Ce concept est proche du revenu disponible usuel par unité de consommation, revenu disponible diffusé usuellement par l’Institut national de la statistique et des études économiques. Celui-ci inclut entre autres les allocations logement alors qu’elles ne sont pas comprises dans le revenu disponible après transferts calculé par Accardo et alii.

Dans certaines publications, il est question du revenu disponible ajusté, en tenant compte des transferts sociaux en nature (santé, éducation, action sociale, logement). Les prestations en nature sont ainsi partiellement intégrées.

Désormais, en prenant aussi en compte les services publics non individualisables (police, justice, etc.), Accardo et et alii aboutissent à un concept de niveau de vie élargi. L’ensemble des prestations en nature sont cette fois-ci prises en compte. C’est une approche exhaustive. En 2018, le revenu national net après transfert en euros par unité de consommation s’élève à 87 030 euros pour les 10 % les plus aisés contre 28 370 pour les 10 % les moins aisés, soit trois fois plus.

En résumé, le revenu primaire élargi moyen des 10 % des individus les plus aisés est treize fois plus élevé que celui des 10 % les plus modestes. Ce rapport est ramené à sept sur le niveau de vie quasi-usuel, puis à trois sur le niveau de vie élargi qui semble être l’indicateur le plus pertinent pour mesurer les inégalités de niveau de vie. En effet, la redistribution provient avant tout des transferts en nature.

Avec l’approche usuelle à partir des sources microéconomiques de la statistique sociale (donc non pas à partir de données comptables de la comptabilité nationale), les 10 % les plus riches ont un niveau de vie s’élevant à 119 000 euros annuels par unité de consommation contre 7 130 euros par unité de consommation pour ceux en-dessous du premier décile, soit seize fois plus. Il est donc clair que l’approche microéconomique de la statistique sociale surestime les inégalités (un rapport de seize entre déciles extrêmes) par rapport à une approche exhaustive (un rapport de trois).

Ces nouvelles estimations de l’Institut national de la statistique et des études économiques semblent donc corroborer l’idée d’une surestimation de la pauvreté, et par ricochet de celle des familles dites « monoparentales ».

Au total, que ce soit en estimant les dépenses du « parent non-gardien » susceptibles d’être au profit de l’enfant ou que ce soit en calculant le niveau de vie par l’approche exhaustive précitée, il y a toute apparence que le niveau de vie (et respectivement la contribution) du « parent non-gardien » soit surestimé (et respectivement sous-estimée).

2. Les critères juridiques pour fixer le montant de la pension alimentaire

Selon l’article 371-2 du code civil, « chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant ». Dans la loi, il est ainsi question de ressources et non de revenus, le premier concept étant plus flou que le second. Ce point est important car l’on peut se demander si, au sein des revenus, les montants correspondant aux impôts, et même à la pension alimentaire qu’il faut obligatoirement transférer, sont véritablement des ressources. La réponse du juge de cassation est non.

2.1. Prendre en compte les ressources et les charges de chacun des parents

Dans un arrêt en date du 4 juillet 2018, la première chambre civile de la Cour de cassation évoque les éléments à prendre en considération pour évaluer les ressources des époux. La Haute Cour affirme d’abord que la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants est une charge qui doit être prise en considération pour le calcul des ressources nettes de l’époux débiteur de la prestation compensatoire :

« En se déterminant ainsi, sans prendre en considération, comme elle y était invitée, les sommes versées par M. Y… au titre de sa contribution à l’entretien et à l’éducation de sa fille R…, laquelle, constituant des charges, devait venir en déduction de ses ressources, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. »

Selon la Cour de cassation, le juge aux affaires familiales se doit de faire une analyse des ressources et des charges des deux parents :

« Attendu, en second lieu, que, sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale au regard de l’article 371-2 du code civil, les deuxième et troisième branches du moyen ne tendent qu’à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, les appréciations souveraines des juges du fond qui, après avoir retenu que Virginie ne pouvait subvenir à ses besoins et procédé à l’analyse des ressources et charges des parties, ont fixé le montant de la contribution de Mme Y… à l’entretien et à l’éducation de sa fille ;

« D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli. »

Il est donc clair qu’en cas de pensions alimentaires multiples les pensions alimentaires déjà existantes, pour le compte d’autres enfants d’un ménage tiers, doivent être déduites des ressources du parent débiteur, en étant comptées en charges (annexe), à l’instar des frais de logement (loyer, remboursement d’emprunt immobilier…). Autrement dit, elles doivent être considérées comme des charges et non comme des ressources. Logiquement, leur montant doit donc être déduit des ressources.

À l’inverse, pour le parent bénéficiaire, la pension alimentaire est une ressource. En cas de pensions alimentaires multiples perçues, les pensions alimentaires déjà existantes, pour le compte d’autres enfants d’un ménage tiers, doivent être ajoutées aux ressources.

En effet, eu égard au fait que le juge aux affaires familiales doive faire une analyse des ressources et des charges, il convient d’envisager le revenu disponible en déduisant les charges de logement (loyer, emprunt immobilier…) :

« Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande aux fins de diminution de la pension alimentaire ;

« Attendu que, sous couvert de griefs non fondés de manque de base légale au regard de l’article 371-2 du code civil et de violation de l’article 455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu’à remettre en cause le pouvoir souverain des juges du fond qui, après avoir évalué les ressources et les charges des parties, pris en considération l’âge des enfants et constaté que M. X… disposait d’un patrimoine immobilier conséquent et vivait de manière luxueuse, ont estimé qu’il n’y avait pas lieu de diminuer la pension alimentaire litigieuse ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches… »

Il convient de préciser que les ressources envisagées s’apparentent à des revenus (des flux) et non à du patrimoine (du stock). Ainsi, les revenus du travail et du capital sont-ils pris en compte mais non le capital en tant que tel : les revenus fonciers font partie des ressources au sens de l’article 371-2 du code civil mais non pas le patrimoine immobilier en qualité de stock de capital.

La table de référence (ou barème) du ministère de la Justice définit un montant de pension alimentaire sur la seule base des revenus du parent débiteur et facteurs tels que le nombre d’enfants ainsi que trois modalités de droit de visite et d’hébergement, à savoir alterné, classique et restreint. Elle n’a pas de valeur juridique contraignante et souffre de plusieurs écueils : absence de prise en compte des revenus du parent bénéficiaire, absence de prise en compte des besoins de l’enfant, absence de prise en compte des charges…

À cet égard, la Cour de cassation a censuré l’utilisation du barème pour fixer une pension alimentaire, précisément parce que ce barème ne prenait pas en compte les besoins de l’enfant et les facultés contributives (qui dépendent des charges) ! Elle exige ainsi du juge aux affaires familiales :

« Attendu que, pour condamner M. X… à verser une contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, l’arrêt énonce, d’une part, que la table de référence “indexée” à la circulaire du 12 avril 2010 propose de retenir pour un débiteur, père d’un enfant, disposant d’un revenu imposable de 1 500 euros par mois et exerçant un droit d’accueil “classique” une contribution mensuelle de 140 euros, d’autre part, que l’exercice d’un droit d’accueil restreint augmente, de façon non négligeable, les charges du parent au domicile duquel l’enfant réside ;

« Qu’en fondant sa décision sur une table de référence, fût-elle annexée à une circulaire, la cour d’appel, à laquelle il incombait de fixer le montant de la contribution litigieuse en considération des seules facultés contributives des parents de l’enfant et des besoins de celui-ci, a violé, par fausse application, le texte susvisé. »

Le code civil mentionne en son article 4 :

« Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. »

Ainsi donc le juge est-il compétent pour interpréter la loi, selon la loi elle-même, bien qu’il ne doive pas la surinterpréter. Plus précisément, l’interprétation des plus hautes juridictions s’impose aux juridictions inférieures, dans la mesure où les premières ont compétence pour censurer les secondes. Il en résulte que si la Cour de cassation énonce un arrêt de principe, tout l’ordre judiciaire doit s’y conformer (cours d’appel et juges de première instance), à moins qu’une plus haute juridiction ne la contredise (Cour européenne des droits de l’homme, Cour de justice de l’Union européenne, Conseil constitutionnel). Or, comme cela a été mentionné, le juge de cassation impose de faire une analyse des ressources et des charges des parties pour fixer le montant de la contribution au profit de l’enfant (cf. Cour de cassation, Chambre civile 1, 1er février 2012, pourvoi nº 10-26894).

2.2. Évaluer les besoins de l’enfant

La Cour de cassation précise qu’outre les ressources des deux parents, il est nécessaire de tenir compte des besoins de l’enfant, qui doivent dès lors faire l’objet d’une évaluation :

« Vu l’article 371-2 du code civil ;

« Attendu que, pour condamner M. Y… à payer à Mme X…, la somme mensuelle de 100 euros au titre de sa contribution à l’entretien et à l’éducation de leur enfant Z…, l’arrêt énonce qu’en l’état des situations respectives des parties, M. Y… n’étant pas en situation d’impécuniosité, la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant doit être maintenue en son principe ;

« Qu’en statuant ainsi, sans tenir compte des besoins de l’enfant, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

La Cour de cassation a admis le second moyen de cassation du justiciable : il ne faut pas se contenter de regarder les ressources des parents et encore moins se limiter à l’examen des ressources du seul parent débiteur mais bel et bien rechercher concrètement quels sont les besoins de l’enfant :

« Alors que le montant de la contribution d’un parent à l’entretien et l’éducation d’un enfant doit être fixé non seulement à proportion de ses ressources et de celles de l’autre parent, mais également en fonction des besoins de l’enfant ;

« Qu’en fixant le montant de la contribution de Monsieur Y… à l’entretien et l’éducation de l’enfant Z… en se contentant de se référer aux situations respectives des parties sans jamais rechercher quels étaient concrètement les besoins de l’enfant, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 371-2 du code civil. »

3. Méthodologie proposée pour fixer une pension alimentaire conforme aux dispositions du code civil : résolution d’une équation du premier degré

Voici la méthode présentement proposée, méthode qui entend prendre en compte le revenu disponible et non considérer les impôts et charges comme étant des ressources. Il s’agit de prendre les ressources nettes (après déduction fiscale et en excluant les charges) et non les ressources brutes.

Il y a une similitude avec la différence entre salaire brut et salaire net. Il n’est pas pertinent de prendre le salaire brut (avec cotisations salariales) ou super-brut (avec cotisations patronales), si l’on s’intéresse au niveau de vie des salariés. Dans ce cas, le salaire net reflète mieux le niveau de vie. De la même façon, s’agissant du niveau de vie, les statisticiens et économistes s’efforcent d’approcher le concept de revenu disponible (après impôts et transferts privés et sociaux) et non du revenu avant impôts.

Si un père verse déjà une pension alimentaire pour un enfant né d’un premier mariage et qu’il faut calculer la pension alimentaire pour un enfant issu d’un second divorce, la première pension alimentaire doit être considérée comme une charge en déduction des ressources avant impôts. Ignorer cet élément aurait pour effet de surestimer la pension alimentaire du deuxième enfant, en surestimant le revenu disponible du parent débiteur.

La présente méthode reste simple et laisse le choix au juge de définir ce qu’il veut prendre en compte dans les charges et ce qu’il veut en exclure. Il en va de même pour les impôts, revenus, aides sociales et frais de trajet. Le juge a le choix. C’est une équation du premier degré à une seule inconnue : la pension alimentaire. Il s’agit d’égaliser deux ratios : le ratio de contribution (RC) du père par rapport à la mère avec le ratio de ressources (RR) du père par rapport à la mère. L’égalité des deux ratios répond à l’obligation de proportionnalité des contributions parentales aux ressources, obligation énoncée à l’article 371-2 du code civil (chacun des parents contribue « à proportion de ses ressources »).

La somme des dépenses assurées par les parties à l’instance peut permettre d’évaluer en tout ou partie les besoins de l’enfant. Mais les dépenses peuvent aussi être estimées par enquête si les parties n’apportent aucun justificatif (cf. l’étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques). À titre d’exemple, selon l’étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (ministère des Solidarités et de la Santé) s’appuyant sur l’enquête « Budget de famille » 2011, les ménages, avec un seul enfant âgé de trois à cinq ans, dépensent, en moyenne, 5 000 euros par an pour leur enfant, ce qui correspond à environ 450 euros par mois en actualisant le montant avec l’indice des prix à la consommation élaboré par l’Institut national de la statistique et des études économiques en 2020.

Les travaux estimant le coût d’un enfant existent donc déjà, même s’il serait judicieux de disposer de travaux plus récents, avec une ventilation par niveau de revenu des parents vivant ensemble (par exemple par décile de revenu) ou encore mieux des travaux innovants portant sur les dépenses engagées par les parents séparés.

3.1. Méthode de calcul de la pension alimentaire à partir des ressources et des charges des parties

Rp : revenus du « parent non-gardien »

Rm : revenus du « parent gardien »

Ip : impôts du « parent non-gardien »

Im : impôts du « parent gardien »

Cp : charges du « parent non-gardien »

Cm : charges du « parent gardien »

Ap : aides sociales du « parent non-gardien »

Am : aides sociales du « parent gardien »

Dp : dépenses au profit de l’enfant par le « parent non-gardien »

Dm : dépenses au profit de l’enfant par le « parent gardien »

Tp : frais de trajet lié à l’éloignement géographique à la charge du « parent non-gardien » (lorsqu’il existe une grande distance entre les domiciles parentaux suite au déménagement du « parent gardien »)

Tm : frais de trajet lié à l’éloignement géographique à la charge du « parent gardien » (lorsqu’il existe une grande distance entre les domiciles parentaux suite au déménagement du « parent gardien »)

P : pension alimentaire

RR : ratio de ressources du « parent non-gardien » par rapport au « parent gardien »
RR = (Rp − Ip − Cp + Ap) / (Rm − Im − Cm + Am)

RC : ratio de contribution du « parent non-gardien » par rapport au « parent gardien »
RC = (Dp + Tp + P) / (Dm + Tm − P)

r : ratio d’équilibre égalisant les ratios RR et RC tels que r = RR = RC

On cherche P dans l’équation tel que :

r = (Rp − Ip − Cp + Ap) / (Rm − Im − Cm + Am) = (Dp + Tp + P) / (Dm + Tm − P)

L’idée ici est que pour un euro de ressources du « parent gardien », le « parent non-gardien » a r euros de ressources. Par conséquent, pour un euro de dépenses du « parent gardien » au profit de l’enfant, le « parent non-gardien » doit dépenser r euros au profit de l’enfant.

La solution de cette équation est tout simplement :

P = (r × Dm + r × Tm − Dp − Tp) / (1 + r)

Pour le détail des ressources et des charges, on se reportera à l’annexe.

Les dépenses au profit de l’enfant peuvent être évaluées à partir de données disponibles dans le cas d’espèces (les dépenses passées des parents) ou de dépenses prévisibles ou encore à partir des estimations de travaux d’économistes, le coût moyen de l’enfant étant aux alentours de 400 à 500 euros par mois.

Sur ce principe, en faisant une simulation à partir de données fictives, voici les résultats à partir de plusieurs cas simulés.

3.2. Cas nº 1 : aisance asymétrique

Le premier cas représente celui d’une classique de parents séparés avec un enfant de moins de quatorze ans dans un contexte d’éloignement géographique, d’où la présence de frais de trajet (tableau 1A). Rappelons que la « garde classique » consiste en un droit de visite et d’hébergement du « parent non-gardien » une fin de semaine sur deux et la moitié des vacances scolaires.

Alors que les revenus avant impôts du « parent non-gardien » sont supérieurs (3 500 euros) à ceux du « parent gardien » (2 500 euros), la tendance s’inverse (respectivement 1 500 euros contre 1 700 euros avant intégration de la pension alimentaire), une fois prises en compte les différentes charges et dépenses au profit de l’enfant, dont les frais de déplacement (tableau 1B). Le juge dispose de la prérogative de prendre en compte ou non les frais de trajet, selon la responsabilité de la personne sur laquelle repose le déménagement et la légitimité du déplacement (motif personnel ou impératif professionnel), au regard des circonstances de l’espèce.

Tableau 1A : analyse des ressources et des charges des parents pour le cas nº 1 (source : calculs de l’auteur)
Parent non-gardien Parent gardien
Revenus avant impôts Rp 3 500 Rm 2 500
− impôts Ip − 500 Im − 100
− charges Cp − 1 000 Cm − 600
+ aides sociales Ap Am
− dépenses pour enfant Dp − 150 Dm − 500
− frais de trajet Tp − 500 Tm − 100
Revenu disponible avant intégration de la pension alimentaire RDp 1 500 RDm 1 700
Pension alimentaire (méthode Godonou) P − 8 − P 8
Pension alimentaire (méthode de Masculinités) P − 138 − P 138
Barème du ministère de la Justice P − 396 − P 396

Rappelons que la méthode de Masculinités repose sur le principe d’équilibre des deux ratios de dépenses corrigées (des aides sociales et de la pension alimentaire) pour l’enfant par rapport aux ressources avec l’équation suivante :

(Dm − Am − P) / Rm = (Dp − Ap + P) / Rp, où :

Dm : les dépenses du « parent gardien »

Am : les aides sociales reçues par le « parent gardien »

P : l’inconnue, la pension alimentaire d’équilibre des ratios

Rm : les revenus du « parent gardien »

Dp : les dépenses du « parent non-gardien »

Ap : les aides sociales reçues par le « parent non-gardien »

Rp : les revenus du « parent non-gardien »

La méthode de Masculinités surévaluerait ainsi encore le montant de pension alimentaire, même si c’est nettement mieux que le barème du ministère de la Justice. Avec la présente méthode Godonou, la pension est de 8 euros dans cet exemple, contre 138 euros par mois avec la méthode de Masculinités.

Il est intéressant de noter qu’en s’appuyant sur le barème du ministère de la Justice, le montant serait de 396 euros mensuels. On rappelle encore que ce barème contrevient aux dispositions de l’article 371-2 du code civil qui mentionne trois critères à prendre en compte : premièrement les ressources d’un parent, deuxièmement les ressources de l’autre parent et troisièmement les besoins de l’enfant. Or, le barème du ministère de la Justice ne prend en compte que le premier critère.

L’écart entre la méthode proposée (8 euros) et le montant du barème (396 euros) illustre le décalage important entre le principe juste de proportionnalité des contributions par rapport aux ressources du code civil, en tenant compte des charges, et la table de référence du ministère de la Justice qui ne s’intéresse qu’au seul revenu du « parent non-gardien ».

Un des avantages de la méthode ici proposée est qu’elle incite les parties à révéler « la vérité » : les parties ont intérêt de faire état de leurs charges et des dépenses faites pour l’enfant pour, selon le cas, maximiser ou minimiser le montant de pension alimentaire.

Néanmoins, ceci n’est pas vrai pour les aides sociales. Dans ce cas de figure, l’asymétrie d’information peut être contrecarrée en permettant aux parents de savoir quelles aides sont touchées par l’autre parent dans l’intérêt de l’enfant. Il serait intéressant de créer un droit d’accès à l’information pour le parent débiteur, afin que puissent lui être communiquées les informations relatives aux aides perçues par le parent bénéficiaire. À défaut, les informations sur les revenus et la structure du ménage peuvent également permettre de simuler le montant de ces aides, pour faire valoir auprès du juge aux affaires familiales que le parent gardien est éligible aux aides en question.

Le juge est libre de définir ce qu’il veut prendre en compte dans les paramètres de l’équation qui est suffisamment générale mais aussi suffisamment précise pour avoir une solution unique.

En se limitant au simple revenu apparent par unité de consommation, sans les charges et transfert, on conclurait que le différentiel de niveau de vie entre les deux ménages s’élève à 82 % au profit du « parent non-gardien » (tableau 1B). En intégrant la fiscalité, les prestations sociales et la pension alimentaire, l’écart de niveau de vie est encore de 62 %. Cet écart diminue pour s’établir à 14 % en y intégrant en plus les dépenses au profit des enfants et les frais de trajet.

Les écarts de niveau de vie apparaissent ainsi béants alors que le principe de proportionnalité de contribution par rapport aux ressources et charges est respecté (article 371-2 du code civil). Il est important de bien noter que les niveaux de vie mesurés ici ne correspondent pas à l’approche exhaustive préconisée par l’Institut national de la statistique et des études économiques en 2021 pour appréhender les inégalités entre ménages. Les niveaux de vie estimés ici correspondent davantage aux approches usuelles qui surestiment les inégalités par rapport à l’approche exhaustive, comme cela a été démontré.

Une contribution juste ou du moins légale, c’est-à-dire conforme au principe de proportionnalité des contributions des parents par rapport à leurs ressources, aboutit à des inégalités apparentes entre le ménage du « parent gardien » et celui du « parent non-gardien », du moins avec les méthodes usuelles non exhaustives du calcul du niveau de vie.

Tableau 1B : le niveau de vie des deux parents en respectant le principe de proportionnalité des contributions à l’éducation et à l’entretien de l’enfant en fonction de leurs ressources, pour le cas nº 1 (source : calculs de l’auteur)
Parent non-gardien Parent gardien Écart de niveau de vie
Rp − Ip − Cp + Ap − Dp − Tp − P 1 492 Rm − Im − Cm + Am − Dm − Tm + P 1 708 − 13 %
(Rp − Ip − Cp + Ap − Dp − Tp − P) / UC 1 492 (Rm − Im − Cm + Am − Dm − Tm + P) / UC 1 314 14 %
(Rp − Ip + Ap − P) / UC 2 992 (Rm − Im + Am + P) / UC 1 852 62 %
Rp / UC 3 500 Rm / UC 1 923 82 %
  • Ligne 1 : revenu − impôts − charges + aides sociales − dépenses pour l’enfant − frais de trajet au profit de l’enfant ± pension alimentaire
  • Ligne 2 : (revenu − impôts − charges + aides sociales − dépenses pour l’enfant − frais de trajet au profit de l’enfant ± pension alimentaire) / nombre d’unités de consommation du ménage
  • Ligne 3 : (revenu − impôts + aides sociales − dépenses pour l’enfant ± pension alimentaire) / nombre d’unités de consommation du ménage
  • Ligne 4 : revenu avant impôts / nombre d’unités de consommation du ménage

3.3. Cas nº 2 : aisance symétrique

Le deuxième cas envisagé a trait à un « parent gardien » avec deux enfants de moins de quatorze ans (0,3 unité de consommation chacun). Chacun des parents vit seul en ce sens qu’il n’est pas en couple cohabitant : bien entendu, le « parent gardien » vit avec ses deux enfants. Les revenus des deux parents sont les mêmes : 3 216 euros (tableau 2A). Le revenu disponible avant intégration de la pension alimentaire est légèrement plus élevé pour le « parent non-gardien », ce qui signifie que la redistribution ne compense pas complètement les charges reposant sur le « parent gardien » (tableau 2B). Néanmoins, une fois prise en compte la pension alimentaire, le reste à vivre du « parent gardien » est plus important (2 679 = 2 219 + 460) que celui du « parent non-gardien » (1 844 = 2 304 − 460). Les charges de logement sont ici prises en compte.

Le niveau de vie par unité de consommation est donc de 1 844 euros pour le ménage du « parent non-gardien » contre 1 675 euros pour le « parent gardien » [1 675 = 2 679 / (1 + 0,3 + 0,3)], soit 10 % de plus, en respectant le principe de proportionnalité énoncé par le code civil. Étant donné que l’équation proposée pour calculer la pension alimentaire répartit équitablement les contributions des parents à l’entretien et l’éducation des enfants, on ne peut que constater que l’approche par unité de consommation surestime les inégalités et sous-estime la contribution du « parent non-gardien ». Cette approche aboutit à 10 % d’écart de niveau de vie en faveur du « parent non-gardien » alors qu’il y a bien égalisation des deux ratios : le ratio de contribution (RC) du « parent non-gardien » par rapport au « parent gardien » avec le ratio de ressources (RR) du père par rapport au « parent gardien ».

Tableau 2A : analyse des ressources et des charges des parents pour le cas nº 2 (source : calculs de l’auteur)
Parent non-gardien Parent gardien
Revenus avant impôts Rp 3 216 Rm 3 216
− impôts Ip − 312 Im − 129
− charges Cp − 600 Cm − 1 000
+ aides sociales Ap Am 132
− dépenses pour enfant Dp − 100 Dm − 1 000
− frais de trajet Tp Tm
Revenu disponible avant intégration de la pension alimentaire RDp 2 304 RDm 2 219
Pension alimentaire P − 460 − P 460
Pension alimentaire (méthode de Masculinités) P − 493 − P 493
Barème du ministère de la Justice P − 606 − P 606

En calculant le niveau de vie à partir des seuls revenus, impôts, aides sociales et pension alimentaire, l’écart est plus resserré (6 %) : le niveau de vie par unité de consommation du ménage du « parent non-gardien » est alors de 2 444 euros (2 444 = 3 216 − 312 + 0 − 460) contre 2 300 euros pour celui du « parent gardien ».

À l’inverse, une approche plus frustre du revenu du ménage amène à conclure qu’un écart très conséquent existe entre les deux ménages. Ainsi, si l’on se contente de ne prendre en compte que le seul revenu avant impôts, le « parent non-gardien » bénéficie ainsi de 3 216 euros de revenu par unité de consommation alors que le parent chez lequel résident habituellement les enfants ne bénéficie que de 2 010 euros par unité de consommation [2 010 = 3 216 / (1 + 0,3 + 0,3)], soit 60 % d’écart de niveau de vie. Cette approche du niveau de vie donne ainsi l’illusion d’une inégalité d’une telle ampleur qu’elle suggère une forme d’injustice alors même que le principe de proportionnalité énoncé à l’article 371-2 du code civil est respecté.

Il est donc tout à fait possible de cumuler les phénomènes suivants :

  • avec les méthodes usuelles, le niveau de vie apparent du ménage du « parent gardien » est nettement moindre que celui du « parent non-gardien » ;
  • le principe de proportionnalité énoncé à l’article 371-2 du code civil est respecté, les parents contribuant donc à proportion de leurs facultés contributives, ce qui signifie qu’il y a justice au sens du respect du principe de légalité ;
  • le « parent non-gardien » contribue davantage financièrement en termes absolus (revenu après contribution et charges de 1 844 euros contre 2 679 euros pour le « parent gardien »), bien qu’il y ait égalité relative des contributions au sens du code civil (principe de proportionnalité).
Tableau 2B : le niveau de vie des deux parents en respectant le principe de proportionnalité des contributions à l’éducation et à l’entretien de l’enfant en fonction de leurs ressources, pour le cas nº 2 (source : calculs de l’auteur)
Parent non-gardien Parent gardien Écart de niveau de vie
Rp − Ip − Cp + Ap − Dp − Tp − P 1 844 Rm − Im − Cm + Am − Dm − Tm + P 2 679 − 31 %
(Rp − Ip − Cp + Ap − Dp − Tp − P) / UC 1 844 (Rm − Im − Cm + Am − Dm − Tm + P) / UC 1 675 10 %
(Rp − Ip + Ap − P) / UC 2 444 (Rm − Im + Am + P) / UC 2 300 6 %
Rp / UC 3 216 Rm / UC 2 010 60 %
  • Ligne 1 : revenu − impôts − charges + aides sociales − dépenses pour l’enfant − frais de trajet au profit de l’enfant ± pension alimentaire
  • Ligne 2 : (revenu − impôts − charges + aides sociales − dépenses pour l’enfant − frais de trajet au profit de l’enfant ± pension alimentaire) / nombre d’unités de consommation du ménage
  • Ligne 3 : (revenu − impôts + aides sociales − dépenses pour l’enfant ± pension alimentaire) / nombre d’unités de consommation du ménage
  • Ligne 4 : revenu avant impôts / nombre d’unités de consommation du ménage

3.4. Cas nº 3 : asymétrie de revenus

Le troisième cas envisagé a trait à un « parent gardien » avec deux enfants de moins de quatorze ans (0,3 unité de consommation chacun). Chacun des parents vit seul en ce sens qu’il n’est pas en couple cohabitant : bien entendu, le « parent gardien » vit avec ses deux enfants. Les revenus des deux parents sont asymétriques, le « parent non-gardien » gagnant 3 216 euros mensuels contre 1 072 euros pour le « parent gardien » (tableau 3A). Pour respecter les dispositions du code civil quant à la contribution proportionnelle en fonction des revenus et charges, le « parent non-gardien » doit transférer au « parent gardien » 672 euros par mois de pension alimentaire, soit davantage que le montant fixé par le barème du ministère de la Justice (606 euros mensuels).

Tableau 3A : analyse des ressources et des charges des parents pour le cas nº 3 (source : calculs de l’auteur)
Parent non-gardien Parent gardien
Revenus avant impôts Rp 3 216 Rm 1 072
− impôts Ip − 169 Im 0
− charges Cp − 600 Cm − 800
+ aides sociales Ap 0 Am 132
− dépenses pour enfant Dp − 100 Dm − 800
− frais de trajet Tp 0 Tm 0
Revenu disponible avant intégration de la pension alimentaire RDp 2 447 RDm 404
Pension alimentaire (méthode Godonou) P − 672 − P 672
Pension alimentaire (méthode de Masculinités) P − 884 − P 884
Barème du ministère de la Justice P − 606 − P 606

Le respect du principe d’équité aboutit à des inégalités apparentes considérables. Le revenu par unité de consommation du « parent non-gardien » variant du double au quadruple du ménage du « parent gardien » (tableau 3B). Il est important de garder à l’esprit que, dans cet exemple, le « parent non-gardien » est supposé être seul dans son ménage, n’ayant donc ni nouveau conjoint ni autres enfants à charge.

Tableau 3B : le niveau de vie des deux parents en respectant le principe de proportionnalité des contributions à l’éducation et à l’entretien de l’enfant en fonction de leurs ressources, pour le cas nº 3 (source : calculs de l’auteur)
Parent non-gardien Parent gardien Écart de niveau de vie
Rp − Ip − Cp + Ap − Dp − Tp − P 1 774 Rm − Im − Cm + Am − Dm − Tm + P 1 076 65 %
(Rp − Ip − Cp + Ap − Dp − Tp − P) / UC 1 774 (Rm − Im − Cm + Am − Dm − Tm + P) / UC 673 164 %
(Rp − Ip + Ap − P) / UC 2 374 (Rm − Im + Am + P) / UC 1 173 102 %
Rp / UC 3 216 Rm / UC 670 380 %
  • Ligne 1 : revenu − impôts − charges + aides sociales − dépenses pour l’enfant − frais de trajet au profit de l’enfant ± pension alimentaire
  • Ligne 2 : (revenu − impôts − charges + aides sociales − dépenses pour l’enfant − frais de trajet au profit de l’enfant ± pension alimentaire) / nombre d’unités de consommation du ménage
  • Ligne 3 : (revenu − impôts + aides sociales − dépenses pour l’enfant ± pension alimentaire) / nombre d’unités de consommation du ménage
  • Ligne 4 : revenu avant impôts / nombre d’unités de consommation du ménage

3.5. Cas nº 4 : situation modeste

Dans le quatrième cas envisagé, les revenus des parents sont modestes avec 1 608 euros de revenus mensuels pour le « parent non-gardien » et 1 072 euros pour le « parent gardien » (tableau 4A). Le « parent gardien » assume de lourdes charges (800 euros mensuels contre 500 euros pour le « parent non-gardien ») et des dépenses très importantes pour les enfants (800 euros contre 100 euros pour le « parent non-gardien »). Le transfert de ressources du « parent non-gardien » au « parent gardien » est donc élevé (560 euros).

Tableau 4A : analyse des ressources et des charges des parents pour le cas nº 4 (source : calculs de l’auteur)
Parent non-gardien Parent gardien
Revenus avant impôts Rp 1 608 Rm 1 072
− impôts Ip 0 Im 0
− charges Cp − 500 Cm − 800
+ aides sociales Ap Am 132
− dépenses pour enfant Dp − 100 Dm − 800
− frais de trajet Tp Tm
Revenu disponible avant intégration de la pension alimentaire RDp 1 108 RDm 404
Pension alimentaire (méthode Godonou) P − 560 − P 560

Comme vu dans les autres exemples, la seule prise en compte du revenu par unité de consommation aboutit à des inégalités de niveau de vie colossales (140 % de plus pour le « parent non-gardien »). En intégrant les autres facteurs (charges, fiscalité, prestations sociales…), l’écart s’inverse, le niveau de vie du « parent non-gardien » étant alors apparemment plus bas que celui du « parent gardien ». Ainsi, le respect du principe de proportionnalité en fonction des facultés contributives, des ressources et des charges des parents est plutôt décorrélé du niveau de vie par unité de consommation.

Tableau 4B : le niveau de vie des deux parents en respectant le principe de proportionnalité des contributions à l’éducation et à l’entretien de l’enfant en fonction de leurs ressources, pour le cas nº 4 (source : calculs de l’auteur)
Parent non-gardien Parent gardien Écart de niveau de vie
Rp − Ip − Cp + Ap − Dp − Tp − P 548 Rm − Im − Cm + Am − Dm − Tm + P 964 − 43 %
(Rp − Ip − Cp + Ap − Dp − Tp − P) / UC 548 (Rm − Im − Cm + Am − Dm − Tm + P) / UC 602 − 9 %
(Rp − Ip + Ap − P) / UC 1 048 (Rm − Im + Am + P) / UC 1 102 − 5 %
Rp / UC 1 608 Rm / UC 670 140 %
  • Ligne 1 : revenu − impôts − charges + aides sociales − dépenses pour l’enfant − frais de trajet au profit de l’enfant ± pension alimentaire
  • Ligne 2 : (revenu − impôts − charges + aides sociales − dépenses pour l’enfant − frais de trajet au profit de l’enfant ± pension alimentaire) / nombre d’unités de consommation du ménage
  • Ligne 3 : (revenu − impôts + aides sociales − dépenses pour l’enfant ± pension alimentaire) / nombre d’unités de consommation du ménage
  • Ligne 4 : revenu avant impôts / nombre d’unités de consommation du ménage

Conclusion

Les méthodes usuelles de calcul de niveau de vie surévaluent considérablement les inégalités entre les ménages, en ignorant une partie des transferts via les services publics mais aussi une partie des dépenses au profit de l’enfant, notamment les frais de trajet. Il n’est donc pas surprenant que le versement de pensions alimentaires respectant le principe de proportionnalité énoncé à l’article 371-2 du code civil – « Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant » – aboutisse à des inégalités conséquentes en apparence, en s’appuyant sur ces méthodologies.

Une fois établi le montant nécessaire aux besoins de l’enfant (les dépenses réelles ou estimées à son profit), la présente méthode permet de répartir les contributions des parents à proportion de leurs facultés contributives.

La méthode se veut conforme à l’article 371-2 du code civil, en laissant le soin aux juges de choisir ce qu’il veut ou non prendre en compte dans les charges, frais de trajet, impôts et dépenses pour l’enfant, conformément à la jurisprudence du juge de cassation qui enjoint au juge aux affaires familiales de faire une analyse des ressources et des charges des parties avant de fixer le montant de la contribution. Elle pourrait assurer l’uniformité dans l’application du droit puisque les juges pourraient s’appuyer sur un tableur ou quelques instructions sommaires pour effectuer le calcul d’estimation de la pension alimentaire.

Autre avantage, elle incite les parties à révéler les dépenses faites au profit de l’enfant, notamment les dépenses du parent non-gardien qui sont habituellement ignorées : frais alimentaires, frais de loisirs, frais d’hébergement. La méthode participe ainsi du droit d’information des parents au titre de l’article 373-2-1 du code civil qui précise bien :

« Le parent qui n’a pas l’exercice de l’autorité parentale conserve le droit et le devoir de surveiller l’entretien et l’éducation de l’enfant. Il doit être informé des choix importants relatifs à la vie de ce dernier. »

Elle intègre notamment, à la discrétion du juge, les frais de trajet qui peuvent résulter d’un éloignement géographique unilatéral, à l’initiative du « parent gardien ». Étant donné que les aides sociales sont aussi prises en compte, elle est une incitation puissante à solliciter les droits sociaux dont le parent peut se prévaloir en fonction de ses ressources.

Une des limites de la présente méthode est qu’elle sera toujours tributaire de l’information disponible et d’une certaine subjectivité du juge et des parties, dans ce qu’ils veulent prendre en compte ou non, révéler ou omettre.

Ainsi, une limite d’ordre technique réside-t-elle dans le fait que pour calculer la pension alimentaire d’équilibre, la présente méthode suppose de connaître le montant de l’imposition alors même que l’impôt sur le revenu est calculé par les services fiscaux une fois la pension alimentaire connue. Il y a endogénéité.

Pour contourner cette difficulté, en cours d’instance, le juge pourrait prendre le dernier montant fiscal figurant sur l’avis d’imposition ou à défaut un montant d’impôts prévisibles (hors pension alimentaire) simulé à partir des revenus connus (hypothèse favorable au « parent non-gardien ») ou par défaut un impôt nul (hypothèse favorable au « parent gardien »).

Force est de constater que le montant auquel on aboutit avec cette méthode montre que la table de référence du ministère de la Justice surévalue considérablement la contribution du parent non-gardien par rapport à ce que suggère une approche conforme à l’article 371-2 du code civil. Les remarques formulées par France Stratégie en 2015 apparaissent ainsi confirmées à la fois par les travaux portant sur le budget du parent non-gardien s’agissant des dépenses au profit de l’enfant hors pension alimentaire et surtout par la prise en compte de la redistribution au sens élargi, telle qu’établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques en 2021. Les inégalités réelles étaient jusqu’alors sensiblement surestimées, en raison de la non-prise en compte de la redistribution sous forme de prestations en nature.

Annexe : détail des ressources et des charges

Revenus Salaires
Bénéfices non commerciaux, bénéfices industriels et commerciaux, revenus d’indépendants
Indemnités chômage
Revenus des capitaux
Revenus fonciers
Autre pension alimentaire perçue
Impôts Impôt sur le revenu
Taxe foncière
Taxe d’habitation
Charges Loyer
Emprunt immobilier
Charges de copropriété
Assurance habitation
Assurance automobile
Assurance maladie complémentaire
Eau
Électricité
Gaz
Chauffage fioul, bois
Téléphone/internet
Téléphone portable
Prêt à la consommation
Frais de déplacement professionnel
Autre pension alimentaire versée
Frais de déplacement privés
Aides sociales Aide au logement
Allocation familiale
Allocation rentrée scolaire
Dépenses pour enfant Cantine
Périscolaire
Vêtements
Frais de scolarité
Assurance scolaire
Loisirs, sorties, activités sportives et artistiques
Téléphone portable
Frais de transport urbain
Frais de transport interurbain
Frais médicaux
Frais de suivi psychologique
Alimentation à domicile
Jouets et équipements
Surcoût de consommation électrique et/ou gaz de 30 %
Frais de trajet pour l’enfant dans le cadre des droits de visite et d’hébergement Train
Hôtel
Restauration

Bibliographie

Notes
  1. Ben Jelloul (Mahdi), Cusset (Pierre-Yves), « Comment partager les charges liées aux enfants après une séparation ? », Note d’analyse, nº 31, 18 juin 2015.
  2. Collectif, « L’appauvrissement des mères après une séparation n’est pas simulé ! », Le Monde, 25 juin 2015.
  3. Bonnet (Carole), Garbinti (Bertrand), Solaz (Anne), « Les variations de niveau de vie des hommes et des femmes à la suite d’un divorce ou d’une rupture de Pacs », in : Collectif, Couples et familles, Paris, Institut national de la statistique et des études économiques, collection « Insee Références », 16 décembre 2015, pp. 51-61.
  4. Cf. Bonnet (Carole), Garbinti (Bertrand), Solaz (Anne), « Les conditions de vie des enfants après le divorce », INSEE Première, nº 1536, 4 février 2015.
  5. Chaussebourg (Laure), « La contribution à l’entretien et l’éducation des enfants mineurs dans les jugements de divorce », Infostat Justice, nº 93, février 2007, p. 2.
  6. Lardeux (Raphaël), « Un quart des parents non gardiens solvables ne déclarent pas verser de pension alimentaire à la suite d’une rupture de Pacs ou d’un divorce », Études & Résultats (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), nº 1179, 12 janvier 2021.
  7. Ben Jelloul (Mahdi), Cusset (Pierre-Yves), « La réponse des auteurs à la tribune du Collectif Onze », France Stratégie, 30 juillet 2015.
  8. Cf. Martin (Henri), Périvier (Hélène), « Les échelles d’équivalence à l’épreuve des nouvelles configurations familiales », Revue économique, vol. 69, nº 2018/2, 16 mars 2018, pp. 303-334.
  9. Cf. « Iniquités financières », Masculinités, 24 avril 2020 ; « Sous-estimation de la contribution du parent non-résident », Masculinités, 24 avril 2020.
  10. Cf. « Une méthode de répartition des contributions parentales et de calcul de la pension alimentaire », Masculinités, 18 octobre 2021 ; « Des pensions alimentaires inéquitables », Masculinités, 8 mai 2020.
  11. Cf. Accardo (Aliocha), et alii, « Réduction des inégalités : la redistribution est deux fois plus ample en intégrant les services publics », in : Collectif, Revenus et patrimoine des ménages, Paris, Institut national de la statistique et des études économiques, collection « Insee Références », 27 mai 2021, pp. 77-96.
Mise à jour du 22 juin 2022
Mise à jour du 23 mai 2023

Suite aux questions posées par un lecteur, il apparaît nécessaire d’apporter les précisions suivantes.

Les frais de trajet lié à l’éloignement géographique correspondent aux frais générés par l’éloignement entre les domiciles parentaux, lorsqu’un parent subit le déménagement lointain de l’autre parent avec l’enfant, qui a pour effet de rendre onéreux l’exercice des droits de visite et d’hébergement en fin de semaine ou durant les vacances scolaires.

Ces frais de trajet peuvent s’analyser comme étant des besoins de l’enfant, dans la mesure où ils sont nécessaires pour maintenir le lien de ce dernier avec son « parent non-résident », désormais éloigné en raison de la décision unilatérale du « parent résident ».

Ces frais peuvent être conséquents lorsque la distance qui sépare les domiciles des parents s’élève à plusieurs centaines voire milliers de kilomètres. En pratique, il peut s’agir de plusieurs centaines d’euros par mois, en moyenne, en frais d’essence, de train, d’avion, voire d’hôtellerie ou d’hébergement pour exercer les droits de visite et d’hébergement.

Les caisses d’allocations familiales proposent d’ailleurs une aide prenant en partie en charge ces frais sous conditions de ressources. On peut considérer qu’à partir d’un éloignement géographique volontaire de plus de cinquante kilomètres les frais deviennent significatifs.

L’article 373-2 du code civil dispose ainsi :

« Tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant. Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. »

En cas de déplacement de l’enfant par le « parent résident », le juge doit donc ajuster la pension alimentaire et répartir les frais nouveaux qui apparaissent pour assurer de longs trajets (et d’éventuels frais d’hébergement), afin que le lien de l’enfant avec chacun de ses parents soit maintenu. C’est pourquoi ils sont intégrés dans l’équation de calcul de la pension alimentaire.

À l’inverse, les frais de trajet liés à l’éloignement du « parent non-résident » ne semblent pas pris en compte par la jurisprudence, qui paraît considérer que le choix de vie du parent qui s’éloigne de son enfant vivant chez l’autre parent doit être assumé par lui, c’est-à-dire que repose sur lui l’entière charge financière de sa décision.

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helloasso

2 commentaires

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  1. Bonjour, vous auriez pu citer aussi ceci : https://www.persee.fr/doc/caf_1149-1590_2002_num_67_1_1003

  2. Bonjour
    Vous pouvez rajouter dans la partie revenus ou aides sociales le supplément familial de traitement versé dans les services publics à leurs fonctionnaires et salariés.
    Environ 1200 euros par an pour 2 enfants.
    Sommes, comme les allocations familiales, versées intégralement au parent gardien, comme si le parent non gardien n’avait pas besoin de cette aide pour subvenir aux besoins des enfants

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