Karoutchi (Roger), question écrite nº 23249 au ministre de la Justice sur la non-utilisation des bracelets électroniques anti-rapprochement [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 23 S (Q), 10 juin 2021, p. 3639].
M. Roger Karoutchi attire l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la non-utilisation des bracelets électroniques anti-rapprochement.
En 2020, 90 femmes sont mortes sous les coups de leur mari ou ex-mari. Depuis le début de l’année, ce sont 48 femmes qui sont également décédées. À Mérignac, à Hayange, à Angoulême, à Chartres, à Douai, des femmes sont assassinées dans des conditions toujours plus sordides. Malgré leurs appels au secours, elles se sentent abandonnées et livrées à elles-mêmes.
Nombreuses sont ces femmes à avoir porté plainte contre leurs agresseurs à de multiples reprises, nombreux sont ces criminels à avoir été condamnés pour des violences. Pourtant, d’année en année, les situations se répètent, les chiffres restent les mêmes, les féminicides ne cessent pas.
Alors que, depuis septembre 2020, le bracelet anti-rapprochement permet de géolocaliser une personne à protéger et un auteur réel ou présumé de violences conjugales sans avoir recours à la prison, ce dispositif n’est utilisé que de façon marginale. De fait, alors que 1 000 bracelets de ce type sont déployés en France, seule une soixantaine a été attribuée.
Bien que l’égalité entre les hommes et les femmes soit considérée comme une grande cause nationale par le Gouvernement, tout ne semble pas être fait pour protéger les femmes victimes de violences.
Ainsi, il souhaiterait connaître les raisons de ces défaillances et encourage le Gouvernement à réagir rapidement pour enrailler [sic] cet engrenage de la violence.
Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 42 S (Q), 28 octobre 2021, pp. 6126-6127.
La lutte contre les violences conjugales est une priorité d’action majeure du ministère de la justice, comme en atteste la circulaire relative à l’amélioration du traitement des violences conjugales et à la protection des victimes du 9 mai 2019. Celle-ci donne des directives de politique pénale aux procureurs de la République afin que la protection des victimes de violences conjugales soit mieux prise en compte. Ces instructions ont été renouvelées par la circulaire du 23 septembre 2020 qui présente le dispositif de bracelet électronique anti-rapprochement, dont le déploiement est désormais effectif dans tous les tribunaux judiciaires, y compris d’Outre-mer, depuis décembre dernier. Les juridictions se saisissent de manière croissante de ce nouvel outil (au 31 août 2021, 351 mesures ont été prononcées dont 248 bracelets anti-rapprochement sont actifs). Afin de faciliter le déploiement de ce dispositif, le ministre de la justice a souhaité, par une dépêche du 27 mai 2021, que chaque cour d’appel et tribunal judiciaire, mais aussi chaque service pénitentiaire d’insertion et de probation, désigne un référent chargé de la politique de développement du bracelet anti-rapprochement. L’inspection générale de la justice a par ailleurs élaboré une fiche méthodologique permettant aux juridictions de construire leur parcours de mise en œuvre de ce dispositif. Pour en garantir l’efficacité, la coopération entre les différents acteurs est primordiale. Ainsi, les juridictions ont été invitées à signer des protocoles locaux consignant les engagements réciproques des acteurs et organisant les modalités de la mise en œuvre opérationnelle du dispositif anti-rapprochement. L’intervention des associations d’aide aux victimes est également essentielle et encouragée à chaque étape de la procédure. La collecte des informations nécessaires au prononcé du dispositif en amont de l’audience est aussi encouragée, permettant de ce fait une meilleure information de la victime et davantage de célérité. Il convient également de souligner qu’en raison des contraintes juridiques liées à l’atteinte à la liberté d’aller et venir du porteur du bracelet anti-rapprochement, ainsi qu’aux contraintes opérationnelles tenant à la distance minimale entre les parties, ce dispositif ne peut convenir à toutes les situations. C’est dans l’objectif d’assurer la protection la plus large des victimes que le Gouvernement s’est engagé à déployer 1 000 téléphones grave danger supplémentaires dans les parquets, portant leur nombre à 3.000. Au 31 août 2021, 2 479 téléphones grave danger ont été déployés, dont 72 % sont attribués à des victimes, les 28 % restant au sein des juridictions pour faire face aux urgences. En 2020, on dénombre 1.185 interventions des forces de sécurité intérieure suite à une alerte. Ce sont autant de drames évités. Les deux dispositifs sont complémentaires et permettent de s’adapter aux besoins de protection des victimes qui peuvent ainsi se voir remettre un téléphone grave danger dès l’enclenchement de la procédure, en présence d’un danger avéré. Le recours aux évaluations personnalisées a également connu une forte hausse, traduisant l’engagement des associations d’aide aux victimes, toujours plus important. Afin d’améliorer la prévention des homicides conjugaux, la direction des affaires criminelles et des grâces assure un suivi étroit des remontées d’information désormais systématiques en la matière, depuis la fin de l’année 2019. Des outils de retour d’expérience ont été élaborés et diffusés sur le site intranet du ministère de la justice, avec pour consigne d’effectuer un retour d’expérience pluridisciplinaire pour chaque homicide conjugal. L’objectif de ces travaux est d’analyser et d’améliorer les pratiques de l’ensemble des acteurs intervenant en amont de tels drames, afin de mieux détecter les situations de danger et de mieux protéger les victimes de violences conjugales. L’analyse de ces remontées d’information a conforté les travaux engagés avec le ministère de la santé et le ministère de l’intérieur sur le recueil de la plainte à l’hôpital, le recueil de preuves sans plainte ou le dépôt de plainte simplifié, qui permettent à la victime d’être prise en charge au sein même de la structure de soins, sans avoir à multiplier les démarches. Les protocoles de signalement avec les professionnels de santé, médecins libéraux et hospitaliers vont être étendus à l’ensemble des professionnels de santé (pharmaciens, chirurgiens-dentistes, kinésithérapeutes, infirmiers, sages-femmes…) qui sont en situation de détecter le plus en amont possible les situations de danger. La formation et la mobilisation de l’ensemble des professionnels de première ligne est un levier majeur de prévention des violences conjugales. Le ministère de la justice est pleinement mobilisé en faveur de ces partenariats innovants.
Question archivée au format PDF (139 Ko, 3 p.).