Lors de son audience publique de ce 6 octobre 2021, la Cour de cassation a rendu deux arrêts qu’il nous paraît intéressant de signaler à l’attention de nos lecteurs.
Contestations sur le projet d’état liquidatif
En l’espèce, parallèlement à une procédure de divorce, un époux avait assigné son épouse en liquidation d’une société de fait ayant existé entre eux et, à titre subsidiaire, en paiement d’une certaine somme au titre d’un enrichissement sans cause. Condamnée sur ce fondement en avril 2018 à payer à son époux la somme de 183 285 euros, l’épouse avait établi au mois de juillet suivant un chèque en paiement de cette condamnation à l’ordre de la caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats. Le chèque avait été transmis par son avocat à l’avocat assurant la représentation de son époux dans la procédure de divorce, mais l’épouse avait dès le lendemain présenté au juge de l’exécution une requête aux fins d’être autorisée à pratiquer auprès de la caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats une saisie conservatoire, laquelle avait été autorisée quatre jours plus tard à hauteur de 210 000 euros – somme à laquelle avait été provisoirement évaluée la créance de l’épouse dans la liquidation du régime matrimonial.
L’époux avait assigné le mois suivant son épouse en nullité et mainlevée de la saisie conservatoire, mais la cour d’appel de Limoges avait confirmé la validité de la mesure en décembre 2019. L’époux avait alors formé un pourvoi en cassation.
Le pourvoi a été rejeté aujourd’hui par la première chambre civile de la Cour de cassation :
« 10. C’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation et sans inverser la charge de la preuve que la cour d’appel a estimé, par motifs propres et adoptés, d’une part, que si des contestations persistaient sur le projet d’état liquidatif du régime matrimonial établi par le notaire désigné, la créance apparaissait, en l’état de ce projet détaillé et des observations des parties, suffisamment fondée en son principe, d’autre part, que les revenus dont [l’époux] avait justifié en 2016 s’avéraient réduits de moitié en 2018 de sorte que la créance invoquée par [l’épouse] était menacée en son recouvrement. »
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 6 octobre 2021
Nº de pourvoi : 20-14288
Arrêt archivé au format PDF (178 Ko, 6 p.).
Responsabilité du notaire
En l’espèce, un jugement avait prononcé en juin 2005 la séparation de corps et de biens de deux époux, sur leur demande conjointe, et homologué la convention définitive portant règlement des effets de la séparation et l’acte liquidatif de la communauté dressé en la forme authentique en mai 2005 par un notaire. Lui reprochant notamment d’avoir sous-évalué en sa défaveur deux immeubles dépendant de la communauté attribués à l’époux et d’avoir omis de mentionner dans l’état liquidatif son droit d’usage et d’habitation sur un bien, l’épouse avait assigné le notaire en responsabilité et indemnisation.
La cour d’appel de Nancy l’ayant condamné en septembre 2019 à payer 32 708,24 euros à l’épouse en réparation de la sous-évaluation des immeubles attribués à l’époux, le notaire avait alors formé un pourvoi en cassation.
L’arrêt a été partiellement cassé aujourd’hui par la première chambre civile de la Cour de cassation, au visa de l’article 1382 devenu 1240 du code civil :
« 9. Il résulte de ce texte que le notaire, chargé d’établir un état liquidatif de communauté, est tenu d’alerter les parties lorsqu’il dispose d’éléments lui permettant de déceler ou de suspecter que les biens en cause ont été manifestement sous-évalués.
« 10. Pour condamner [le notaire] à indemniser [l’épouse], après avoir constaté que deux immeubles attribués à [l’époux], ont été vendus en octobre 2005 au prix de 228 673 euros, pour le premier, et de 158 000 euros, pour le second, alors qu’ils avaient été respectivement évalués, dans l’état liquidatif, à 183 000 et 122 000 euros, l’arrêt relève que ceux-ci ont été notablement sous-évalués et qu’en application de l’indice trimestriel du coût de la construction, la valeur marchande de ces biens s’établissait au 1er avril 2005, date de l’acte de partage, à 219 059,12 et 151 357,36 euros, soit un actif de communauté amputé d’une somme de 65 416,48 euros.
« 11. En se déterminant ainsi, sans constater que le notaire disposait d’éléments lui permettant de déceler ou de suspecter une sous-évaluation manifeste des biens attribués à [l’époux], la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
L’affaire et les parties sont renvoyées devant la cour d’appel de Metz.
La Cour de cassation confirme ici que la responsabilité d’un notaire en matière d’évaluation immobilière ne peut être engagée que s’il dispose d’éléments lui permettant de déceler ou suspecter une sous-évaluation manifeste – voir par exemple, dans le cadre d’une vente, l’arrêt du 11 mars 2014 (pourvoi nº 12-26562). Les notaires disposent de bases de données informatisées pour les aider à estimer un bien : BIEN pour l’Île-de-France et PERVAL pour la province. Les particuliers peuvent consulter librement cette dernière, mais ils peuvent aussi avoir connaissance des prix de vente des biens immobiliers sur les cinq dernières années en se rendant sur le site gouvernemental Demande de Valeur Foncière.
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 6 octobre 2021
Nº de pourvoi : 19-23507, 19-24683
Arrêt archivé au format PDF (162 Ko, 5 p.).
Attention ! La jurisprudence et la loi évoluent en permanence. Assurez-vous auprès d’un professionnel du droit de l’actualité des informations données dans cet article, publié à fin d’information du public.