Lors de son audience publique de ce 16 septembre 2021, la Cour de cassation a rendu deux arrêts qu’il nous paraît intéressant de signaler à l’attention de nos lecteurs.
Prescription de l’action relative à un contrat d’assurance-vie
Nous avons déjà attiré à plusieurs reprises l’attention de nos lecteurs sur la nécessité de préparer sa succession afin d’obvier – autant que possible – à d’éventuels litiges post-mortem qui peuvent faire voler en éclats l’unité d’une famille. Voici un nouvel exemple de ce qui peut arriver en cas de négligence.
En l’espèce, un père avait souscrit en avril 1993 un contrat d’assurance-vie, dont la bénéficiaire était en premier lieu sa conjointe. Décédé en juin 2012, il avait laissé comme héritiers sa veuve et les deux enfants issus de leur mariage. Ayant appris après le décès de son mari l’existence d’un avenant établi en mars 2008 et modifiant la clause bénéficiaire au profit de ses enfants, la veuve avait estimé qu’il s’agissait d’un faux et avait assigné la banque ainsi que ses enfants en août 2013 aux fins de dire qu’elle était seule bénéficiaire du contrat d’assurance-vie et d’obtenir, principalement, la condamnation de la banque à lui payer une somme à ce titre ainsi qu’une autre à titre de dommages et intérêts et, subsidiairement, la condamnation de la banque et de ses enfants à lui rembourser les sommes de la communauté ayant servi à payer les primes du contrat.
En octobre 2018, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait déclaré irrecevables son action introduite contre la banque ainsi que ses demandes formulées contre l’assureur, la banque et ses enfants, en lui opposant la prescription quinquennale de droit commun prévue par l’article 2224 du code civil. La veuve avait alors formé un pourvoi en cassation, soutenant qu’elle bénéficiait de la prescription décennale prévue par l’article L114-1, alinéa 4, du code des assurances.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation lui a donné raison aujourd’hui en cassant partiellement l’arrêt. Le droit des assurances déroge en effet au droit commun de la prescription en prévoyant, d’une part, que « toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance » et, d’autre part, que « la prescription est porté à dix ans dans les contrats d’assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur » (article L114-1 du code des assurances).
L’affaire et les parties sont renvoyées devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée.
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 2
Audience publique du 16 septembre 2021
Nº de pourvoi : 20-10013
Arrêt archivé au format PDF (136 Ko, 4 p.).
Question prioritaire de constitutionnalité sur l’ordonnance de protection
En l’espèce, un juge aux affaires familiales avait rendu une ordonnance de protection par laquelle, pour une durée de six mois, il était fait interdiction à un père de rentrer en contact avec son épouse et ses beaux-parents, de paraître à leur domicile, de détenir ou de porter une arme. L’ordonnance attribuait par ailleurs à la seule mère l’exercice de l’autorité parentale sur l’enfant commun, fixait la résidence d’icelui chez sa mère et accordait au père un droit de visite médiatisé.
À l’occasion de l’appel qu’il avait interjeté à l’encontre de cette décision, le père avait demandé à la cour d’appel de Caen de transmettre à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de l’article 515-11 du code civil aux droits et libertés garantis par la Constitution française du 4 octobre 1958 et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, au regard du principe de la présomption d’innocence, des droits de la défense et de la liberté d’aller et venir.
La première chambre civile de la Cour de cassation a refusé aujourd’hui de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel :
« 8. La question ne présente pas un caractère sérieux en ce qu’elle invoque une atteinte au principe de la présomption d’innocence.
« 9. En effet, les mesures que le juge aux affaires familiales peut prononcer sur le fondement de l’article 515-11 du code civil, s’il estime qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés, reposent non sur la culpabilité de la partie défenderesse, mais sur sa potentielle dangerosité appréciée par le juge à la date de sa décision. Elles ont pour but d’empêcher et de prévenir des faits de violence sur la partie demanderesse ou ses enfants. Ainsi, ces mesures ne constituent ni une peine ni une sanction ayant le caractère d’une punition, de sorte que le principe de la présomption d’innocence ne trouve pas à s’appliquer.
« 10. La question posée ne présente pas davantage un caractère sérieux en ce qu’elle invoque une violation des droits de la défense.
« 11. En effet, si l’article 515-11 prévoit que l’ordonnance de protection est délivrée, par le juge aux affaires familiales, dans un délai maximal de six jours à compter de la fixation de la date de l’audience, ce délai, qui n’est assorti d’aucune sanction, a pour objectif d’empêcher, au cours d’une procédure diligentée dans l’urgence, un risque particulier de violence à l’égard d’une personne ou de ses enfants, tout en octroyant au défendeur les moyens de préparer utilement sa défense et la faculté d’être entendu lors de l’audience, outre que, selon l’article 1136-6 du code de procédure civile, le juge saisi s’assure, à l’audience, qu’il s’est écoulé un temps suffisant depuis la convocation pour que le défendeur ait pu présenter sa défense.
« 12. La question ne présente pas non plus un caractère sérieux en ce qu’elle invoque une atteinte à la liberté d’aller et venir.
« 13. En effet, si le juge peut, en application de l’article 515-11, 1º bis, interdire pour une durée de six mois à la partie défenderesse de se rendre dans certains lieux spécialement désignés dans lesquels se trouve de façon habituelle la partie demanderesse, une telle mesure est justifiée par l’objectif de santé publique de lutte contre les violences conjugales. Limitée dans le temps et dans l’espace, elle n’entrave pas de manière disproportionnée la liberté d’aller et de venir de la personne à laquelle elle est appliquée. »
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 16 septembre 2021
Nº de pourvoi : 21-40012
Arrêt archivé au format PDF (100 Ko, 3 p.).
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