Question prioritaire de constitutionnalité sur la non-déductibilité des pensions alimentaires pour enfants mineurs en résidence alternée

Conseil d'État

Le Conseil d’État a été saisi en décembre dernier d’une question prioritaire de constitutionnalité sur la non-déductibilité des pensions alimentaires pour enfants mineurs en résidence alternée. Aux termes de l’article 156 II-2º alinéa 2 du code général des impôts, les pensions alimentaires au profit d’un enfant mineur versées en cas de divorce ou de séparation de ses parents sont déductibles du revenu global du débiteur lorsque la charge exclusive ou principale dudit enfant est assumée par l’autre parent. Le contribuable ne peut par contre opérer aucune déduction pour un descendant mineur lorsqu’icelui est pris en compte pour la détermination de son quotient familial. Les pensions alimentaires versées pour un enfant en résidence alternée, dont la charge est donc partagée entre ses parents divorcés ou séparés, ne sont dès lors pas déductibles.

En l’espèce, le père d’une jeune fille résidant par alternance au domicile de ses deux parents avait fait l’objet d’un contrôle sur pièces à l’issue duquel l’administration fiscale avait remis en cause les déductions de pensions alimentaires versées à son ex-épouse au titre des années 2011 à 2013 et lui avait notifié en conséquence des cotisations supplémentaires d’impôts sur le revenu au titre de ces mêmes années. L’administration fiscale avait par ailleurs rejeté ces mêmes déductions dès le dépôt des déclarations de revenus des années 2014 et 2015, et avait notifié au père des cotisations primitives d’impôts sur le revenu intégrant dans les bases d’imposition les pensions alimentaires qu’il avait initialement déduites.

Le père avait alors demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de ces cotisations d’impôt sur le revenu, arguant notamment :

  • d’une part, qu’il devait pouvoir déduire le montant des pensions alimentaires versées à son ex-épouse tout en bénéficiant de l’augmentation du quotient familial en application de l’article 194 du code général des impôts, dès lors que cette dernière ne portait que sur un quart de part supplémentaire, et que le refus opposé par l’administration fiscale portait atteinte aux principes d’égalité devant la loi fiscale et devant les charges publiques ;
  • d’autre part, qu’il devait bénéficier d’une demi-part supplémentaire, et non d’un quart, en raison du rattachement de sa fille en résidence alternée à son foyer fiscal.

Débouté en juillet 2019, le père avait porté l’affaire devant la cour administrative d’appel de Marseille, à laquelle il avait demandé de transmettre au Conseil d’État une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du deuxième alinéa du 2º du II de l’article 156 du code général des impôts :

« – ces dispositions, dans leur rédaction issue du III.A. de l’article 30 [de] la loi de finances rectificative pour 2002 du 30 décembre 2002, méconnaissent le principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt proclamé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et celui d’égalité devant les charges publiques posé à l’article 13 de cette déclaration, sans que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;

« – à cet égard, premièrement, des inégalités non justifiées existeraient entre, d’une part, le parent ayant la garde alternée de son enfant et versant une pension alimentaire et, d’autre part, un parent qui, soit, détient la garde principale de son enfant et bénéficie d’une demi-part supplémentaire, soit, n’en a pas la garde et déduit alors la pension alimentaire dont il est débiteur ;

« – deuxièmement, s’agissant des parents de l’enfant en résidence alternée au domicile de chacun des parents, qui bénéficient à ce titre du partage de la part de quotient familial correspondant à leur enfant mineur, la disposition en litige entraîne une différence de traitement injustifiée entre celui qui verse la pension alimentaire et celui qui la perçoit ; en effet, cette pension n’est pas imposable entre les mains de celui qui la reçoit en application des dispositions de l’article 80 septies du code général des impôts, alors qu’elle n’est pas déductible des revenus du débiteur en vertu des dispositions en litige. »

Admettant le caractère sérieux de la question, la cour administrative d’appel de Marseille avait décidé de la transmettre en décembre dernier au Conseil d’État, lequel a décidé aujourd’hui de la transmettre à son tour au Conseil constitutionnel.

Références
Conseil d’État
9e-10e chambres réunies
Lecture du 24 février 2021
Décision nº 447219

Pro memoria :

Mise à jour du 14 mai 2021

Le Conseil constitutionnel a affirmé aujourd’hui la constitutionnalité de la non-déductibilité des pensions alimentaires pour enfants mineurs en résidence alternée – voir notre chronique du jour.

Attention ! La jurisprudence et la loi évoluent en permanence. Assurez-vous auprès d’un professionnel du droit de l’actualité des informations données dans cet article, publié à fin d’information du public.

Faire un don

Totalement indépendant, ne bénéficiant à ce jour d’aucune subvention publique et ne vivant que de la générosité privée, P@ternet a besoin du soutien de ses lecteurs pour continuer, et se développer. Si cette publication vous a intéressé, vous pouvez soutenir P@ternet grâce à un don ponctuel en cliquant sur l’image ci-dessous.

helloasso

Laissez un commentaire (respectez les règles exposées dans la rubrique “À propos”)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.