Communiqué de presse des Juristes pour l’enfance
Demain, mardi 4 février, les sénateurs se prononceront sur le projet de loi de bioéthique, pour l’adopter tel qu’ils l’ont modifié ou le rejeter.
Juristes pour l’enfance relève des améliorations significatives apportées par le Sénat au texte voté par l’Assemblée :
- suppression de l’autoconservation des gamètes pour convenance personnelle,
- rétablissement de l’interdiction du double don de gamètes,
- rejet de la procréation médicalement assistée post-mortem,
- remise en cause de la création de chimère animal-humain,
- suppression de l’extension du périmètre du diagnostic préimplantatoire,
- suppression des tests génétiques sans raison médicale.
À l’occasion des votes sur ces deux derniers points, les débats ont montré qu’une prise de conscience était à l’œuvre sur le danger de s’engager sur la voie d’une exigence d’un bébé parfait, et sur la reconnaissance de la qualité d’une vie même touchée par la maladie ou le handicap.
S’agissant de la gestation pour autrui, les sénateurs ont rendu un minimum d’efficacité à la prohibition française en interdisant la transcription des actes de naissance dressés après une gestation pour autrui à l’étranger et mentionnant deux pères ou mentionnant comme mère une femme n’ayant pas accouché de l’enfant.
En ce qui concerne la procréation médicalement assistée, les sénateurs ont évité l’implosion du droit de la filiation en rejetant la reconnaissance conjointe anticipée des deux femmes recourant à la procréation médicalement assistée qui faisait prévaloir l’intention des adultes sur la réalité charnelle de la filiation, emportant notamment la caducité de l’action en recherche de paternité : en l’état du texte, dans les couples de femmes, la filiation de l’enfant sera établie légalement par l’accouchement à l’égard de la femme qui aura mis au monde l’enfant, et que la seconde femme passera par la voie de l’adoption.
Il s’agit là d’un moindre mal puisque ce passage par l’adoption préserve le droit commun de la filiation, mais l’adoption qui entérine la privation délibérée de père est détournée de sa finalité qui est de donner des parents à des enfants qui en ont été privés par les malheurs de la vie.
Justement, le projet de loi, même amendé, demeure inacceptable en ce qu’il maintient l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires, consacrant ainsi l’organisation par la loi de la conception d’enfants délibérément et définitivement privés de père.
Si, enfin, les droits de l’enfant ont été pris en considération pour prévoir l’accès à l’identité du donneur à la demande de l’enfant, ce droit a été sérieusement remis en cause par la nécessité introduite d’obtenir l’accord du donneur à la majorité de l’enfant.
Alors que la Cour européenne des droits de l’homme affirme
- que l’enfant a « un intérêt capital à obtenir les informations qui lui permettent de connaître la vérité sur un aspect important de son identité personnelle, c’est-à-dire l’identité de ses parents biologiques [1] »,
- que toute personne a le « droit de connaître ses origines et de les voir reconnues »,
- que le respect de la vie privée « comprend non seulement le droit de chacun de connaître son ascendance, mais aussi le droit à la reconnaissance juridique de sa filiation [2] »,
- et que l’intérêt de l’enfant est « avant tout de connaître la vérité sur ses origines » et dans « l’établissement de sa filiation réelle » (y compris contre sa volonté [3]),
comment un projet de loi qui limite l’accès de l’enfant à l’identité du donneur et lui ferme toute possibilité d’établir sa filiation paternelle pourrait être compatible avec les droits de l’enfant ?
En dépit de l’affirmation contenue dans le projet selon laquelle « nul n’a le droit à l’enfant », c’est bien en réalité un droit à l’enfant qui est consacré dès lors que la loi octroie à certains adultes le droit de faire échec aux droits de l’enfant pour réaliser leur désir.
C’est pourquoi l’association Juristes pour l’enfance appelle de ses vœux un sursaut en faveur de la justice, laquelle est le fondement et la finalité du droit, par le rejet du projet de loi bioéthique par le Sénat.
Aucun compromis sur les droits de l’enfant n’est acceptable : ce projet est une bombe juridique à retardement car les enfants concernés ne manqueront pas de demander des comptes de leurs droits ainsi bafoués. La loi française ne sera d’aucun secours pour protéger ceux qui auront ainsi fait fi des droits des enfants, supérieurs à la loi française puisque consacrés par des conventions internationales ratifiées par la France.
La seule solution bioéthique est le retrait du texte.
Notes
- Cour européenne des droits de l’homme, 21 juin 2011, nº 46185/08, Krušković c. Croatie, § 41.
- Cour européenne des droits de l’homme, 2 juin 2015, nº 22037/13, Canonne c. France, §§ 28 et 32.
- Cour européenne des droits de l’homme, 14 janvier 2016, nº 30955/12, Mandet c. France, §§ 56 et 57.
Communiqué archivé au format PDF (131 Ko, 2 p.).