Cazarian (Danièle), question écrite nº 13316 à la ministre de la Justice sur les condamnations pénales pour violences conjugales et l’autorité parentale [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 41 A.N. (Q), 16 octobre 2018, p. 9211].
Mme Danièle Cazarian appelle l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les modalités de prise en compte des condamnations pénales pour violences conjugales dans le cadre des décisions de justice prises par le juge aux affaires familiales et en particulier les décisions afférentes à l’autorité parentale et au droit de garde des enfants. Le Gouvernement a décidé de faire de la lutte contre les violences conjugales une priorité du quinquennat en établissant le premier plan de lutte contre les violences conjugales sous l’égide du Premier ministre. L’objectif est avant tout de créer les conditions permettant une libération de la parole des victimes, le principe même des violences conjugales étant que des liens intimes existent entre la ou les victimes et son oppresseur. Si les femmes sont souvent les premières victimes des violences conjugales, il est aujourd’hui établi que ces violences ont des impacts sur les enfants dont l’ampleur dépend du degré d’exposition à cette violence, à l’âge et au sexe de l’enfant. Mais il est aujourd’hui clairement établi que l’exposition des enfants même témoins constitue une forme de maltraitance infantile. Malgré les dispositifs existants et notamment la possibilité pour le juge aux affaires familiales de prendre en considération « les pressions ou violences à caractère physique ou psychologique exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre » (article 373-2-11 du code civil) quand il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, force est de constater que même en cas de condamnation pénale pour violences conjugales, les juges aux affaires familiales ne tient [sic] pas toujours compte de cette décision pénale pour organiser le droit de garde et se prononcer sur l’autorité parentale. Or, l’absence de prise en compte de cette spécificité dans le cadre des droits parentaux sur les enfants constitue une difficulté supplémentaire faite au parent victime pour sortir de l’emprise du parent violent et surtout protéger les enfants et les sortir du climat de violences qu’ils ont déjà subies. Cette difficulté constitue indéniablement un frein supplémentaire à la dénonciation des violences subies. Elle souhaiterait donc savoir quel dispositif elle envisage de mettre en œuvre afin d’améliorer la prise en compte par le juge des enfants des condamnations pénales pour violences conjugales dans le cadre des jugements rendus concernant le droit de garde et l’autorité parentale.
Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 15 A.N. (Q), 9 avril 2019, p. 3294.
L’article 373-2-11 du code civil dispose que le juge aux affaires familiales appelé à se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale prend notamment en considération les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre. Ainsi, la loi n’offre pas au juge une possibilité de les prendre en considération, elle fixe un critère d’appréciation qu’il ne saurait écarter. La lecture de cette disposition est sans ambiguïté destinée à assurer la pleine prise en compte d’un contexte de violence dans les décisions portant sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. L’existence d’une condamnation pénale permet de démontrer judiciairement la réalité des violences subies mais, dans l’intérêt de la victime, il ne s’agit pas de la seule preuve possible. Le dépôt d’une plainte, une main-courante, des certificats médicaux, des témoignages, sont des éléments qui peuvent également être produits pour établir les violences, sans attendre une condamnation pénale. Il appartient donc à tous les professionnels qui interviennent dans ces affaires sensibles de s’approprier et de mobiliser les dispositifs existants pour mieux assurer la protection des enfants et du parent victimes. La protection de ces derniers est d’ailleurs au cœur des décisions d’ordonnances de protection délivrées à brefs délais par les juges aux affaires familiales en cas de violences vraisemblables mettant en danger la victime ou ses enfants, a fortiori lorsque l’auteur a été condamné pour des faits de violences conjugales. Saisi d’une demande d’ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales peut notamment, après appréciation de chaque situation particulière, ordonner l’interdiction pour le conjoint violent d’être en contact avec la victime, et, plus rapidement encore que lorsqu’il est saisi sur les seules modalités d’exercice de l’autorité parentale, se prononcer sur la remise des enfants d’un parent à l’autre de façon sécurisée en ordonnant qu’elle s’effectue dans un espace de rencontre ou en présence d’un tiers, voire supprimer tout droit de visite à l’égard de ce parent.
Question archivée au format PDF (221 Ko, 3 p.).