Eliaou (Jean-François), Question écrite nº 18076 à la ministre de la Justice sur l’article 924-4 du code civil [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 13 A.N. (Q), 26 mars 2019, p. 2720].
M. Jean-François Eliaou attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la potentielle menace de l’article 924-4 du code civil. Le notaire a pour mission d’éclairer les parties des actes qu’il dresse et d’attirer leur attention sur les risques qu’ils comportent, sous peine de voir sa responsabilité professionnelle engagée. Il lui appartient de fournir au futur acquéreur une information exacte sur l’acte qu’il envisage de signer. Il doit notamment attirer son attention sur les risques d’action en réduction (qui permet aux héritiers réservataires de contester la répartition d’une succession) ou en revendication (une personne réclame à une autre la chose dont elle se prétend propriétaire). Il est fréquent que le vendeur d’un bien s’oppose à la sollicitation des autres héritiers présomptifs ou que ces derniers tentent de monnayer leur consentement. La clientèle des études, souvent peu familière des notions de réserve héréditaire et de réduction, comprend très rarement le sens et la nécessité de cet accord. Certains héritiers et donateurs peuvent en outre être introuvables, incapables ou brouillés avec le donataire qui souhaite vendre. De plus, lorsque le donateur est vivant, il est nécessaire de recueillir son consentement mais aussi celui de l’ensemble des héritiers réservataires présomptifs. Cette pratique doit être reconsidérée afin de vérifier au cas par cas la pertinence du concours des membres de la famille. Ainsi, il souhaite attirer son attention sur les conséquences de cet article 924-4 du code civil et lui demande quelle mesure elle envisage afin de préserver la sécurité juridique du tiers acquéreur a posteriori de la vente.
Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 15 A.N. (Q), 9 avril 2019, p. 3297.
Lorsqu’une libéralité porte atteinte à la réserve héréditaire, le gratifié est redevable d’une indemnité de réduction en application de l’article 924 du code civil. Cette réduction en valeur trouve toutefois deux exceptions en cas de préférence du gratifié pour une réduction en nature, c’est-à-dire une restitution du bien donné ou légué (article 924-1 du code civil) et en cas d’insolvabilité du gratifié qui se trouve dans l’impossibilité de verser l’indemnité de réduction aux héritiers réservataires (article 924-4 du code civil). Dans cette dernière hypothèse il est ouvert aux héritiers réservataires une action en revendication contre le tiers qui a acquis le bien du gratifié. La réduction a alors lieu en nature, par restitution. L’alinéa 2 de l’article 924-4 précité permet toutefois de sécuriser les transactions juridiques en faisant intervenir à l’acte de vente les héritiers présomptifs, ce qui a pour effet de leur interdire d’intenter l’action en revendication contre les tiers. Cette disposition réalise ainsi un compromis entre, d’une part, la sécurité juridique légitimement attendue d’un contrat opérant un transfert de propriété d’un bien et, d’autre part, le caractère effectif de la sanction de l’atteinte à la réserve et de la contrepartie accordée aux héritiers réservataires qui ont vu leur réserve injustement amputée. Des réflexions sont en cours au ministère de la justice puisqu’un groupe de travail pluridisciplinaire vient d’être constitué aux fins d’examiner la question de la réserve héréditaire selon les axes de réflexion suivants : l’existant, ce qui se pratique en dehors de nos frontières, et les évolutions qui pourraient être envisagées. Cette question sera naturellement abordée dans ce cadre.
Question archivée au format PDF (213 Ko, 2 p.).