Questions sur les disparités de traitement et la situation des pères pour la garde des enfants en cas de divorce

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 14 AN (Q), 4 avril 2017

Yves Nicolin (© D.R.)

Yves Nicolin (© D.R.)

Nicolin (Yves), question écrite nº 94492 à la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes sur les disparités de traitement et la situation des pères pour la garde des enfants en cas de divorce [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 13 A.N. (Q), 29 mars 2016, p. 2505].

M. Yves Nicolin attire l’attention de Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes sur les inégalités entre pères et mères dans le cadre des procédures de divorce et notamment vis-à-vis de la garde d’enfants. Si l’égalité entre les hommes et les femmes est un combat de tous les jours, il convient de mener ce même combat sur les inégalités entre les mères et les pères. Le régime de la garde dans le cadre des séparations, en l’état, assure cette égalité. Néanmoins, dans la pratique, et dans le cadre de la tradition matriarcale, un certain nombre de pères se voient privés du droit de voir leurs enfants après s’être séparés de leurs conjointes. L’éloignement et les déclarations abusives sont les raisons principales de cette inégalité de fait. Par conséquent, il voudrait savoir ce qu’elle compte faire pour y remédier.


Stéphane Saint-André (© Sofian)

Stéphane Saint-André (© Sofian)

Saint-André (Stéphane), question écrite nº 95123 au ministre de la Justice sur les disparités de traitement et la situation des pères pour la garde des enfants en cas de divorce [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 16 A.N. (Q), 19 avril 2016, p. 3250].

M. Stéphane Saint-André attire l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le fait que les mères soient avantagées sur la garde des enfants en cas de séparation. Dans le système actuel, nous prêchons tous pour que la parité soit omniprésente. C’est pourquoi il semble évident qu’elle le soit également en ce qui concerne le droit aux pères à éduquer leurs enfants et ce, sans avoir à faire face à la priorité maternelle. Bien que la loi ait progressivement établi l’autorité parentale conjointe, force est de constater que dans le cadre des affaires de divorce, la garde des enfants revient à la mère dans une très grande majorité des cas. Si la justice ne doit pas pouvoir imposer la résidence alternée des enfants en cas de divorce, rien, en revanche, ne doit pouvoir l’empêcher lorsqu’un des parents la demande. Il relève de l’intérêt de l’enfant d’être éduqué par ses deux parents dans une proportion équilibrée. Il lui demande si est envisagée une égalité de traitement.


Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 14 A.N. (Q), 4 avril 2017, pp. 2751-2752.

Jean-Jacques Urvoas (© Éric Walter)

Jean-Jacques Urvoas (© Éric Walter)

Afin de disposer d’une analyse précise sur la résidence des enfants dont les parents sont séparés, la Chancellerie a procédé, au cours du mois de juin 2012, à une étude portant sur l’ensemble des décisions rendues par tous les juges aux affaires familiales sur une période de quinze jours. Cette étude, effectuée à partir de 6 042 décisions et publiée au mois de novembre 2013, laisse apparaître que, dans 80 % des situations, les parents sont en accord sur la résidence des enfants, dans 10 % ils sont en désaccord et dans 10 % des cas, l’un des deux parents ne forme aucune demande. S’agissant des parents qui sont d’accord sur la résidence, ils demandent pour 71 % des enfants, une résidence chez la mère, pour 10 % une résidence chez le père et pour 19 % une résidence alternée. Parmi les 10 % de situations où les parents sont en désaccord, les juges fixent pour 63,1 % des enfants une résidence chez la mère, pour 24,4 % une résidence chez le père, pour 12,3 % une résidence alternée et pour 0,2 % une résidence chez un tiers. Compte tenu du nombre très important des parents en accord, dans l’ensemble des parents ayant fait une demande relative à la résidence, les décisions prononcées par les juges reflètent très largement le choix établi en commun par ces parents. Ainsi, la résidence chez la mère est plus fréquemment prononcée par le juge, ce mode de résidence étant le plus sollicité par les parents séparés. S’agissant plus particulièrement de la résidence alternée, l’étude laisse apparaître, toutes décisions confondues, que les juges ont prononcé une résidence alternée pour 17 % des situations. Pour les seules procédures de divorce, l’exploitation du répertoire général civil montre que la part d’enfants mineurs pour lesquels une résidence alternée a été prononcée est passée de 11,5 % en 2004 à 22,8 % en 2013. La proportion d’enfant pour lesquels une résidence alternée est prononcée est plus importante dans les procédures de divorce en raison du nombre important de divorces par consentement mutuel dans lesquels la résidence alternée est plus fréquemment choisie par les parents. Lorsque les parents sont en désaccord, l’étude précitée montre que la résidence alternée est prononcée pour 12 % des enfants. Le taux de rejet de la résidence alternée est de 75 % lorsque le père la demande et la mère la refuse et de 60 % lorsque la mère la demande et le père la refuse. Le taux de rejet de la résidence alternée est donc relativement important en cas de désaccord entre les parents, quelle que soit l’origine de la demande. Il ressort ainsi de l’étude précitée que le principal frein au développement de la résidence alternée provient du choix des parents qui la demandent peu. S’il est certain que la résidence alternée permet à l’enfant de partager la vie quotidienne avec chacun de ses parents, une systématisation de ce mode de résidence est inopportune tant juridiquement qu’en pratique. En effet, le seul critère qui doit être retenu pour la fixation des modalités d’exercice de l’autorité parentale est celui de l’intérêt de l’enfant et non celui des parents, les intérêts de chacun ne se rejoignant pas nécessairement. Par ailleurs, la notion de résidence alternée paritaire, qui signifie que le temps passé chez chacun des parents doit être exactement le même, aurait pour effet d’introduire une rigidité telle que la résidence alternée pourrait, d’une part, être impossible à mettre en œuvre pour de nombreuses familles, et, d’autre part, entraver voire empêcher l’adaptation de la vie quotidienne aux besoins spécifiques de l’enfant. En ce qui concerne plus particulièrement les parents qui sont en désaccord, le législateur, à l’initiative de la Chancellerie, qui accorde une attention particulière à la promotion de la coparentalité, a ainsi prévu dans la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle d’engager de nouvelles juridictions dans le dispositif expérimental de la médiation préalable obligatoire lorsque le juge a déjà statué sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale ou sur la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.


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