L’âge de discernement des mineurs dans une procédure de justice

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 10 AN (Q), 7 mars 2017

Lousteau (Lucette), Question écrite nº 98316 au ministre de la Justice sur la définition de l’âge de discernement des mineurs dans une procédure de justice (Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 31 AN (Q), 2 août 2016, p. 7100).

Lucette Lousteau (© Maurice Monnier)

Lucette Lousteau (© Maurice Monnier)

Mme Lucette Lousteau attire l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur l’interprétation à donner à l’article 388-1 du code civil, qui édicte que « dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet ». Certains magistrats ont établi une norme concernant l’âge auquel ils considèrent que le mineur a l’âge de discernement, refusant de l’entendre lorsque celui-ci ne l’a pas atteint. Généralement, les magistrats fixent cet âge minimum de discernement à treize ans, ce qui exclut toute audition d’enfants qui, ayant moins de treize ans, ont pourtant une maturité suffisante pour que l’on puisse les considérer comme capables de discernement. Aussi elle lui demande de bien vouloir lui indiquer si la notion de discernement implique un âge légal minimum pour que le mineur soit entendu ou bien si aucun âge minimum ne peut être établi comme norme.


Réponse du Ministère de la justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 10 AN (Q), 7 mars 2017, p. 2109.

Jean-Jacques Urvoas (© Éric Walter)

Jean-Jacques Urvoas (© Éric Walter)

La loi du 8 janvier 1993, modifiant le code civil relative à l’état civil, à la famille et aux droits de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales, complétée par la loi du 5 mars 2007, réformant la protection de l’enfance, a repris l’essentiel des dispositions de la Convention internationale sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989 en exposant à l’article 388-1 du code civil que « dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. » Avec ce texte, le droit français consacre un droit pour l’enfant doté de discernement d’être entendu dans une procédure le concernant. La loi ne fixe pas l’âge du discernement et celui-ci fait l’objet d’une appréciation subjective de la part du juge. Ce dernier est donc invité à se fonder sur plusieurs éléments, à savoir, l’âge, la maturité et le degré de compréhension du mineur. Ce critère du « discernement », conforme à la Convention des Nations Unies du 20 novembre 1989, doit être maintenu, l’audition de mineurs en très bas âge n’étant, dans la majorité des situations, pas opportune. Les juges doivent par ailleurs motiver la décision par laquelle ils refusent l’audition d’un mineur. La Cour de cassation, par un arrêt du 18 mars 2015, a ainsi considéré qu’une cour d’appel prive sa décision de base légale en rejetant une demande d’audition formulée par un enfant, en se bornant à se référer à l’âge du mineur, sans expliquer en quoi celui-ci n’était pas capable de discernement. Ainsi, s’il n’existe pas d’âge minimum de discernement pouvant être établi comme norme, la prise en compte de la parole de l’enfant s’inscrit dans un vaste mouvement qui ambitionne d’accorder plus d’attention aux points de vue exprimés par l’enfant et d’assurer ainsi plus efficacement la défense de ses droits. Certaines procédures imposent d’ailleurs au juge d’entendre tout mineur capable de discernement. Tel est le cas en matière d’émancipation ou, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 14 mars 2016, relative à la protection de l’enfant, en matière d’adoption.


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