Gatel (Françoise), question écrite nº 22782 au ministre de la Justice sur le développement des modes amiables au règlement des différends [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 19 S (Q), 13 mai 2021, p. 3147].
Mme Françoise Gatel attire l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité de promouvoir les modes amiables au règlement des différends (MARD).
La cour d’appel de Paris a publié, le 5 mars 2021, un rapport ambitieux sur les modes amiables de règlement des différends. Ce rapport, réalisé en collaboration avec l’université du Mans, propose des pistes pour clarifier, fluidifier et sécuriser la conciliation et la médiation judiciaires.
Il souligne que notre pays est marqué par une culture de l’affrontement au contraire des pays anglo-saxons, qui privilégient une approche fondée sur le compromis et la négociation.
L’article 6.1 du code de déontologie des avocats (RIN) précise d’ailleurs qu’à tous les stades de la procédure « il est recommandé à l’avocat d’examiner avec ses clients la possibilité de résoudre leurs différends par le recours aux modes amiables ou alternatifs de règlement des différends ».
De même, l’article 21 du CPC dispose qu’« il entre dans la mission du juge de concilier les parties » et que le jugement n’est pas une fin en soi pour assurer la paix sociale. Pour atteindre ce but de pacification, il existe un second moyen, concilier les parties.
En particulier, le rapport propose que « la partie à l’instance qui ne défèrera pas à l’injonction de rencontrer un médiateur ou un conciliateur pourra être privée par le juge du bénéfice de l’article 700 du code de procédure civile. En outre, si c’est le demandeur à l’instance qui ne défère pas à cette injonction, l’instance pourra être radiée administrativement par le magistrat si le défendeur ou l’un des défendeurs ne s’y oppose pas ». Cette recommandation, de nature législative, parait être de nature à inciter les parties à respecter les injonctions des magistrats, aujourd’hui insuffisamment suivies d’effet.
Jusqu’au 1er janvier 2020, l’article 56 du code de procédure civile (CPC) disposait que « sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, l’assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ». La suppression de cette obligation, quand bien même elle n’était pas assortie de sanctions, n’apparait pas comme un bon signal à l’heure où notre pays doit renforcer les modes amiables.
La médiation et la conciliation offrent un espace d’humanité qui permet, bien souvent, d’éviter le procès et de ramener la paix sociale, objectif encore plus indispensable dans le contexte anxiogène que chacun connait.
C’est la raison pour laquelle elle lui demande quelles suites il entend donner aux 28 propositions du rapport précité de la Cour d’appel de Paris.
Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 7 S (Q), 17 février 2022, pp. 911-912.
Le Gouvernement a entrepris ces dernières années une vaste promotion des modes amiables de résolution des différends, qui ne se limitent pas à la médiation et à la conciliation. Plusieurs mesures ont en effet été adoptées dans le cadre la loi nº 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice en faveur des modes amiables de résolution des différends (articles 3 et 4). Il en est ainsi de la tentative préalable obligatoire de conciliation par un conciliateur de justice, de médiation ou de procédure participative avant de saisir le juge pour les litiges portant sur un montant n’excédant pas 5.000 euros ou concernant un conflit de voisinage, de l’élargissement à tous les contentieux civils de l’injonction de rencontrer un médiateur, de la création d’une médiation post-sentencielle en matière familiale destinée à assurer la bonne exécution de la décision de justice statuant sur l’autorité parentale, la résidence habituelle des enfants et la pension alimentaire, ou encore, de l’instauration d’une certification facultative des personnes physiques ou morales proposant notamment des services de médiation en ligne par un organisme accrédité, permettant d’identifier les plateformes vertueuses. Si l’objectif tendant à rendre effective l’injonction prononcée par le juge de rencontrer le médiateur est une préoccupation partagée par le Gouvernement, la proposition consistant à sanctionner le refus d’une partie par la perte du bénéfice de l’article 700 du code de procédure civile ou le prononcé d’une radiation n’est pas totalement satisfaisante. En effet, la définition des frais irrépétibles, qui auraient alors une dimension punitive, ne serait pas conforme à la loi nº 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Par ailleurs, seul le demandeur (via la radiation) ou la personne qui gagne son procès (via la privation des frais irrépétibles) pourrait se faire sanctionner. Il n’y aurait pas de sanction applicable pour le défendeur qui perd son procès et qui ne se serait pas présenté au rendez-vous d’information. Cette proposition n’a donc pas été retenue. La loi nº 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire prévoit diverses mesures destinées à promouvoir l’amiable. Elle étend la tentative préalable obligatoire de mise en œuvre d’un mode alternatif de règlement des différends au contentieux des troubles anormaux de voisinage, permet l’apposition de la formule exécutoire par le greffe sur l’acte contresigné par l’avocat de chacune des parties constatant un accord issu d’un règlement amiable et crée un Conseil national de la médiation, instance pluridisciplinaire chargée de poursuivre la réflexion sur l’encadrement de la médiation. Au demeurant, le Gouvernement entend poursuivre sa réflexion pour développer une véritable culture de l’amiable à travers les consultations et groupes de travail qui ont lieu dans le cadre des états généraux de la justice.
Question archivée au format PDF (139 Ko, 3 p.).