Question sur la sensibilisation des grandes entreprises à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 22 S (Q), 30 mai 2019

Pérol-Dumont (Marie-Françoise), Question écrite nº 9521 à la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations sur la sensibilisation des grandes entreprises à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 12 S (Q), 21 mars 2019, p. 1502].

Marie-Françoise Pérol-Dumont (© D.R.)

Marie-Françoise Pérol-Dumont (© D.R.)

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont appelle l’attention de Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur la sensibilisation qui pourrait être envisagée auprès des grandes entreprises en faveur de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Une femme sur trois a expérimenté des violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie, souvent par un conjoint ou un ex-conjoint, et 62 % des victimes de violences conjugales sont salariées. Or, si par le passé ce problème était considéré comme appartenant à la sphère privée des salariées, de plus en plus d’entreprises considèrent aujourd’hui qu’il peut être de leur responsabilité de s’engager dans la protection et l’assistance de leurs salariées.

Ainsi, plusieurs grandes entreprises ont d’ores et déjà signé une charte d’engagement pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, qui les oblige à sensibiliser et former leurs employés à ces problématiques. En outre, ces entreprises pourront aussi proposer de nouveaux services d’assistance à leurs salariées victimes de violences, comme le changement de numéro de téléphone mobile, une mutation géographique ou une aide à l’obtention d’un nouveau logement.

Elle lui demande donc dans quelle mesure ces bonnes pratiques pourraient être généralisées à l’ensemble des grandes entreprises mais aussi du tissu des petites, moyennes et très petites entreprises (PME-TPE).


Réponse du Secrétariat d’État auprès du Premier ministre, chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 12 S (Q), 30 mai 2019, pp. 2872-2874.

Marlène Schiappa (© D.R.)

Marlène Schiappa (© D.R.)

Une femme sur dix déclare avoir été victime de violences conjugales (ENVEFF 2010) [1] et 20,4 % des femmes ont subi des violences sexuelles au cours de leur vie (INSERM INED 2006) [2]. Les violences subies par les femmes constituent un frein important à leur insertion professionnelle et impactent considérablement leur vie. L’entreprise doit être le lieu où les femmes sont protégées. En comprenant leur problème, l’entreprise peut permettre aux femmes de garder leur emploi (aide au déménagement, aides financières…). Les entreprises peuvent également mettre en place des actions de sensibilisation de l’ensemble des salariés et salariées, managers, clients, etc. Le président de la République a annoncé le 25 novembre 2017 que la priorité pour la première année du quinquennat était la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Afin de renforcer l’action du Gouvernement en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles et contre les agissements sexistes au travail, les mesures suivantes sont mises en œuvre : développer la sensibilisation dès le plus jeune âge afin de prévenir le harcèlement sexuel avec la mise en place, dès 2018, d’un « module d’enseignement » dans toutes les écoles du service public consacré « à la prévention et à la lutte contre le sexisme, le harcèlement et les violences » faites aux femmes et la formation des professionnels et professionnelles de la petite enfance ; mise en place dès 2018 d’un « grand plan de formation initiale et continue » dans le secteur public, avec une attention particulière portée sur la formation des cadres ; donner la possibilité aux victimes de porter plainte dans les lieux de prise en charge, y compris les hôpitaux et renforcer l’accompagnement des victimes en créant des unités hospitalières pour la prise en charge psychotraumatique, dont le coût sera pris en charge par la sécurité sociale ; faire du harcèlement au travail une priorité de l’inspection du travail ; mettre en place un signalement en ligne pour les victimes de violences, de harcèlement ou de discriminations. Les victimes pourront, de chez elles, échanger sous la forme d’une « discussion interactive, avec des policiers ou des gendarmes formés et disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept ». Un certain nombre de mesures ont déjà été prises par le Gouvernement afin de lutter contre les violences faites aux femmes, dans la sphère privée et sur le lieu de travail. Le Gouvernement entend également favoriser la prise en charge et l’accompagnement global des femmes victimes de violences, y compris en termes d’emploi et d’insertion. Ainsi, un accord-cadre signé le 28 juin 2013 par les directeurs généraux de la DGEFP, de la DGCS et de Pôle emploi a permis d’initier un partenariat fructueux sur l’insertion professionnelle des femmes. Le 27 avril 2015, un accord cadre national a été signé entre l’État (DGCS et DGEFP) et Pôle emploi dans la continuité de l’accord précédant. Cet accord devrait être reconduit en 2019 avec pour objectifs de : lutter contre les stéréotypes de sexe et renforcer la mixité des emplois ; améliorer la qualité des emplois des femmes ; faciliter l’accès ou le retour à l’emploi des femmes en agissant sur les freins à l’emploi en lien avec les acteurs de l’insertion. Afin de renforcer l’axe visant à faciliter le retour à l’emploi des femmes en agissant sur les freins, Pôle emploi a lancé en 2018 un appel à projets ayant pour but d’encourager le déploiement d’actions proposant un accompagnement spécifique tenant compte des discriminations et difficultés rencontrées par les femmes en situation de vulnérabilité, notamment en raison des violences qu’elles ont subies, afin de favoriser leur insertion professionnelle durable. Un budget d’environ 10 millions d’€ sur la période 2018-2020 sera affecté à cet appel à projets par Pôle emploi, dont 50 % émanant du FSE. Dans le cadre de cet accord-cadre, il est également prévu de former les conseillers et conseillères Pôle emploi à l’égalité femmes-hommes et de les sensibiliser à la question des violences sexistes et sexuelles. Concernant les entreprises, l’ensemble des mesures prises par le gouvernement visant à lutter contre les violences sexistes et sexuelles au travail, au sein des entreprises, mais également de la fonction publique, vont permettre d’aborder également la question des violences au sein du couple pour une meilleure prise en charge des victimes. Ainsi, le 9 mars 2018, le secrétaire d’État en charge de la fonction publique et la secrétaire d’État en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes ont signé une circulaire relative à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique. Elle s’articule autour de trois axes : la prévention des violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique, notamment en déployant, à partir de 2018, un plan ambitieux de formation initiale et continue ; le traitement des situations de violences sexuelles et sexistes avec la mise en place de dispositifs de signalement et de traitement des violences sur le lieu de travail ; la sanction des auteurs de violences sexuelles et sexistes. Le 9 mai 2018, un plan d’action a été lancé par Muriel Pénicaud, ministre du travail, et Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui comprend quinze actions pour en finir avec les inégalités salariales et lutter contre les violences sexistes et sexuelles, en conclusion de la concertation sur l’égalité salariale, avec les partenaires sociaux, initiée le 7 mars 2019. Les actions qui nécessitent des mesures législatives sont reprises dans le cadre de la loi pour « la liberté de choisir son avenir professionnel » votée le 5 septembre 2018. Ces mesures visent notamment à : renforcer la formation des avocats, représentants des syndicats, membres des CHSCT, services RH des employeurs, branches professionnelles, représentants du Défenseur des droits et du corps d’inspection et de contrôle du ministère du travail ; informer et sensibiliser l’ensemble des salariés ; accompagner les victimes ; sanctionner les auteurs. En mai 2018, la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes a lancé un appel à projets relatif à la prévention et à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail pour un budget de près d’un million d’€. Cet appel à projets a pour objectifs de : prévenir les actes de violences sexistes et sexuelles au travail, toucher un maximum d’entreprises et de milieux professionnels pour faire changer les comportements ; faire connaître aux personnes victimes leurs droits afin qu’elles puissent les revendiquer, les faire respecter ; organiser à l’échelle des territoires une réponse appropriée afin que les personnes victimes soient entendues et accompagnées dans leurs démarches, dans un cadre permettant l’implication de tous les acteurs engagés contre les violences sexistes et sexuelles au travail.

Notes de P@ternet
  1. Nous n’avons pas trouvé de source documentaire correspondant à cette référence et présumons qu’une coquille typographique a généré une erreur de date ; l’enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF) ayant été réalisée en 2000, il faudrait alors lire 2001 au lieu de 2010, ce qui renverrait opportunément à : Jaspard (Maryse), et alii, « Nommer et compter les violences envers les femmes : une première enquête nationale en France », Population & Sociétés, nº 364, janvier 2001. On y lit effectivement qu’« une femme en couple sur dix vit [une] situation [de violence conjugale] » (p. 3).
  2. Réalisée conjointement par l’Institut national d’études démographiques et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’enquête « Contexte de la Sexualité en France » de 2006 comportait un questionnaire sur les agressions sexuelles reprenant les mêmes formulations que celles utilisées dans l’enquête nationale sur les violences envers les femmes en France de 2000 (voir note précédente). Les réponses ont été présentées dans : Bajos (Nathalie), Bozon (Michel), et alii, « Les violences sexuelles en France : quand la parole se libère », Population & Sociétés, nº 445, mai 2008. On n’y lit cependant nulle part que 20,4 % de femmes auraient subi des violences sexuelles au cours de leur vie : les auteurs avancent 16 % (voir tableau 1, p. 1). Ce nombre est à comparer avec les données publiées par l’Institut national de la statistique et des études économiques peu de temps auparavant : Le Jeannic (Thomas), Tournyol du Clos (Lorraine), « Les violences faites aux femmes », Insee Première, nº 1180, 21 février 2008.

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