La Cour constitutionnelle belge entérine la paternité d’intention

Cour constitutionnelle de Belgique

La Cour constitutionnelle belge a rendu aujourd’hui un arrêt selon lequel il ne peut être fait obstacle à l’établissement judiciaire de la paternité du co-auteur d’un projet parental, même en cas de procréation médicalement assistée exogène (i.e. avec le sperme d’un tiers), et ce même si l’homme n’était pas marié avec la mère au moment de la naissance ni n’avait reconnu l’enfant.

En l’espèce, le Tribunal de première instance de Mons avait été saisi d’une demande en établissement judiciaire de la paternité, diligentée par la mère d’une enfant née en mars 2016 à l’issue d’une procréation médicalement assistée exogène. La mère souhaitait en effet établir judiciairement la filiation entre son enfant et son compagnon, décédé en décembre 2015 – donc pendant la grossesse. Or, les héritiers dudit compagnon s’y étaient opposés, ne souhaitant pas que l’enfant devienne leur cohéritier. Le Tribunal de première instance de Mons avait alors saisi la Cour constitutionnelle belge pour l’éclairer en la matière.

En effet, lorsque la paternité n’est pas présumée (du fait d’un lien matrimonial au moment de la naissance de l’enfant) ou si l’homme n’a pas reconnu l’enfant, le droit belge ne permet pas au juge d’établir la paternité d’un homme qui n’est pas le père biologique de l’enfant. Consulté sur ce cas d’espèce, le Conseil des ministres avait estimé que cette règle devait rester de mise, au motif qu’« il n’existe ni vérité biologique, ni réalité socio-affective entre l’homme [décédé avant la naissance] et l’enfant » (§ A.1).

Cependant, le code civil belge permet depuis 2014 d’établir judiciairement la filiation d’un enfant vis-à-vis de la compagne de sa mère (loi du 5 mai 2014 portant établissement de la filiation de la coparente). La Cour constitutionnelle belge s’est appuyée sur cette disposition pour juger qu’il est discriminant de faire « obstacle à l’établissement judiciaire de la paternité de l’homme qui est le co-auteur du projet parental dont est issu un enfant conçu grâce à la mise en œuvre d’une technique de procréation médicalement assistée exogène ». En dépit de l’absence de lien biologique et du fait que l’enfant ne connaîtrait jamais l’ex-compagnon de sa mère, la Cour constitutionnelle belge a également estimé que « l’établissement du double lien de filiation vis-à-vis des auteurs du projet parental dont découle l’existence de l’enfant peut indéniablement représenter, pour celui-ci, un élément important de son identité, de sorte que l’établissement de ce double lien correspond, pour cette raison également et sauf circonstances exceptionnelles, à ce que commande la prise en compte de son intérêt supérieur » (§ B.11.1).

La Cour constitutionnelle belge s’inscrit ici explicitement dans l’esprit de la loi du 6 juillet 2007 relative à la procréation médicalement assistée, laquelle fait « prévaloir la filiation d’intention sur la filiation biologique » (§ B.7.3). Cependant, si la filiation peut désormais être établie judiciairement par un simple « projet parental », reste à savoir ce qu’il pourrait advenir d’un enfant issu d’une procréation médicalement assistée exogène dont le « père d’intention » renoncerait audit « projet parental » après la conception de l’enfant…

Références
Cour constitutionnelle de Belgique
Arrêt nº 19/2019 du 7 février 2019
Nº du rôle : 6794

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