Question sur la diffusion sur l’antenne de France Culture d’une messe catholique intégriste le 15 juillet 2018

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 38 S (Q), 27 septembre 2018

Laborde (Françoise), Question écrite nº 6412 à la ministre de la culture sur la diffusion sur l’antenne de France Culture d’une messe catholique intégriste le 15 juillet 2018 [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 31 S (Q), 2 août 2018, p. 3938].

Françoise Laborde (© D.R.)

Françoise Laborde (© D.R.)

Mme Françoise Laborde attire l’attention de Mme la ministre de la culture sur la diffusion le 15 juillet 2018, par le service public de l’audiovisuel radiophonique, d’une messe catholique que l’on peut qualifier d’intégriste, retransmise en direct sur l’antenne de France Culture, dans le cadre des traditionnelles émissions religieuses dominicales. À cette occasion des propos choquants, contraires à l’esprit républicain ont été diffusés. Une heure durant, l’archevêque d’Avignon a bénéficié de la libre antenne et s’est violemment attaqué au droit au mariage des personnes de même sexe, au droit à l’avortement ainsi qu’à la communauté LGBT et, indirectement, à Mme Simone Veil.

Si la liberté d’expression est un droit fondamental, il appartient à tout ministre du culte de rester dans son rôle d’officiant et de mesurer ses propos concernant les sujets sociétaux, qui sortent du seul cadre de la religion, lors de la retransmission en direct de son homélie.

Rappelant l’obligation de neutralité inscrite dans le cahier des charges du service public de l’audiovisuel, elle l’informe qu’elle saisit la direction de France Culture, la présidence de Radio France et du Conseil supérieur de l’audiovisuel, afin de leur faire part de sa vive réprobation et de leur demander quelle solution ils comptent mettre en œuvre, permettant de respecter les libertés et sensibilités de chacun et d’éviter que des faits similaires ne se reproduisent à l’avenir.


Réponse du Ministère de la culture publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 38 S (Q), 27 septembre 2018, pp. 4906-4907.

Françoise Nyssen (© D.R.)

Françoise Nyssen (© D.R.)

La liberté d’expression et de communication, proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés. C’est notamment afin de garantir ce principe que le législateur a posé le principe de la liberté de communication audiovisuelle à l’article 1er de la loi nº 86-1067 du 30 septembre 1986 qui dispose que son exercice ne peut être limité que par des motifs prévus par la loi. La loi précise par ailleurs qu’il revient au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), autorité publique indépendante, le soin de garantir l’exercice de cette liberté et de s’assurer que les éditeurs de services respectent les principes énoncés par la loi. Le CSA dispose à cette fin d’un pouvoir de sanction en cas de non-respect des dispositions de la loi du 30 septembre 1986. Ainsi, les éditeurs de services, publics comme privés, sont libres de diffuser les programmes qu’ils souhaitent dans les limites qui viennent d’être rappelées et qui sont contrôlées et sanctionnées par l’instance de régulation indépendante. Le cahier des missions et des charges de Radio France précise, dans son article 5-1, que la société « participe aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations. Elle prend en compte, dans la représentation à l’antenne, la diversité des origines et des cultures de la communauté nationale. Elle veille à ce que ses programmes donnent une image la plus réaliste possible de la société française dans toute sa diversité. Elle accorde également une attention particulière au traitement à l’antenne des différentes composantes de la population. De façon générale, elle promeut les valeurs d’une culture et d’un civisme partagés ». L’article 18 du cahier des charges précise également que Radio France « programme et fait diffuser le dimanche matin des émissions à caractère religieux, consacrées aux principaux cultes pratiqués en France. Ces émissions, réalisées sous la responsabilité des représentants désignés par les hiérarchies respectives de ces cultes, se présentent sous la forme de cérémonies cultuelles ou de commentaires religieux ». La retransmission de l’homélie de l’archevêque d’Avignon sur France Culture du 15 juillet 2018 a suscité beaucoup d’émotion. Les propos tenus à l’égard des personnes homosexuelles, bisexuelles et transgenres, au sujet de la pratique de l’interruption volontaire de grossesse et à propos de l’entrée au Panthéon de Madame Simone Veil ont été vivement critiqués et jugés choquants. C’est pourquoi, le 24 juillet 2018, France Culture a tenu à répondre aux questions soulevées par le public, rappelant que Radio France retransmet des cérémonies cultuelles en direct sans détenir de pouvoir éditorial sur ces programmes. La directrice de France Culture a par ailleurs saisi la Conférence des évêques de France pour que cette situation ne puisse pas se reproduire. La lutte contre les discriminations étant une des missions essentielles que la loi du 30 septembre 1986 a confiées au CSA, de nombreux signalements lui ont été transmis suite à la diffusion de ce programme. Au titre du respect du principe d’indépendance éditoriale des sociétés nationales de programme, c’est à lui, et non au Gouvernement qu’il incombe d’apprécier si ces faits constituent un manquement aux obligations légales et réglementaires auxquelles Radio France est soumise.


Jérôme Rousse-Lacordaire, producteur, répond aux questions de Vincent Lemerre, délégué aux programmes, à l’antenne de France Culture le mardi 24 juillet à 12 h 45.


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