Le Conseil d’État a rendu aujourd’hui une décision qui met un terme à quatre ans de contentieux autour du refus du Conseil économique, social et environnemental de rendre un avis sur le projet de loi d’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Le principal intérêt de cette décision est de mettre en évidence, une fois de plus, la totale inutilité d’une institution pourtant censée représenter la société civile.
Rappelons les faits. En plein débat parlementaire sur le projet de loi d’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, La Manif Pour Tous avait lancé une pétition citoyenne dont Philippe Brillault, maire du Chesnay et porte-parole de La Manif Pour Tous, était mandataire.
Cette pétition citoyenne appelait le Conseil économique, social et environnemental à rendre un avis sur le projet de loi. À cette fin, la pétition devait réunir, d’après la loi organique nº 2010-704 du 28 juin 2010, 500 000 signatures. Elle en rassembla 694 428 en trois semaines, comptées par huissier, qui furent déposées le 15 février 2013 au Conseil économique, social et environnemental.
Par une délibération du 26 février suivant, le bureau du Conseil économique, social et environnemental déclara que la pétition, bien que remplissant les conditions de forme et de nombre, était irrecevable, au motif que la saisine de l’institution pour avis sur un projet de loi relevait exclusivement du Premier ministre et ne pouvait donc être autorisée par voie de pétition.
Suite à cette décision, un recours fut déposé par le mandataire de la pétition, Philippe Brillault, afin d’obtenir l’annulation du rejet des 700 000 signatures de la pétition et la rendre recevable par le Conseil économique, social et environnemental. Le tribunal administratif de Paris donna raison à Philippe Brillault le 30 juin 2014 et annula la décision du bureau du Conseil économique, social et environnemental. Mais, le 6 juin 2016, la cour administrative d’appel de Paris jugea que la décision du bureau du Conseil économique, social et environnemental n’était pas un acte administratif susceptible de recours.
Saisi d’un pourvoi par Philippe Brillault, le Conseil d’État a infirmé aujourd’hui la solution de la cour administrative d’appel de Paris :
« La décision par laquelle le bureau du CESE statue, en application des dispositions citées ci-dessus, sur la recevabilité d’une pétition dont le Conseil est saisi sur le fondement du troisième alinéa de l’article 69 de la Constitution, en vérifiant si les conditions posées par l’article 4-1 de l’ordonnance organique du 28 juin 2010 sont remplies, a le caractère d’une décision administrative susceptible d’un recours pour excès de pouvoir. »
Le recours de Philippe Brillault est cependant rejeté car, s’appuyant sur les travaux préparatoires de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Conseil d’État a aussi considéré que :
« Si le CESE peut être régulièrement saisi par voie de pétition d’une question à caractère économique, social ou environnemental alors même qu’un projet de loi qui n’est pas sans lien avec celle-ci est soumis au Parlement, il ne peut être saisi aux fins de donner un avis sur un projet de loi que par le Gouvernement. »
- Références
- Conseil d’État
10e/9e chambres réunies
Lecture du 15 décembre 2017
Décision nº 402259
Délibération du 26 février 2013 archivée au format PDF (221 Ko, 2 p.).
Décision du 30 juin 2014 archivée au format PDF (32 Ko, 6 p.).
Décision du 6 juin 2016 archivée au format PDF (52 Ko, 8 p.).
Décision du 15 décembre 2017 archivée au format PDF (42 Ko, 5 p.).
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Je trouve effarant que la seule justification du Conseil d’État soit la simple mention : article 69 de la Constitution et travaux préparatoires d’une loi. Tout de même, un peu de sérieux ! Comment cette institution peut-elle ne pas dire aux citoyens en quoi précisément ces textes (surtout ces fameux « travaux préparatoires » !) justifient-ils le rejet de 700 000 pétitionnaires ?