Une décision écossaise en faveur de la coparentalité

Scottish Courts and Tribunals

En refusant aujourd’hui d’autoriser une mère à déménager avec son fils en Angleterre alors que le père écossais s’y opposait, la Court of Session d’Écosse a rendu une décision très intéressante, qui ne peut que contribuer à nourrir la réflexion de celles et ceux qui s’intéressent au traitement judiciaire des affaires familiales.

La juge Morag Wise a en effet formulé des observations telles qu’on aimerait en lire plus souvent. C’est notamment avec beaucoup de pertinence qu’elle a expliqué pourquoi elle refusait de fixer la résidence de l’enfant chez la mère :

« [85] The [mother] seeks a Residence Order providing that [the child] live with her. I have already commented that she seems to misunderstand the nature of such an order. It would not give her the right to take important decisions about [the child]’s care and upbringing, including his education, without reference to the [father]. […] There are good reasons for not making a Residence Order in this case. The absence of a Residence Order will send a signal to the [mother] that neither party has ultimate authority over this child. [The child] is not a prize to be won or lost in this contest. He is a little boy with two parents whose ongoing involvement in his life he has come to expect insofar as a 2 year old child has any expectations. »

La juge Morag Wise a manifestement parfaitement compris que les notions de « parent résident » et « parent non résident » [« residence » et « contact » dans le Children (Scotland) Act 1995] renvoient à une différence radicale de statut, que perçoivent immédiatement les parents eux-mêmes, leurs enfants, leurs familles, leurs amis et toutes les institutions.

Il est pour nous évident que toute réforme sérieuse du droit de la famille doit d’abord et avant tout abroger cette distinction aussi dangereuse qu’inutile, et affirmer clairement que les parents qui se séparent doivent considérer que leur responsabilité commune vis-à-vis de leurs enfants est bien plus importante que l’animosité personnelle qu’ils peuvent ressentir.

Un autre aspect de cette décision mérite l’attention : l’actuel processus contradictoire n’est peut-être pas le plus adapté pour trancher les conflits familiaux. En l’espèce, et compte tenu des particularités du droit d’outre-Manche, ce processus a duré six jours devant la Court of Session, durant lesquels les deux parents et un grand nombre de témoins ont produit des affidavits et témoignages sous serment, dont certains ont été ensuite estimés inexacts et inutiles. Si de telles audiences permettent d’examiner la solidité des arguments des parties, elles contribuent aussi à aviver leur hostilité et envenimer le conflit, en creusant par exemple un important fossé entre les deux familles. Après que les juges aient tranché et que les avocats aient refermé leurs dossiers, il convient de ne pas oublier que les parents vont devoir continuer de collaborer pendant encore de nombreuses années pour élever leurs enfants ; ils seraient ainsi grandement aidés si les grands-parents maternels et paternels pouvaient faire partie de la solution et non du problème, comme dans cette affaire.

En Écosse et ailleurs, de nombreuses réflexions sont menées sur l’opportunité de traiter les affaires familiales dans le cadre d’une procédure inquisitoire, où c’est le juge qui détermine les éléments de preuve qui lui sont nécessaires, évitant donc tout ce qui n’aura aucune incidence sur sa décision mais qui pourrait intensifier l’antagonisme des parties, et mène les interrogatoires appropriés. Outre qu’elle raccourcit les procédures et en diminue donc le coût, cette approche met l’accent sur la résolution du différend et ce que les parents peuvent faire pour le bien-être de leurs enfants, au lieu de les dresser l’un contre l’autre, chacun essayant alors de vaincre un adversaire.

C’est ainsi qu’en Oregon est expérimenté l’Informal Domestic Relations Trial, où la prise de décision est effectuée dans le cadre d’une procédure inquisitoire. Il a déjà été constaté que cette expérience suscitait l’approbation des parties, que les procédures étaient effectivement considérablement raccourcies et que les décisions étaient rendues rapidement, généralement le jour même de l’audience.

Références
Court of Session (Écosse)
Outer House
6 avril 2017
Arrêt [2017] CSOH 60

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Un commentaire

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  1. Michel O. WILLEKENS

    Bonjour, le but du système inquisitoire est de chercher à tout prix un coupable, ce qui peut nuire aux droits de la défense. En outre, pouvant induire des erreurs, cette procédure conduit à une instruction et à des procès interminables.
    Nous proposons la déjudiciarisation des matières  »séparations & divorces » par une bonne pratique de résolution des conflits, selon le  »Modèle de coopération ordonnée 1993, de Cochem (Modèle de Cochem » résolvant les conflits à 95 % et permettant d’atteindre 100 % de résidence alternée
    (CDDP 1994)

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