Ce tout nouveau texte peut paraître séduisant au néophyte. Or, dans cette proposition de loi relative à l’autorité parentale et l’intérêt de l’enfant, le point qui a fondamentalement le plus changé se trouve dans l’article 7 (chapitre I), que voici :
« L’article 373-2-9 du [code civil] est ainsi modifié :
« 1° Les trois premiers alinéas sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« “En application des articles 373-2-7 et 373-2-8, la résidence de l’enfant est fixée au domicile de chacun des parents, selon les modalités de fréquence et de durée déterminées d’un commun accord entre les parents ou, à défaut, par le juge.
« “À titre exceptionnel, le juge peut fixer la résidence de l’enfant au domicile de l’un des parents. Dans ce cas, il statue sur les modalités du droit de visite de l’autre parent. Si les circonstances l’exigent, ce droit de visite peut être exercé dans un espace de rencontre qu’il désigne.” ;
« 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« “Ces différentes modalités peuvent être ordonnées par le juge à titre provisoire pour une durée qu’il détermine. Au terme de celle-ci, il statue définitivement.” »
Rappelons ce que disait l’article 373-2-9 de la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale :
« En application des deux articles précédents, la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.
« À la demande de l’un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée. Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un des deux. »
En clair, le législateur supprime purement et simplement le mot « alternance » du code civil.
Il a sans doute estimé que ceux qui ont fait passer la loi de mars 2002 (sous le gouvernement socialiste de Lionel Jospin et juste avant le basculement à droite) sont allés trop loin dans la reconnaissance d’une certaine égalité des droits des parents mais surtout des enfants.
Il faut dire qu’en ce moment, les débats font rage entre les partisans de la stricte égalité (on y trouve les parents « perchés ») et ceux et celles qui prônent la liberté des individus, aussi bien chez les mères qui veulent « refaire leur vie » sans avoir de contrainte avec le géniteur revendicateur que chez les pères qui, au contraire, veulent reconstruire une nouvelle famille et se satisfont du paiement de la pension alimentaire pour leurs enfants nés des unions précédentes, considérant ainsi qu’ils assument leur part de responsabilité parentale.
Cette notion de résidence en alternance qui était en 2002 présentée comme voulant mettre un terme au principe de la fixation de la résidence principale de l’enfant, entraînant de facto un parent principal et un parent secondaire, va de pair avec une organisation pratique de prise en charge égalitaire des enfants par chacun des parents, autrement dit une organisation matérielle et financière basée sur l’équilibre de l’enfant et une bonne entente entre les parents.
La proposition de loi relative à l’autorité parentale et l’intérêt de l’enfant replace le juge aux affaires familiales au cœur du dispositif de décision sur l’organisation de la prise en charge des enfants. Ainsi, même s’il est admis que l’enfant a deux résidences, le juge pourra très bien décider en dix-huit minutes (temps moyen passé par dossier) qu’il ira a minima chez l’un des parents, c’est-à-dire continuer à fixer le désormais classique et quasi rituel « weekend sur deux et la moitié des vacances ».
Nous avons même vu lors des débats des juristes déclarer que le simple fait pour l’enfant d’aller un peu chez un parent constitue déjà une alternance des domiciles !
Par ailleurs, la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale avait placé juste après l’article qui portait reconnaissance de la résidence en alternance, l’article 373-2-10 qui devait inciter les juges à rechercher les accords parentaux. Rappel :
« En cas de désaccord, le juge s’efforce de concilier les parties.
« À l’effet de faciliter la recherche par les parents d’un exercice consensuel de l’autorité parentale, le juge peut leur proposer une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder.
Il peut leur enjoindre de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de cette mesure. »
La proposition de loi relègue la médiation familiale au chapitre III, article 16, c’est-à-dire presqu’à la fin du texte. La nouvelle formulation n’a pas plus de caractère incitatif, tant pour le juge que pour les parents. Le juge peut la proposer ou ne jamais le faire : cela se voit dans leurs décisions. On reste donc dans le risque de partialité la plus totale.
Toutes les expérimentations qui ont été tentées pour rendre cette médiation un peu plus systématique ne transparaissent pas dans ce texte. Un parent est totalement libre de refuser la médiation sans avoir à se justifier même si l’autre la réclame à cor et à cri !
Il ne reste donc plus qu’à tenter de convaincre les sénateurs de corriger le texte qui comporte quand même quelques petites avancées, si tant est qu’elles puissent être réellement appliquées dans les faits. Le basculement à droite du Sénat contribuera-t-il à enfin rétablir la paix dans les familles séparées, au plus grand bonheur des enfants ?