Pour une vraie égalité hommes/femmes, en politique et dans la famille (Martine Valot-Forest)

Valot-Forest (Martine), « Pour une vraie égalité hommes/femmes, en politique et dans la famille », allocution prononcée à Paris le 14 juin 1997, lors du colloque organisé dans le cadre du sixième congrès SOS PAPA. Martine Valot-Forest est avocate et écrivain.

Me Martine Valot-Forest (avocat), Évelyne Sullerot (sociologue) et Denise Cacheux (ancienne députée), au sixième congrès de SOS PAPA, Paris, 14 juin 1997 (© SOS PAPA)

Me Martine Valot-Forest (avocat), Évelyne Sullerot (sociologue) et Denise Cacheux (ancienne députée), au sixième congrès de SOS PAPA, Paris, 14 juin 1997 (© SOS PAPA)

 

Après les interventions brillantes des deux précédents orateurs, je voudrais, moi, donner un point de vue un petit peu judiciaire. Je pense que c’est ce que vous attendez.

Quand on parle d’égalité, on se dit qu’on part de la puissance paternelle, donc de l’homme fort. Très naturellement, la femme a revendiqué l’égalité des droits ; c’était la justification du féminisme. La loi de 1970 a donc effacé la puissance paternelle au profit de l’autorité parentale, puis la loi de 1985 a instauré l’égalité des épouses dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs, puis la loi de 1987 a instauré l’autorité parentale conjointe, et enfin la loi de 1993, dont on vous a parlé, et qui est particulièrement importante, a donc fixé l’autorité parentale et son exercice en commun par les deux parents mariés pendant le mariage et après sa dissolution.

On parle donc de l’émergence de l’égalité pour la femme, mais on se rend compte que, dès la première dissension, c’est le matriarcat qui, tout de suite, à nouveau triomphe. Je ne vais pas revenir à l’empire romain et à Napoléon, mais, en fait, c’est toujours la femme, présentée comme une victime, qui est restée au foyer, veillant sur le quotidien et sur les enfants. C’est vrai que le père a pu avoir le droit de faire incarcérer ses enfants, il a eu le droit de correction, etc., mais il faut tout de même bien comprendre que la femme, la mère, a toujours assuré au quotidien sa propre toute-puissance.

Donc, je dis que la femme a eu tout à fait raison de se battre pour acquérir sa place dans la société, dans le droit du travail, ça c’est certain, mais elle a toujours eu la toute-puissance sur le plan du droit de la famille. C’est d’ailleurs tellement vrai que vous parlez, nous parlons, de combat. Puisque on part de loin, de la puissance paternelle, on devrait donc arriver à un nivelage, mais c’est le combat des pères ! C’est donc que nous sommes dans une sous-estimation par rapport à la réelle autorité de la mère sur les enfants. C’est cela l’enjeu, et lorsque nous nous trouvons dans le cas de la rupture, dans la famille naturelle ou dans la famille légitime, eh bien ! le matriarcat triomphe.

Mme Cacheux a très justement parlé du fait que les magistrats ne sanctionnaient pas suffisamment la non présentation d’enfants. S’il ne faut pas légiférer à nouveau pour faire en sorte que les enfants aient accès à leurs deux parents, il faut sanctionner des comportements qui sont terriblement traumatisants pour les enfants. C’est-à-dire qu’ils vont être privés injustement de l’autre parent, en dépit de décisions judiciaires. J’en ai souvent discuté avec des magistrats, qui sont d’ailleurs d’accord : je pense qu’il faudrait peut-être instaurer des astreintes. Voilà une chose qui devrait être beaucoup plus mise en œuvre : une astreinte, on peut dire de 1000, 2000 ou 3000 francs par jour, pour le parent qui se rend coupable de non présentation d’enfant.

Le parent qui est digne de se voir fixer la résidence de l’enfant chez lui, c’est celui qui est garant de la représentation à l’autre, celui qui permet que l’image de l’autre ne soit pas anéantie. C’est le minimum qu’on puisse demander à un parent « gardien ».

Je combats de la même façon le parent qui ne paye pas la pension alimentaire, bien évidement, mais on voit que les sanctions ne sont pas les mêmes sur le plan judiciaire. Mme Cacheux a d’ailleurs posé la question : pourquoi les pères ne payent-ils pas la pension alimentaire ? Moi, à mon cabinet, vu le nombre de procédures que le père doit multiplier pour faire valoir ses droits, je comprends qu’un père, à un moment, baisse les bras et dise : « Ce n’est plus possible, encore cette échéance judiciaire et puis j’arrête. » Ce n’est pas un mauvais père, c’est un père qui n’en peut plus, c’est un père qui est épuisé, financièrement, psychologiquement, au plus profond de lui-même.

Comment ne pas pouvoir être père au quotidien, pourquoi ne pas pouvoir téléphoner à son enfant, ne pas aller le voir à la sortie de l’école ? Ce sera une journée et demie tous les quinze jours ! La semaine dernière, j’étais devant un magistrat qui m’a très agréablement surprise, je dois vous le dire. Je défendais un père naturel, et la mère était en face, avec son avocat. J’ai eu un discours très raisonnable ; encore une fois, on n’a pas un couteau entre les dents, il ne s’agit pas effectivement de faire la guerre des sexes. Ce n’est absolument pas cela l’enjeu. Il s’agit de faire comprendre au magistrat que l’enfant a droit à ses deux parents, et j’ai posé la question au magistrat : croyez-vous qu’une journée et demie tous les quinze jours soit réellement suffisant pour tisser les liens ?

On vous a dit que c’est surtout au moment de l’adolescence qu’il faut le faire, surtout pour le garçon qui a besoin de son identification. Mais à l’adolescence, je dirais que les carottes sont cuites, si vous me permettez cette expression triviale. C’est dès la plus jeune enfance que l’on doit accorder la résidence des enfants chez le père, ou le plus large droit de visite, car, à l’adolescence, les dés sont déjà jetés. Si un garçon de quinze ans a été élevé hors de la présence de son père, voire sans relation normale avec son père, quel dialogue, quelle relation peut-il y avoir entre eux ? C’est à ce moment-là qu’il a besoin de cette référence, mais on ne peut pas tout recréer à l’adolescence.

C’est notre discours à nous, les avocats du collectif SOS PAPA, et j’espère qu’un certain nombre de mes confrères vont maintenant aussi un peu évoluer, parce que les JAF évoluent aussi. C’est le constat positif que j’ai fait.

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