Article rétrospectif, daté par commodité du 3 février 1969
La petite commune de Cestas (Gironde) connaît la première prise d’otages médiatisée de France. Ce lundi 3 février 1969, André Fourquet, un conducteur de travaux divorcé de trente-huit ans, se barricade dans sa ferme du Sayet, au lieu-dit Gazinet, avec ses trois enfants, Francis, Aline et Chantal, âgés respectivement de onze, treize et quatorze ans. Il refuse la décision de justice qui confie la garde de ses enfants à leur mère.
Marié le 31 octobre 1954 avec Micheline Berton, André Fourquet souffrit de l’inconduite de sa femme. En 1966, une procédure en divorce fut engagée par Micheline Fourquet, qui partit à à Saint-Jean-de-Luz avec leurs trois enfants.
En octobre 1967, une ordonnance confia la garde provisoire de ces derniers à des institutions religieuses. Leur père les y enleva et se barricada dans sa ferme. Menaçant les gendarmes de son fusil, il refusa de rendre les enfants si sa femme ne regagnait pas le domicile conjugal. Après quinze jours de patience, le commandant de gendarmerie François Cardeilhac réussit à lui faire entendre raison. Cette première tentative lui valut six mois de prison ferme, qu’il purgea jusqu’au bout.
Pendant son incarcération, en mars 1968, le divorce fut prononcé à ses torts et la garde des enfants confiée à la mère. Le père n’eut le droit de les voir que deux fois par mois, du samedi 19 heures au dimanche 19 heures. André Fourquet en fut traumatisé : « C’est une injustice. Ma femme se conduit mal et c’est à elle que l’on confie les enfants ! »
Le samedi 1er février 1969, André Fourquet part chercher ses trois enfants, dans le cadre de son droit de visite et d’hébergement, et refuse de les rendre le lundi suivant.
Dans la nuit du lundi 3 au mardi 4 février, Chantal, l’aînée des trois enfants, quitte la ferme. En six heures de marche, elle parcourt la vingtaine de kilomètres la séparant de Bordeaux où elle rejoint sa mère, qui alerte la gendarmerie.
Pendant une semaine, les gendarmes, le maire de Cestas, Alphonse Lafont, et le curé de la paroisse, l’abbé Étienne Damoran, mettent tout en œuvre pour apaiser André Fourquet. Mais ce dernier ne cesse de répéter : « Que ma femme vienne et je rendrai les enfants. »
Avec sa carabine 22 long rifle équipée d’une lunette de visée, il tire sur tout ce qui bouge : des chasseurs, son voisin, et même une vache.
Le matin du mardi 11 février, André Fourquet réclame une infirmière parce que la petite Aline a de la fièvre. Les autorités rejettent sa demande, de crainte de lui livrer un otage supplémentaire.
Aux environs de midi, l’un des deux gendarmes qui montent la garde à 150 mètres de la maison de Fourquet, hors de la portée ordinaire des munitions utilisées par l’assiégé, se met à découvert. Une détonation retentit : Jean-Lucien Carratala est mortellement blessé d’une balle en plein cœur. Âgé de quarante-cinq ans, originaire de Sète, célibataire, il était en garnison depuis octobre à Bordeaux, où il servait au sein de l’escadron 10/11 du 11e groupement de gendarmerie mobile. Sa corpulence l’avait empêché de fermer complètement son gilet pare-balles ; la balle entre dans l’échancrure, juste au-dessus de la fermeture éclair. Une autre balle perfore le vêtement d’un deuxième gendarme. Jean-Lucien Carratala mourra dans l’ambulance qui le conduisait à l’hôpital militaire Robert Picqué, à la périphérie de Bordeaux.
Le dernier acte du drame a désormais commencé.
Le commandant François Cardeilhac alerte ses supérieurs et demande du renfort. On lui envoie une automitrailleuse, deux half-tracks, quelques dizaines de gendarmes supplémentaires et des pompiers avec leur matériel. La ferme est mise en état de siège. Un poste de commandement est installé dans une autre ferme distante d’à peu près 600 mètres ; une saignée pratiquée dans les bois pour faire passer une ligne électrique permet une vue directe entre les deux maisons.
Dans l’après-midi, André Fourquet réclame à nouveau un médecin pour sa fille. En guise de réponse, une tentative d’assaut est faite. Des grenades lacrymogènes et fumigènes sont lancées, mais André Fourquet réplique avec la phrase qui sera son arme principale pendant une semaine : « N’approchez pas, ou je tue les enfants ! »
Les gendarmes se replient alors à 300 mètres environ de la maison, laissant André Fourquet et ses enfants isolés, sans électricité.
Après une semaine supplémentaire de négociations, les forces de l’ordre donneront l’assaut le lundi 17 février au matin : André Fourquet se donnera la mort après avoir tué ses deux plus jeunes enfants.
Lors des funérailles, la mère des enfants, Micheline Berton ex-Fourquet, sera prise à partie et manquera d’être lynchée par une partie de la population qui la tenait pour responsable du drame car elle n’avait pas voulu revoir son ex-mari comme celui-ci le demandait lors du siège.
Le dernier film du réalisateur Robert Enrico, Fait d’hiver, s’inspirera directement de cette affaire. La fille ainée, Chantal Fourquet, seule survivante, essaiera de le faire interdire.
Avertissement : il doit être bien clair que la relation du drame de Cestas donnée sur ce site n’a nullement pour objet de cautionner les actes désespérés d’André Fourquet, et encore moins d’encourager quiconque à faire de même. Un homme qui tue ses propres enfants est un assassin ; un homme qui se suicide est un lâche. Nous entendons seulement ici dénoncer un dysfonctionnement caractéristique du système judiciaire et attirer l’attention de nos lecteurs sur le sort des enfants injustement privés de leur pères et des pères injustement privés de leurs enfants.
Les femmes avaient pratiquement toujours la garde des enfants et ainsi avaient une arme de vengeance et de menaces en détournant les enfants de l’amour paternel. Situation insupportable pour les pères victimes d’une violence morale rarement considérée à sa juste mesure. J’ai moi-même souffert de cette violence et j’en souffre encore 25 ans après. La loi a-t-elle changé pour éviter ce genre de drame ???