Et si la propagande néo-féministe que nous suivons tous les jours dans nos rapports avec l’autre sexe, dans l’éducation des enfants, était dépassée ?
Avec le néolithique, le patriarcat s’impose en justifiant ses pouvoirs par une origine divine. Il faut attendre le XVe siècle pour voir son idéologie contestée quand, avec les crises, les erreurs de l’Église et les découvertes, les protestants ne croient plus que les autorités masculines sur terre puissent venir de Dieu et, dans la mesure où il est possible qu’elles se trompent, elles deviennent sujettes à la critique. Et elles vont l’être de plus en plus, par les Humanistes, par les Lumières, par la Révolution, par les mouvements libéraux puis démocratiques, puis féministes.
Les années 1960-1970 contestent tout ce qui reste de l’idéologie patriarcale : le père, la famille, le couple, l’amour. Cette « révolte contre le père » atteint tous les domaines, et les revendications des « soixante-huitards » vont pratiquement toutes aboutir dans les années qui suivent : l’autorité parentale, l’interruption volontaire de grossesse, l’égalité salariale, la lutte contre le racisme, le sexisme, l’homophobie… sont inscrites dans la loi. L’idéologie du patriarcat n’est plus dominante, même si le patriarcat n’est pas totalement mort en 1968. Et parce qu’il est, malgré tout, encore trop présent, des féministes continuent la lutte, soit pour faire mieux respecter les nouvelles lois, et il est vrai qu’il y a là un énorme travail encore à faire, soit pour réclamer plus d’égalité. Et c’est ainsi qu’en cinquante ans les nouvelles conquêtes ont considérablement bouleversé la société, en étant maintenant acceptées par le plus grand nombre. Même si quelques recours peuvent paraître extrêmes et agacer certains, il ne peut être en effet question de s’opposer à ce qui apparaît comme une évolution normale vers le progrès. Qui aujourd’hui se prononcerait contre l’égalité femmes-hommes, contre la parité, contre le mariage pour tous, contre l’autorité parentale telle qu’elle est pratiquée dans les familles modernes ? Peu de personnes comprendraient que l’on puisse être contre, quand on défend la démocratie. Mais est-on toujours bien conscient que l’on ne suit plus alors la vision du monde féministe mais une nouvelle idéologie que l’on peut appeler « néo-féministe » ?
Il y a en effet une distinction à faire entre la vision du monde féministe et l’idéologie néo-féministe qui, sur de nombreux points, dérive. Il y a déjà dérive quand une vision du monde, en se radicalisant, devient persuadée de détenir la vérité et ne tolère plus aucune critique. Les exemples ne manquent pas pour pouvoir qualifier de totalitaires des comportements de ces néo-féministes. Il y a aussi deux autres dérives sur le fond. La première consiste à confondre la liberté et la toute-puissance et la deuxième l’égalité en dignité et en droits, inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et dans notre Constitution, et un droit à l’égalité qui n’existe pas et ne peut exister. On pourrait rétorquer que réclamer l’égalité est simplement un raccourci commode. Il est vrai que le langage courant autorise ces contractions, mais lorsque l’on réclame la parité et qu’on invoque le sexisme quand dans une assemblée, dans un métier, il n’y a pas 50 % de femmes et 50 % d’hommes, n’est-ce pas parce que l’on pense que les femmes seraient semblables aux hommes et donc devraient avoir les mêmes motivations, les mêmes comportements, les mêmes résultats ? De même, quand le mariage pour tous (qui sous-entend l’adoption pour tous d’enfants de moins de six ans) et la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes deviennent la loi, n’est-ce pas parce que l’on considère qu’une femme est égale à un homme et donc que l’une peut se passer de l’autre pour élever un petit enfant, et même que l’une peut remplacer l’autre ? N’est-ce pas d’ailleurs contradictoire de réclamer la parité parfaite dans tous les domaines et de la refuser dans le couple parental en institutionnalisant l’inutilité des pères dans l’éducation des enfants ? Que diraient les néo-féministes si on revenait en arrière et considérait que la présence des femmes en politique était inutile ?
L’idéologie néo-féministe se trompe. Les gender studies ont, certes, fait énormément progresser la démocratie en montrant l’importance de la construction sociale et en ridiculisant les « théories naturalistes », mais ces études, peut-être grisées par leur succès, ne veulent plus seulement montrer ce qui dans les inégalités femmes-hommes provient de la construction sociale, mais que toutes les inégalités ont pour origine la construction sociale, et ce postulat est pris par les néo-féministes, quoiqu’ils s’en défendent, pour une théorie. Il n’y a pourtant pas de « théorie du genre » puisque, non seulement ce postulat ne s’appuie sur aucune preuve, mais, au contraire, s’il y en a, c’est pour montrer qu’il est faux ! Et il est faux parce que des études récentes montrent que des différences biologiques entraînent aussi des motivations et des comportements différents. Ce sont notamment les études sur les hormones (surtout testostérone et ocytocine) qui peuvent être présentes chez l’homme et chez la femme, mais pas du tout dans les mêmes proportions. Il est donc faux de dire que les différences ne viennent que de la construction sociale et que, sans ces « injustices », il y aurait égalité totale.
D’autres divergences apparaissent entre le postulat des néo-féministes et celui avancé par des psychologues. Les néo-féministes sont très réticents quand il s’agit d’évoquer l’inconscient, alors que la base de leur idéologie est la construction sociale, qui ne peut être efficace que si elle reste inconsciente. Offrir un camion ou une poupée à un petit enfant a une importance, mais, s’il faudrait être de mauvaise foi pour contester cette influence, ne faut-il pas l’être tout autant pour dénier que le fait de naître avec un corps féminin, conçu pour mettre des enfants au monde, d’une personne du même sexe ou avec un corps masculin, d’une personne de l’autre sexe, puisse en avoir au moins autant ?
L’idéologie néo-féministe qui dénie la différence des sexes refuse ainsi l’idée, admise par la plupart des psychologues, que les petits enfants perçoivent leur maman comme une divinité toute-puissante. Il est vrai que personne ne peut le prouver. Mais si ce postulat est juste, la petite fille, du même sexe que sa maman, peut se sentir potentiellement comme elle, alors que le petit garçon doit renoncer à cette toute-puissance qu’il croyait aussi détenir avant de découvrir qu’il n’est pas du même sexe. Ceci n’est qu’un postulat mais, dans de multiples situations, il semble fonctionner et peut lui aussi expliquer les réactions différentes des petites filles et des petits garçons, et même celles des femmes et des hommes, puisque l’inconscient persiste chez l’adulte. Il est même probable que la construction sociale n’aurait jamais pu aussi bien fonctionner pendant des millénaires, et partout dans le monde, si elle ne s’était pas appuyée sur cette structuration différente du psychisme.
Dénier la différence des sexes, comme l’idéologie néo-féministe s’y emploie actuellement, empêche de la gérer. Et quand on croit que les deux sexes sont identiques, et donc qu’ils doivent réagir pareillement, il ne faut pas s’étonner que les problèmes de pouvoir, de tenue vestimentaire, de jalousie, de violence, d’éducation des enfants, d’enseignement à l’école, de société en général, deviennent incontrôlables…