Brisson (Max), question écrite nº 1440 au ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse sur la disparition programmée des jardins d’enfants [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 28 S (Q), 14 juillet 2022, pp. 3591-3592].
M. Max Brisson appelle l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse à propos de la situation délicate dans laquelle se trouve les structures de jardins d’enfants face à leur disparition programmée.
Nés pendant l’entre-deux-guerres dans des quartiers populaires, les jardins d’enfants étaient destinés à accueillir les enfants des familles les plus défavorisées ayant leur entrée à l’école élémentaire à l’âge de la scolarité obligatoire, soit pour l’époque 6 ans.
Les écoles maternelles étant alors peu nombreuses et peu fréquentées par les enfants issus de familles modestes, les jardins d’enfants revêtaient ainsi une dimension sociale, renforcée par la place qu’ils occupaient dans les apprentissages « pré-scolaires » et la préparation des enfants à l’entrée à la « grande école ».
Avec la démocratisation de l’école maternelle et la généralisation de la scolarisation à trois ans (même si elle n’était de fait obligatoire qu’à 6 ans), les jardins d’enfants ont progressivement évolué. Désormais il en existe deux grandes catégories.
D’une part, ceux qui accueillent les enfants âgés de 2 à 4 ans, souvent le fruit d’initiatives municipales, sont destinés aux enfants qui n’ont pas fréquenté de mode d’accueil collectif. Gardés les premières années par un de leurs parents, c’est une façon pour eux de se familiariser à la vie en collectivité avant leur entrée à l’école maternelle. Ce sont plus des jardins d’éveil que des jardins d’enfants, où la socialisation l’emporte sur les apprentissages.
Les jardins d’enfants accueillant les 2-6 ans, assez rares aujourd’hui, sont plutôt le fruit d’initiatives privées associatives sans but lucratif souvent caractérisés par des projets pédagogiques forts et affirmés, leur donnant une identité particulière. Néanmoins, ils suivent le programme de la maternelle et respectent le calendrier scolaire.
Dans les deux cas de figure, les jardins d’enfants n’ont jamais fait de « concurrence » à l’école maternelle et se révèlent être plutôt une bonne option pour préparer à l’entrée en maternelle qui souvent se fait à 3 ans révolus, ou pour accompagner un enfant qui ne se sent pas pleinement épanoui à l’école maternelle et qui nécessite ainsi un suivi et un pédagogisme particulier pour le préparer doucement à l’entrée en école primaire.
Pourtant, malgré le fait qu’ils garantissent mixité sociale, socialisation ou encore inclusion des enfants en situation de handicap, le projet de loi « Pour une école de la confiance », en instaurant l’instruction obligatoire à trois ans, est venu s’opposer frontalement à la conception même des jardins d’enfants et détruire ainsi tout ce qui fait à la fois leur spécificité et leur richesse.
Désireux de les supprimer, une seule concession a été obtenue par les parlementaires investis sur le sujet : l’intégration d’un amendement devenu l’article 4bis donnant deux ans aux jardins d’enfants pour se transformer soit en établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE), soit en école maternelle.
Aussi, alors que ce dispositif porte ses fruits sur les enfants qu’il accueille et est généralement pleinement soutenu par les maires qui en disposent sur leur territoire communal, il interroge le Gouvernement sur sa position à l’égard de la future suppression de ce dispositif.
En outre, il souhaiterait savoir s’il serait favorable à l’ouverture d’une concertation avec les acteurs de terrain – parents, représentants et élus – afin de reconsidérer les termes législatifs disposés dans la loi « Pour une école de la confiance ».
Réponse du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 40 S (Q), 13 octobre 2022, pp. 4960-4961.
L’abaissement de l’instruction obligatoire à trois ans, voulue par le législateur avec la loi nº 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, est une mesure d’égalité des chances pour tous les enfants de la République. Visant l’acquisition progressive des compétences et connaissances nécessaires pour bâtir les savoirs fondamentaux, le programme d’enseignement de l’école maternelle prévoit intrinsèquement la prise en compte des besoins de l’enfant, le développement du plaisir d’apprendre, de la confiance en soi. Ainsi les professeurs des écoles fondent leur pratique pédagogique sur ces enjeux, dans le but d’accompagner tous les enfants dans leur développement et de leur permettre d’acquérir les savoirs et compétences nécessaires pour la suite de leur parcours scolaire. Nonobstant la qualité de l’accueil et des aspects relationnels, notamment grâce à un taux d’encadrement favorable, au sein des jardins d’enfants, aucune enquête en suivi de cohorte ne permet d’établir leur plus-value quant à la préparation à l’acquisition des savoirs fondamentaux que sont lire, écrire, compter et respecter autrui. Si les jardins d’enfants s’inscrivent globalement dans le programme d’enseignement de l’école maternelle dans le cadre du moratoire, les éducateurs de jeunes enfants ne sont pour autant pas des enseignants. Les jardins d’enfants sont implantés dans différents territoires et parfois en politique de la ville, mais les familles qui les fréquentent appartiennent aux catégories socio-économiques plus favorisées que les [sic] celles des autres familles du secteur. Les pratiques éducatives de ces familles offrent davantage d’opportunités d’apprentissages informels, notamment par un rapport au livre plus soutenu et des approches culturelles plus marquées. Ces pratiques sont sources de réussite scolaire potentielle. L’ambition de l’obligation d’instruction à 3 ans dans son objectif de lutte contre les inégalités vise les acquisitions et la réussite de tous les enfants. Le moratoire décidé en 2019 et courant jusqu’à la rentrée 2024, a pour objectif de permettre aux jardins d’enfants d’envisager une transition, voire une transformation afin qu’ils puissent tirer le meilleur parti de leur expérience et leur expertise. De nombreux territoires se sont emparés de cette période en ces sens. Plusieurs réunions ont déjà été organisées avec les ministères chargés de l’éducation nationale et de la santé afin d’accompagner les évolutions nécessaires. Différentes voies de transformation y ont été évoquées : la transformation en établissement d’accueil du jeune enfant (crèche) étant la solution la plus souvent retenue. D’autres possibilités sont à l’étude dans les territoires où la collectivité travaille étroitement avec l’éducation nationale afin d’étudier la possibilité de complexes innovants.
Question archivée au format PDF (112 Ko, 3 p.).