Revue de presse du 8 juillet 2022

Revue de presse





Rendre justice aux citoyensEnviron 50 000 personnes – acteurs et partenaires de la justice, simples citoyens – ont participé aux États généraux de la justice, lancés le 18 octobre 2021 à Poitiers par le président de la République en réponse à la crise de confiance traversée par l’institution judiciaire. 12 608 agents du ministère de la Justice et magistrats, 18 545 citoyens et 7 870 partenaires ont contribué individuellement, environ 2 000 personnes ont participé à 286 ateliers locaux et 50 citoyens ont participé à deux ateliers délibératifs en décembre 2021. Plus d’un million de contributions collectives ou individuelles ont ainsi été déposées pour bâtir la justice de demain. Le comité indépendant chargé de les synthétiser, présidé par Jean-Marc Sauvé – ancien vice-président du Conseil d’État, a enfin remis son rapport à Emmanuel Macron ce matin, après des mois d’attente et de report en raison des échéances électorales du printemps dernier.

De nombreuses propositions ont été émises par les sept groupes de travail thématiques (justice civile, justice de protection, justice économique et sociale, justice pénale, missions et statuts, pilotage des organisations, prison et réinsertion). Le rapport précise que les avis des membres du comité « ont divergé sur des sujets importants, tels que l’unicité du corps, le maintien du juge d’instruction ou la création d’une agence du milieu ouvert » et que les décisions ont été prises à la majorité, les positions respectives figurant dans le rapport (p. 17).

La première partie du rapport est consacrée à la crise majeure que traverse l’institution judiciaire : « état de délabrement avancé », « décennies de dégradation », « point de rupture », accroissement excessif des délais de jugement (les délais de jugement moyens ont été allongés au cours des dernières décennies, atteignant 13,9 mois pour la première instance en 2019, 15,8 mois en appel et jusqu’à 16 mois aux prud’hommes), « incompréhension des justiciables », « découragement des professionnels de justice », « sentiment de “submersion” et d’impuissance », « complexification du droit et des procédures » (p. 18), infrastructures et outils informatiques insuffisants ou obsolètes, recul de la collégialité, exécution tardive des décisions de justice, « politiques publiques défaillantes », « sous-dotation » permanente de l’institution judiciaire (p. 19), multiplication des missions assignées à la justice (p. 20)… Pour remédier à cette situation, le comité appelle à mettre fin aux « rustines » destinées à « colmater des brèches » et à lancer une « réforme systémique » (ibid.) afin de clarifier la mission du juge, la place de l’autorité judiciaire dans la cité et le rôle de la justice dans la société, dans un contexte de défiance généralisée face aux institutions.

Estimant que la déjudiciarisation « a aujourd’hui atteint ses limites » (p. 19), le rapport propose un premier axe de réforme visant à « recentrer le rôle du juge sur ses missions fondamentales en s’interrogeant sur les matières dans lesquelles son intervention n’apporte pas de véritable valeur ajoutée » (p. 20).

« Le comité, qui reste en majorité attaché à l’unité du corps judiciaire propose, pour renforcer l’impartialité dans la nomination et la gestion des magistrats du ministère public, de conférer au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) un pouvoir d’avis conforme sur les propositions de nomination de ces magistrats ainsi que sur les sanctions disciplinaires qui les concernent. […] Il esquisse en parallèle des pistes pour repenser les équilibres dans la composition du CSM et de la commission d’avancement […]. Le comité propose de renforcer le rôle consultatif du CSM […]. Il retient aussi les propositions du CSM sur la responsabilité disciplinaire, la déontologie et la protection des magistrats. » (p. 21)

Le comité propose aussi de supprimer la Cour de justice de la République, « d’aligner sur le droit commun les règles de procédure et de compétence applicables aux membres du Gouvernement » et « d’aménager les règles de fond de [la] responsabilité [pénale des décideurs publics] » (ibid.).

Constatant que « les jugements des tribunaux judiciaires sont de plus en plus contestés » et que « les cours d’appel sont saturées » (ibid.), « le comité estime que la première instance doit être le lieu où la justice est prioritairement rendue » et souhaite « que l’essentiel des efforts à venir soient orientés vers la première instance » (p. 22). Il préconise notamment « le retour de la collégialité » et « la mise en place d’une équipe de collaborateurs autour du juge » (ibid.). Il suggère aussi de revoir « la gestion des ressources humaines » pour « permettre aux magistrats de bâtir des projets de carrière individualisés reposant sur leurs aspirations, leurs compétences et leur expérience » (ibid.). Il estime également que « la mobilité des magistrats expérimentés vers la première instance, partout où existent des besoins avérés, s’impose », et que « la spécialisation de certains magistrats doit être recherchée […], notamment en matière économique » (ibid.).

« Le comité estime qu’il y a lieu recruter au moins 1 500 magistrats supplémentaires (en plus du remplacement des départs à la retraite) au cours des cinq prochaines années. […] Des recrutements latéraux et la définition de nouvelles voies d’accès à la magistrature sont […] nécessaires. » (p. 23)

Il faudrait en outre recruter au moins 2 000 juristes assistants contractuels, 2 500 à 3 000 personnes pour « renforcer les effectifs des greffiers » et au moins 2 000 agents pour « apporter aux juridictions un appui administratif et technique (notamment pour le déploiement, la bonne utilisation et la maintenance des outils numériques) » (ibid.). Le comité suggère aussi « un rattrapage indemnitaire », car « les agents du ministère de la justice sont sensiblement moins bien rémunérés que ceux des autres ministères, alors que les sujétions y sont particulièrement nombreuses » (ibid.). Concernant « la remise à niveau indispensable des infrastructures et des applicatifs », le comité propose de « refonder la maîtrise d’ouvrage des applications informatiques et renforcer la place du numérique au sein du secrétariat général et des directions métiers du ministère » (p. 24).

« Le comité ne préconise pas le regroupement autoritaire des tribunaux judiciaires sur une base départementale ou des cours d’appel au niveau régional, mais il souhaite que se poursuivent des démarches concertées de fusion de juridictions qui laissent subsister tous les sites judiciaires. Il estime en même temps nécessaire de renforcer les pouvoirs budgétaires et de gestion des chefs de cours situées dans les chefs-lieux des régions administratives […] De même, il propose, dans les départements dotés de plusieurs tribunaux judiciaires, de désigner des présidents et des procureurs de la République “chefs de file” […]. » (ibid.)

En matière civile, outre la priorité donnée à la première instance et le retour de la collégialité, le comité préconise « un renforcement de la prise en charge des frais d’avocat par la partie perdante, qui soit en phase avec la réalité des frais engagés, le juge conservant cependant toujours un pouvoir d’appréciation en ce domaine » (p. 25). Il se déclare « favorable au développement des modes alternatifs de règlements des différends », mais estime que ce déploiement « ne saurait être pensé uniquement comme un moyen de limiter les flux entrants » (ibid.). Il invite également « l’institution judiciaire et la profession d’avocat à poursuivre les travaux engagés sur la présentation des écritures et la mise en état des affaires civiles » (ibid.).

« Le comité est attaché à la composition sans échevinage, c’est-à-dire sans juges professionnels, des tribunaux de commerce et des conseils de prud’hommes. Toutefois, en raison des difficultés qui affectent ces deux ordres de juridictions, le comité souscrit aux réformes organisationnelles profondes présentées par le groupe de travail.

« En matière de justice économique, le comité souscrit à la proposition tendant à mettre en place à titre expérimental un tribunal des affaires économiques aux compétences élargies pour l’ensemble des acteurs économiques, quels que soient leurs statuts (professions libérales, agriculteurs…). Il propose d’accroître la participation des parties au financement de la justice à travers l’expérimentation d’une dérogation au principe de gratuité de celle-ci. […]

« En matière prud’homale, le comité souscrit à la proposition de transformation des conseils de prud’hommes en tribunaux du travail, dont la composition paritaire serait préservée, qui seraient rattachés, aux plans administratif, organisationnel et budgétaire, au tribunal judiciaire avec un dialogue de gestion rénové. Il propose de simplifier radicalement l’organisation interne des tribunaux du travail et de faire du ministère de la justice l’unique pilote de leur administration. Pour réduire les délais de jugement, un nouvel équilibre procédural est proposé à travers un renforcement du rôle des greffes dans la mise en état et l’orientation ab initio des affaires soit vers la conciliation, soit vers une audience paritaire, soit vers une audience de départage. » (pp. 25-26)

« Le comité estime que, si, en droit, la répartition des compétences entre les juridictions des mineurs et les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance est pertinente, elle doit être mieux appliquée dans les faits. Il préconise ainsi la généralisation des instances quadripartites mises en place dans certains territoires et leur investissement par l’autorité judiciaire. Le retour de la double habilitation des services de placement, d’aide éducative à domicile et d’action éducative en milieu ouvert est également très souhaitable pour favoriser la sortie du mineur de la sphère judiciaire, chaque fois qu’il cesse d’être dans une situation de danger. » (p. 26)

Quant aux « principales orientations qui doivent guider la réécriture du code de procédure pénale », annoncée par le président de la République le 14 septembre 2021, « le comité estime que le développement du pouvoir de sanction autonome du parquet a atteint ses limites [et que] le parquet est une autorité de direction de l’enquête et de poursuite et doit en priorité le rester » (p. 26). Il estime également que « l’unification des cadres d’enquête (enquête préliminaire et enquête en flagrance) […] ne saurait s’opérer qu’en faveur de l’enquête préliminaire, ce qui aurait un effet contreproductif en matière de simplification », et que « les études d’impact doivent donc être approfondies sur ce sujet » (p. 27). « Le comité recommande de transférer au juge civil l’indemnisation des préjudices complexes, c’est-à-dire ceux que ne peut trancher sur le champ le juge pénal » (ibid.). Il préconise également la « généralisation du statut de témoin assisté et la limitation de la mise en examen au seul cas où le prononcé de mesures coercitives serait envisagé » (ibid.).

Dans sa déclaration de politique générale prononcée le 6 juillet dernier, la Première ministre Élisabeth Borne a reconnu « qu’il fallait des moyens supplémentaires et des méthodes nouvelles ». Une énième nouvelle « loi de programmation pour la Justice » sera proposée, prévoyant notamment le recrutement de « 8 500 magistrats et personnels de justice supplémentaires, pour une justice plus proche, pour réduire les délais et permettre aux juges de se concentrer sur leurs missions fondamentales ». Une période de concertation entre le ministère de la Justice et les professions judiciaires et juridiques doit s’ouvrir à compter du 18 juillet prochain, à l’issue de laquelle l’exécutif décidera des arbitrages à effectuer.

Enfin, il n’est pas inintéressant de relever, comme on pouvait s’y attendre, l’absence des associations prétendant défendre les « droits des pères » dans cette consultation…





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