Détraigne (Yves), question orale nº 1911S au secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles sur l’effacement administratif des enfants défunts [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 44 S (Q), 11 novembre 2021, p. 6276].
M. Yves Détraigne souhaite appeler l’attention de M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles sur la disparition administrative de l’enfant défunt et du statut administratif de ses parents.
En effet, aujourd’hui en France, lorsqu’un enfant décède, l’administration le supprime des formulaires et fichiers administratifs pour lesquels seuls comptent les enfants à charge (caisse d’allocations familiales, sécurité sociale, impôt…) alors qu’il reste « visible » avec la mention « décédé » sur les écrans des agents.
Si cet « effacement » peut être motivé par le fait de ne pas ajouter une peine supplémentaire aux parents concernés, il apparaît toutefois inapproprié – voire irrespectueux – pour beaucoup d’entre eux. Beaucoup de parents demandent, en vain, que l’administration laisse leurs enfants décédés visibles sur les dossiers administratifs et « rétablisse » leur composition familiale. Pour beaucoup, enlever son enfant défunt des dossiers administratifs renforce le sentiment qu’il est effacé, oublié.
Les parents ne veulent donc plus être confrontés à cette « disparition administrative ». Ils demandent aux administrations de créer une ligne administrative sur laquelle figurerait le nom et prénom de l’enfant tout en spécifiant « non à charge » ou « décédé ». Cela permettrait de faire une place à l’enfant défunt et de reconnaître qu’un parent d’un enfant unique décédé a été un parent, en conservant une « trace administrative » de ce vécu.
Considérant cette demande comme très légitime, il lui demande s’il entend œuvrer afin de respecter le souhait des parents et de ne plus « effacer » les enfants décédés sur les dossiers administratifs.
Réponse du secrétariat d’État auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, chargé de l’Enfance et des Familles, lors de la séance publique du 25 janvier 2022.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question nº 1911, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.
M. Yves Détraigne. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interpeller au sujet de la disparition administrative de l’enfant défunt et du statut administratif de ses parents.
En effet, en France, lorsqu’un enfant décède, l’administration le supprime des formulaires administratifs, pour lesquels seuls comptent les enfants à charge, que ce soit pour les caisses d’allocations familiales, pour la sécurité sociale ou pour les impôts, et cela, même si son nom reste visible avec la mention « décédé » sur les écrans des agents.
Cet effacement est inapproprié, voire irrespectueux, pour de nombreux parents, qui souhaitent que l’administration laisse le nom de leur enfant décédé visible sur les dossiers administratifs et rétablisse leur composition familiale.
Il suffirait pour cela de créer une ligne administrative pour faire figurer les nom et prénom de l’enfant tout en spécifiant « non à charge » ou « décédé ». Une place pour l’enfant défunt serait ainsi conservée, et le parent d’un enfant unique décédé serait reconnu comme ayant été un parent.
Alors que la loi nº 2021-1576 du 6 décembre 2021 a accordé aux parents d’un enfant né sans vie le droit de lui donner un nom, ce souhait d’autres pères et mères, eux aussi touchés par le deuil, de ne plus effacer les enfants décédés sur les dossiers administratifs paraît légitime.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, entendez-vous œuvrer contre l’absence de trace administrative de l’enfant défunt et celle de statut administratif de ses parents ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, je suis personnellement très investi sur ce sujet, en tant que secrétaire d’État à l’enfance et aux familles et pour avoir pris part aux discussions avec les organisations syndicales et, surtout, avec les associations de parents, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de votre collègue député Bricout visant à instaurer un congé de deuil parental – l’expression est impropre.
À l’occasion de mes rencontres avec les associations de parents, j’ai pu comprendre ce qui relève en réalité de l’évidence, à savoir que l’on reste parent même après la mort de son enfant. C’est une évidence, et pourtant jamais je n’avais entendu personne la formuler de manière aussi éclatante.
C’est la raison pour laquelle nous avons pris un certain nombre de dispositions pour accompagner les familles endeuillées par le décès d’un enfant, parmi lesquelles l’allongement de ce « congé de deuil » pour lequel il faudrait trouver un autre nom, la création d’une allocation forfaitaire pour toutes les familles, d’un montant de 2 000 euros, qui met fin aux disparités territoriales en fonction des politiques des caisses d’allocations familiales, un meilleur accompagnement psychologique non seulement des parents, mais aussi des fratries, trop souvent oubliées dans ces situations, ou encore la mise en place d’un « parcours décès » visant à améliorer l’accompagnement des familles dans l’ensemble de leurs démarches par les travailleurs sociaux.
L’enjeu se situe également au niveau des entreprises, car les employeurs et les salariés doivent être davantage sensibilisés à ce genre de situations, afin de pouvoir accompagner leurs collègues concernés.
Dans le cadre des discussions que nous avons eues, les familles endeuillées nous ont fait part d’insuffisances dans la prise en compte de leur situation, notamment d’une certaine complexité dans le parcours administratif, par la demande répétée de mêmes informations et de toute sorte de détails dont on ne perçoit pas la violence quand on ne vit pas soi-même ce type de situation.
Monsieur le président, je risque de dépasser le temps de parole sur ce sujet important et je vous prie par avance de m’en excuser.
Avec Amélie de Montchalin, nous avons missionné en mars dernier la direction interministérielle de la transformation publique pour travailler sur les parcours administratifs des parents endeuillés, avec pour objectif d’identifier des points de simplification et d’amélioration. Un plan d’action nous a été présenté en juin 2021. Il appartient désormais aux acteurs concernés – les CAF, mais aussi les services des impôts et l’ensemble des administrations – de le mettre en œuvre.
Un premier point d’étape a été réalisé en octobre dernier, au cours duquel la question [de] la disparation administrative a été évoquée. Les échanges font apparaître la nécessité de pouvoir s’adapter aux situations particulières,…
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, je vais devoir vous interrompre.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je conclus en vous disant que la mention « décédé » sera intégrée dans les choix d’options lors de l’élaboration des formulaires administratifs.
Je me tiens à votre disposition pour poursuivre cet échange, si vous le souhaitez, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour la réplique.
M. Yves Détraigne. Je ne prendrai que quelques secondes pour remercier M. le secrétaire d’État des avancées qui sont en cours.
Mise à jour du 26 janvier 2022
Question archivée [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 12 S (C.R.), 26 janvier 2022, pp. 899-900] au format PDF (3.36 Mo, 3 p.).