Les députés Patrick Vignal et Christophe Castaner ont déposé le 21 décembre 2021 une proposition de loi « pour garantir l’égalité et la liberté dans l’attribution et le choix du nom ». Cette initiative a été rendue publique dès le 19 décembre par le garde des sceaux Éric Dupond-Moretti dans une interview au magazine Elle. Le lendemain, M. Dupont-Moretti a annoncé sur RMC que le texte serait soutenu par le gouvernement et serait débattu sur un temps parlementaire consacré au gouvernement. La discussion en séance publique est prévue pour le 26 janvier.
L’objet de cette proposition de loi est de simplifier et élargir la possibilité de porter les noms accolés de ses deux parents (dans l’ordre que l’on veut) ou bien le nom d’un seul parent.
Concernant le nom d’usage
Depuis 1985, il est possible de porter un nom d’usage composé des noms des deux parents.
La proposition de loi vise à permettre sur simple déclaration d’utiliser seul le nom qui n’a pas été transmis à la naissance. Il ne s’agit donc plus d’une adjonction destinée à rendre visible la double filiation. Il s’agit d’instaurer un principe de substitution, le nom de famille reçu à la naissance étant en quelque sorte effacé dans l’usage.
Cette possibilité de nom d’usage serait ouverte aux personnes majeures, mais aussi aux mineurs sur demande des parents (le consentement de l’enfant de plus de treize ans étant requis).
Concernant le nom de famille en lui-même (celui qui est inscrit à l’état civil)
Depuis 2002, la loi permet de donner à la naissance le nom du père, le nom de la mère, ou bien un nom composé de ces deux noms dans l’ordre souhaité par les parents. Changer ce nom par la suite relève d’une procédure lourde, et est soumis à l’appréciation du service du Sceau du ministère de la Justice.
La proposition de loi vise à permettre, sur simple déclaration, de remplacer le nom attribué à la naissance par le nom du père, le nom de la mère, ou bien un nom composé de ces deux noms dans l’ordre souhaité. Il serait ainsi désormais possible de choisir non seulement d’accoler à son nom de naissance le nom parental qui n’avait pas été transmis, mais aussi de procéder à une substitution, le nom de naissance étant alors purement et simplement effacé.
Cette possibilité de changement de nom ne serait ouverte qu’aux personnes majeures.
D’une point de vue général, cette proposition de loi s’inscrit dans une dynamique d’accompagnement des évolutions sociétales de ces dernières décennies. Elle est en ce sens pertinente. Elle va cependant plus loin en introduisant un droit à effacer le nom d’un ascendant qui avait été précédemment transmis.
Or, s’il paraît pertinent de simplifier l’acte de rendre visible sa double ascendance à travers le double nom porté, si permettre aux personnes qui le souhaitent d’adjoindre par simple déclaration le nom qui ne leur avait pas été transmis semble a priori sans grand risque de dérives, la possibilité nouvelle d’effacement du nom d’une ascendance mérite d’être étudiée plus avant. Substituer le nom de naissance, c’est-à-dire supprimer le nom d’un parent, et au-delà supprimer la marque d’appartenance à une branche familiale, peut être lourd de sens et de conséquences, et comporte un risque d’exposer l’individu, mineur ou majeur, à de dangereuses pressions.
L’enfant mineur, mais aussi bien l’enfant devenu adulte, peut être pris dans un conflit de loyauté entre ses deux parents, ou plus largement entre ses deux parentèles.
Les séparations parentales, et les conflits autour de l’enfant, n’ont jamais été aussi nombreux. Des parents mènent des batailles judiciaires pour s’octroyer la résidence de l’enfant, et par là même refuser à l’autre parent la résidence de son enfant. Des parents mènent de véritables guerres au long cours pour restreindre procédure après procédure le temps qu’un enfant passe avec son autre parent. L’ampleur de ce phénomène est loin d’être anecdotique. Plusieurs dizaines de milliers d’enfants sans aucun doute sont concernés chaque année par ce type de conflit. Tous bien sûr ne sont pas confrontés à des situations envenimées à un point tel que l’effacement du nom d’un parent devient un enjeu. Néanmoins, de telles situations existent et paraissent suffisamment fréquentes pour qu’on s’en inquiète.
L’effacement du nom constitue la phase ultime de l’aliénation parentale (voir par exemple le paragraphe « Supprimer l’identité » sur cette page du site de l’Association contre l’aliénation parentale pour le maintien du lien familial). Que l’on soit d’accord ou non avec la scientificité du concept d’aliénation parentale (bien que celle-ci ne fasse objectivement aucun doute, de très nombreux articles scientifiques ayant été publiés sur la question), chacun comprendra que supprimer un parent jusque dans le nom d’usage, puis jusque dans son inscription à l’état civil, peut être un enjeu de pouvoir dans le contexte d’une séparation parentale gravement dégradée.
L’enfant mineur, mais aussi l’enfant devenu adulte, peut devenir l’objet d’un enjeu dans lequel il constitue un moyen d’assouvir un besoin de vengeance par effacement d’une ascendance.
Des garde-fous sont donc nécessaires à cette nouveauté qu’est la substitution de nom par simple déclaration, et dont le corollaire est l’effacement d’un nom précédemment porté. Si simplifier l’adjonction de nom ne semble pas poser de difficultés particulières, la substitution de nom doit être encadrée.
Proposition de loi nº 4853 archivée au format PDF (66 Ko, 8 p.).
Pro memoria :
Proposition de loi nº 4542 archivée au format PDF (65 Ko, 8 p.).