Somon (Laurent), question orale nº 1925S au ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports sur l’accompagnement des élèves en situation de handicap [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 45 S (Q), 18 novembre 2021, p. 6405].
M. Laurent Somon attire l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports au sujet de l’accompagnement des élèves en situation de handicap (AESH). Dans la Somme, comme partout en France, [il] n’y a pas de réussite sans accompagnement. Piliers de l’école inclusive, les AESH conservent une rémunération moyenne qui les place sous le seuil de pauvreté avec 800 euros par mois malgré la revalorisation salariale de l’été 2020.
Majoritairement employés sur des contrats à temps partiel, avec la généralisation des pôles inclusifs d’accompagnement localisé (PIAL), les 110 000 AESH prennent en charge 500 000 élèves concernés. En cette rentrée 2021, 35 000 élèves en situation de handicap ne sont pas accompagnés, les familles sont inquiètes. Il lui demande quelle est la réalité de l’inclusion scolaire en 2021, si les maisons départementales des personnes handicapées peuvent être administrées sans budget. Il lui demande ce que le Gouvernement entend mettre en place concernant la rémunération, les conditions d’exercice de la profession et la formation des personnels AESH.
Réponse du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, lors de la séance publique du 18 janvier 2022.
Mme le président. La parole est à M. Laurent Somon, auteur de la question nº 1925, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Laurent Somon. Madame la ministre, que l’État veuille optimiser la gestion des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et permettre à un maximum d’enfants d’avoir un accompagnement, cela est très louable, mais encore faut-il répondre aux besoins des élèves en situation de handicap et proposer au personnel, AESH et assistants d’éducation (AED), la reconnaissance qu’ils méritent. Sans cela, l’État mène une politique d’affichage qui n’est en rien satisfaisante.
À la rentrée 2021, quelque 35 000 élèves vulnérables ne bénéficiaient pas d’AESH ; à la rentrée de janvier 2022, dans la Somme, encore 40 d’entre eux n’en bénéficiaient toujours pas.
Le recrutement de 4 000 nouveaux AESH et l’augmentation des salaires, à hauteur de 600 euros bruts par an, issus du budget pour 2022, ne sont toujours pas à la hauteur des besoins. En effet, les conditions de travail sont caractérisées par une ubérisation du métier infligée pas les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL), notamment en milieu rural, en raison des déplacements que ces pôles imposent ; les rémunérations restent sous le seuil de pauvreté, avec une moyenne de 760 euros par mois, et l’emploi est précaire, avec des contrats à durée déterminée (CDD) renouvelables pour un an.
L’AESH est chargé de l’accompagnement, de la socialisation, de la sécurité et de l’aide à la scolarisation d’enfants en situation de handicap, dans la classe et durant tout le temps de l’école. Cette charge requiert une compétence élargie, donc des formations. Les AESH gèrent l’humain et le bien vivre ensemble.
Madame la ministre, qu’en est-il de la création d’un véritable statut de la fonction publique pour les AESH et les AED et de la reconnaissance témoignée par l’institution dont ils dépendent ? Dans la Somme, comme partout en France, il n’y a pas de réussite sans accompagnement, surtout lorsque l’accompagné est en situation de handicap. L’éducation nationale doit suivre les notifications des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Quelle est la réalité de l’inclusion scolaire en 2022 ? Est-ce que la MDPH peut administrer sans budget ? Les notifications sont-elles, à cette date, toutes satisfaites ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur Laurent Somon, je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Jean-Michel Blanquer, qui m’a transmis cette réponse.
Vous le savez, l’école de la République est une école qui doit être attentive à chacun de ses élèves et capable de les accueillir tous. C’est pourquoi la scolarisation des élèves en situation de handicap a été une priorité de ce gouvernement, qui a souhaité créer un véritable service public de l’école inclusive.
Ainsi, 400 000 élèves en situation de handicap sont accueillis à l’école, soit une augmentation de près de 20 % en cinq ans ; 120 000 AESH ont été recrutés avec un statut plus protecteur, je reviendrai sur ce point ; 1 300 unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) ont été créées, ainsi que 250 structures spécifiquement dédiées à l’autisme, sur l’ensemble du territoire.
Les familles ont été mieux écoutées et mieux accompagnées, grâce à un numéro unique d’écoute, des services départementaux dédiés et des entretiens pédagogiques en amont de la rentrée.
L’organisation territoriale a été entièrement repensée. Elle s’appuie sur les pôles inclusifs d’accompagnement localisé, pour permettre la coordination des moyens au plus près des territoires et une coopération renforcée avec le secteur médico-social.
Parallèlement au recrutement de ces nouveaux AESH, nous avons conduit, pour répondre à la demande des MDPH, une action sans précédent de sécurisation des parcours. Les contrats aidés ont été transformés en CDD, lesquels peuvent eux-mêmes déboucher sur des CDI. La rénovation du cadre de gestion a permis d’augmenter la période de travail de référence et, depuis septembre 2021, 56 millions d’euros ont été mobilisés en faveur d’une grille indiciaire revalorisée, avec une progression automatique tous les trois ans.
Enfin, le 1er octobre dernier, une nouvelle étape a été franchie, avec un début de grille porté à l’indice 341, qui est supérieur au niveau du SMIC. C’est une augmentation de 9 points d’indice en début de carrière.
Certes, je vous sais sensible à la défense de nos services publics. L’école inclusive mobilise plus de 3,5 milliards d’euros, et a bénéficié d’une hausse de son budget de 66 % depuis 2017.
Mme le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour la réplique.
M. Laurent Somon. Madame la ministre, en effet, l’attractivité de ces métiers est la clé de la réussite de l’inclusion des enfants handicapés dans nos écoles. Il faut y travailler, non seulement en termes de formation, mais aussi de rémunération des personnels.
Schalck (Elsa), question orale nº 1980S au ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports sur les modalités de financement des accompagnants des enfants en situation de handicap au sein des structures périscolaires [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 48 S (Q), 9 décembre 2021, p. 6715].
Mme Elsa Schalck appelle l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur l’accueil et l’accompagnement des enfants en situation de handicap au sein des structures périscolaires.
Par une décision du 20 avril 2011, le conseil d’État a considéré qu’il incombait à l’État de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que le droit à l’éducation et l’obligation scolaire ait, pour les enfants handicapés, un caractère effectif ; que, à cette fin, la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants d’éducation qu’il recrute pour l’aide à l’accueil et à l’intégration scolaires des enfants handicapés en milieu ordinaire n’est pas limitée aux interventions pendant le temps scolaire [1]. En 2018, la cour d’appel administrative de Nantes avait statué que la prise en charge d’un accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH) par l’État, obligatoire sur le temps scolaire, s’étendait également au temps périscolaire. Dans un arrêt du 20 novembre 2020, le Conseil d’État a cassé cette décision, énonçant que la rémunération des AESH incombe à la structure organisatrice de l’activité pendant laquelle ils accompagnent les enfants. Ainsi, le financement de l’accompagnement des enfants en situation de handicap pendant la pause méridienne incombe à l’organisme responsable de celle-ci. Il a jugé que, lorsqu’une collectivité territoriale organise un service de restauration scolaire ou des activités complémentaires aux activités d’enseignement et de formation pendant les heures d’ouverture des établissements scolaires, ou encore des activités périscolaires, il lui appartient de garantir l’accès des enfants en situation de handicap à ces services ou activités. L’éducation nationale a précisé aux collectivités que cet accompagnement spécifique sur le temps de restauration et d’accueil périscolaire serait à leur charge au plus tard au 1er janvier 2022.
Ces enfants bénéficiaient jusque-là, par le biais du recrutement et du financement de l’éducation nationale, d’un AESH sur les temps scolaires et éventuellement périscolaires lorsque le besoin était notifié, à raison d’une heure sur la pause méridienne. La prise en charge du temps restant était assurée par les équipes périscolaires ou était à la charge des familles. Le principe dégagé par le Conseil d’État induit une charge supplémentaire financière et organisationnelle conséquente pour les collectivités dont les budgets sont déjà largement éprouvés. Alors qu’elles connaissent des difficultés de recrutement d’AESH sur le temps scolaire, les collectivités vont devoir s’employer à affecter des professionnels pour assurer la prise en charge des élèves handicapés sur le temps périscolaire dès le 1er janvier 2022. Elles devront former ces professionnels et répondre aux besoins selon que l’élève relève d’un accompagnement lors de la pause méridienne, le soir ou lors des vacances. Elles alertent par ailleurs sur la multiplication des employeurs (un sur le temps scolaire, un autre sur les temps méridiens et extrascolaires), qui fragilise encore davantage le statut de ces personnels.
De nombreuses collectivités se sont engagées en faveur d’un accueil inclusif et s’inquiètent de ne pouvoir assurer le bien-être des élèves et la sérénité des parents par la stabilité des équipes et l’accompagnement adapté à chaque élève, tout en répondant à cette nouvelle exigence.
Relayant les préoccupations soulevées par les communes du Bas-Rhin, à l’instar de la communauté de communes du canton d’Erstein, qui a adopté une motion d’urgence, en date du 29 septembre 2021, sur les modalités de financement des AESH au sein des structures périscolaires, elle lui demande comment le Gouvernement entend soutenir et accompagner les collectivités dans cette prise en charge des élèves en situation de handicap par un AESH sur le temps périscolaire.
Réponse du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, lors de la séance publique du 18 janvier 2022.
Mme le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, auteure de la question nº 1980, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Mme Elsa Schalck. Madame la ministre, ma question porte sur les modalités de financement des accompagnants des enfants en situation de handicap au sein des structures périscolaires. Nous avons tous à cœur de mener une politique inclusive pour les enfants en situation de handicap et d’être aux côtés de ces enfants et de leurs familles.
Pour ce faire, nous le savons, la question de l’accompagnement est centrale. Nous vous interpellons régulièrement, au sein de cet hémicycle, sur le manque d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, qui demeure bien trop fréquent. Récemment, j’ai été interpellée par la maire d’Artolsheim dans le Bas-Rhin sur ce sujet. Actuellement, dans le sud du département, pas moins de 80 élèves sont toujours dépourvus, à ce jour, d’AESH.
Ce matin, je souhaite également me faire l’écho de la motion d’urgence votée par la communauté de communes du canton d’Erstein dans le Bas-Rhin, en décembre dernier, sur la question du financement des temps périscolaires. En effet, il apparaît que, en vertu d’une décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020, le financement des AESH pendant le temps périscolaire, et notamment pendant la pause de midi, doit désormais être pris en charge par les collectivités territoriales et non plus par l’État.
À la suite d’un courrier de l’académie du mois de septembre dernier, des maires du Bas-Rhin et des présidents de communauté de communes m’ont alertée sur les difficultés engendrées par une telle décision pour une application immédiate au 1er janvier de cette année.
Il s’agit en effet d’une charge financière et logistique très importante pour les collectivités, qui sont déjà fortement éprouvées d’un point de vue budgétaire. Du jour au lendemain, des collectivités ont dû repenser toute l’organisation de l’accompagnement de ces élèves entre le temps scolaire et le temps périscolaire, dans des délais très courts, juste avant les vacances de décembre, afin que tout puisse se passer au mieux. Elles ont dû s’organiser avec les AESH ayant accepté de poursuivre leur mission.
Madame la ministre, face à l’inquiétude des élus locaux, pouvez-vous nous indiquer si les collectivités devront effectivement prendre en charge et recruter les AESH ? Le cas échéant, comment votre gouvernement explique-t-il un tel changement de cap s’agissant d’une question centrale ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Madame la sénatrice Elsa Schalck, la scolarisation des élèves en situation de handicap est une priorité que nous partageons et c’est un enjeu qui doit évidemment nous rassembler.
Vous mentionnez la décision du Conseil d’État de novembre 2020 ; je tiens à apporter quelques précisions en la matière. Cette décision clarifie la question des modalités de prise en charge financière de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap dans le cadre des activités périscolaires, notamment de restauration, par les collectivités territoriales. Le Conseil d’État a jugé qu’il appartenait aux collectivités territoriales, et non pas à l’État, de prendre en charge l’accompagnement des enfants en situation de handicap lorsqu’elles organisent un service de restauration scolaire ou des activités complémentaires et périscolaires.
Une telle décision a clarifié le droit existant, sans le modifier à proprement parler. Depuis lors, les services du ministère de l’éducation nationale travaillent à sa mise en œuvre, avec un seul objectif : garantir la continuité de l’accompagnement des enfants et éviter toute rupture.
C’est pourquoi le ministère de l’éducation nationale travaille notamment avec le ministère de la cohésion des territoires autour de différents dispositifs : mise à disposition d’une collectivité par l’employeur, le ministère ; emploi direct possible des AESH par une collectivité dans le cadre d’un cumul d’activités ; recrutement conjoint par l’État et une collectivité territoriale.
Ces mesures représentent une double opportunité : il s’agit, pour les élèves, d’avoir un accompagnement de qualité continu sur l’ensemble des temps de la journée et, pour les AESH qui le souhaitent, de compléter leur temps de travail. Nous l’avons dit, la grande majorité d’entre eux travaillent à temps partiel.
Les services du ministère se tiennent à disposition des collectivités pour travailler sur toutes ces possibilités, avec pour seule ambition de toujours mieux accompagner les élèves en situation de handicap et leurs familles.
Note de P@ternet
- Le Conseil d’État (4e et 5e sous-sections réunies) a en fait rendu deux décisions en ce sens le 20 avril 2011 : nº 345434 et nº 345442.
Mise à jour du 19 janvier 2022
Questions archivées [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 9 S (C.R.), 19 janvier 2022, pp. 538-539] au format PDF (3.36 Mo, 3 p.).