Cohen (Laurence), question orale nº 1947S à la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées sur le manque de places pour les enfants en situation de handicap dans le Val-de-Marne [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 46 S (Q), 25 novembre 2021, p. 6503].
Mme Laurence Cohen interroge Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées sur des enfants en situation de handicap, déficience mentale, autisme ou polyhandicap.
Un collectif de parents s’est créé pour le secteur regroupant les villes d’Arcueil, Cachan, Chevilly-Larue, Fresnes, Gentilly, L’Hay-les-Roses, Le Kremlin-Bicêtre, Rungis et Villejuif (94) et a recensé près de 970 enfants et adolescents sur l’ensemble du Val-de-Marne, sans solution d’accueil et de prise en charge dans des structures spécialisées ou en milieu ordinaire.
Ce chiffre et ce diagnostic sont partagés par la délégation territoriale de l’agence régionale de santé (ARS). L’offre est sous-dimensionnée, saturée ou inaccessible car hors secteur.
Les défaillances de l’État en termes d’accueil et de prise en charge se situent à deux niveaux. D’une part, au sein de l’éducation nationale puisque si certains enfants sont parfois scolarisés en lien avec le service d’éducation spécialisée et de soins à domicile (SESSAD), cette scolarisation est le plus souvent très partielle. Par ailleurs, par manque d’accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), très peu d’enfants peuvent bénéficier de ce dispositif. De même, les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) ne sont pas assez développées. D’autre part, au sein du médico-social où les places notamment dans les instituts médico-éducatifs (IME) ou au sein des unités d’enseignement en maternelle pour l’autisme (UEMA) sont largement insuffisantes par rapport aux besoins, rendant les temps d’attente extrêmement longs. Ces enfants et ces adolescents se retrouvent donc des mois, voire des années, en rupture de parcours, sans solution adaptée. Leurs parents sont contraints de les garder à leur domicile.
Le moratoire sur les capacités d’accueil en Belgique, entré en vigueur le 28 février 2021, a encore aggravé la situation avec un flux de personnes handicapées qui se retrouvent en attente d’une prise en charge.
Ceci est inacceptable. Cette désocialisation forcée entraîne des retards, des régressions dans le développement de ces enfants, faute de professionnels pour les accompagner.
Malgré plusieurs rendez-vous avec l’antenne de l’ARS pour le Val-de-Marne, aucune proposition concrète d’accueil ou de place n’a pu être faite aux parents de ces enfants. Les places n’existent pas !
Il s’agit d’un véritable abandon national malgré les discours enjolivés sur l’école inclusive ou sur l’autonomie.
Aussi, elle lui demande quelles solutions et quels moyens peuvent être mis en place en urgence pour la prise en charge de ces enfants et adolescents, par l’éducation nationale et par le médico-social, pour mettre fin à ce tournant domiciliaire qui assigne ces enfants (et leurs parents) à résidence.
L’État doit garantir à ces enfants le respect de leurs droits, de leur dignité. L’apprentissage de la vie en collectivité, le développement de leurs compétences sont indispensables pour préparer leur avenir et leur autonomie dans tous les lieux de vie.
Réponse du secrétariat d’État chargé des Personnes handicapées lors de la séance publique du 18 janvier 2022.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteure de la question nº 1947, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Laurence Cohen. Madame la secrétaire d’État, dans le Val-de-Marne, un comité de parents s’est créé, regroupant les villes d’Arcueil, de Cachan, de Chevilly-Larue, de Fresnes, de Gentilly, de L’Haÿ-les-Roses, du Kremlin-Bicêtre, de Rungis et de Villejuif. Il a recensé, sur l’ensemble du département, 970 enfants et adolescents handicapés ne disposant pas de solution d’accueil et de prise en charge dans des structures spécialisées ou en milieu ordinaire.
Ce nombre et ce diagnostic consternants sont partagés par la délégation territoriale de l’agence régionale de santé. D’une manière générale, l’offre est sous-dimensionnée, saturée ou inaccessible, car hors-secteur.
Ces enfants et ces adolescents se retrouvent donc des mois, voire des années, en rupture de parcours, sans solution adaptée, leurs parents étant contraints de les garder à domicile.
En conséquence, on observe des retards, voire des régressions dans le développement de ces enfants, faute de professionnels pour les accompagner.
Malgré plusieurs rendez-vous entre ces parents et l’ARS du Val-de-Marne, aucune proposition concrète d’accueil n’a pu être formulée, puisque les places n’existent pas.
Madame la secrétaire d’État, quelles solutions et quels moyens comptez-vous mettre en place en urgence, afin que ces enfants et ces adolescents puissent être pris en charge par l’éducation nationale et le secteur médico-social ? Comment comptez-vous mettre fin à ce tournant domiciliaire qui assigne les enfants et leurs parents à résidence ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, les solutions pouvant être apportées aux enfants handicapés sont au cœur des réflexions que nous menons avec les maisons départementales des personnes handicapées et les présidents de département, avec qui nous mettons en œuvre cette politique de solidarité et d’accompagnement des parcours.
Nous avons déployé des équipes mobiles d’appui à la scolarisation pour répondre aux besoins d’accompagnement. Ces nouveaux dispositifs favorisent la continuité du parcours de l’élève en apportant un étayage médico-social aux équipes enseignantes.
Ces équipes mobiles, tenues par des organisations gestionnaires, dont je salue le travail et l’évolution des pratiques, sont organisées en réseau départemental. Elles constituent une ressource précieuse pour soutenir les enseignants et, bien souvent, pour permettre aux enfants handicapés de poursuivre leur scolarité à l’école. À la rentrée 2021, 166 équipes mobiles ont été déployées. Ce sont de nouvelles équipes et nous travaillons encore à une accélération pour 2022.
En parallèle, nous continuons de renforcer les moyens des associations. Cela a notamment donné lieu au déploiement de nouvelles solutions médico-sociales en 2021. À l’échelon national, nous constatons une augmentation du nombre de places de services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), qui a été porté à 2 600. Par ailleurs, nous avons créé 89 classes autistes, qui ont permis de scolariser 350 enfants supplémentaires.
Dans le Val-de-Marne, puisque votre question porte sur ce département, madame la sénatrice, malgré la crise, trois unités d’enseignement en maternelle (UEM) autisme ont été créées depuis 2020. Deux nouvelles classes ouvriront à la rentrée de septembre prochain, l’une pour des enfants autistes, l’autre pour des enfants polyhandicapés. Il s’agit là d’une grande avancée, je tiens à le souligner. Il faut que, malgré leurs grandes différences, les enfants polyhandicapés puissent apprendre sur les bancs de l’école avec les autres.
Ce département bénéficie également d’une unité localisée d’inclusion scolaire (ULIS) et d’un dispositif d’autorégulation pour les enfants autistes, qui transforment profondément les pratiques dans l’ensemble de la communauté éducative.
Par ailleurs, madame la sénatrice, afin de prévenir les départs contraints en Belgique, j’ai déployé un plan de 90 millions d’euros pour les régions concernées. Pour la première fois, un gouvernement a préféré agir plutôt que de subir ces départs.
Concrètement, cela sera traduit en Île-de-France par 51 millions d’euros supplémentaires pour construire des solutions nouvelles. Au total, seize projets propres au Val-de-Marne ont été déposés par des associations auprès de l’agence régionale de santé.
Mme le président. Il faut conclure.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. D’ores et déjà, dans ce département, une soixantaine de nouvelles places pour enfants et adultes ont été créées en 2020. Nous pourrons en discuter de nouveau si vous le souhaitez.
Mme le président. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de respecter votre temps de parole.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Merci, madame la secrétaire d’État. Je suis très intéressée par les chiffres que vous venez de nous donner. Cela étant, je suis en contact avec les parents et, je le répète, 970 enfants et adolescents n’ont toujours pas de solution, malgré ce que vous venez de nous dire.
Les Sessad ne sont pas suffisamment nombreux, il est difficile de recruter des AESH et les ULIS ne sont pas assez développées. Quant aux places en instituts médico-éducatifs (IME) ou au sein des UEM-autisme, elles ne sont pas en rapport avec les besoins réels sur le terrain, ce qui rend les temps d’attente extrêmement longs.
Je sais que, personnellement, vous souhaitez que l’on garantisse le respect des droits et de la dignité de ces enfants, mais sur le terrain un trop grand nombre d’entre eux demeurent sans solution ! C’est très grave. Malgré le discours sur l’école inclusive, on assiste à un abandon national !
Mise à jour du 19 janvier 2022
Question archivée [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 9 S (C.R.), 19 janvier 2022, pp. 530-531] au format PDF (3.36 Mo, 3 p.).