Vogel (Mélanie), question orale nº 1973S à la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances sur l’application des dispositions de la loi relative à la bioéthique par les consulats [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 48 S (Q), 9 décembre 2021, p. 6712].
Mme Mélanie Vogel attire l’attention de Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances sur les problèmes d’application par les consulats de la loi nº 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique. Celle-ci fut une victoire historique dans la lutte pour l’égalité de droits entre toutes les femmes. L’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules signifia, ce jour-là, que, pour d’innombrables Françaises, la perspective de fonder une famille ne devait plus être synonyme de procédures interminables, de découragement, d’amertume après des mois et des années d’espoirs déçus.
Elle s’étonne, alors, d’être aujourd’hui alertée par nos concitoyennes à l’étranger que les consulats ne sont pas en mesure d’établir l’acte de naissance de leur enfant né par PMA. Ces refus leur ont été justifiés par le fait que les instructions relatives à la circulaire de présentation des dispositions en matière d’assistance médicale à la procréation, issues de la loi du 2 août, n’étaient pas encore parvenues au consulat, que les nouvelles dispositions ne pouvaient donc pas encore être appliquées, et que leurs logiciels ne le permettaient pas. À l’heure actuelle, les consulats n’acceptent de dresser que des états civils avec une seule filiation, celle de la mère ayant accouché, et avec un seul nom de famille, refusant ainsi le droit aux mères de choisir le nom de famille de leur enfant comme le prévoit le code civil.
Il est inconcevable que ce genre de situation perdure, et incompréhensible, alors que la circulaire a été publiée le 21 septembre 2021 (il y a plus de deux mois) par la direction des affaires civiles et du sceau. Elle précise bien que les couples de femmes peuvent établir une filiation conjointe de l’enfant, quelle que soit sa date de naissance, et même si sa conception par PMA est antérieure à la publication de la loi.
Sur le territoire français, les femmes qui ont rencontré ce problème dans les premiers mois après la publication de la loi ont rapidement trouvé un écho de la part du ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, et pu faire appliquer les dispositions de la loi du 2 août 2021 par les administrations. Elle souhaite donc savoir pourquoi nos concitoyennes à l’étranger se heurtent encore à de tels refus de la part des consulats, et s’interroge sur ce qui est prévu pour les femmes qui depuis l’entrée en vigueur de la loi se sont vu refuser de dresser l’acte de naissance de leur enfant dans le délai légal des 30 jours, et si elles vont pouvoir bénéficier d’un délai prolongé pour établir cet acte comme le prévoit la loi, ou si elles vont être pénalisées et devoir passer par une procédure de transcription qui dure des mois.
Réponse du ministère de la Mer lors de la séance publique du 18 janvier 2022.
Mme le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, auteure de la question nº 1973, transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Mélanie Vogel. L’adoption de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique fut, vous le savez, une victoire historique dans la lutte pour l’égalité entre toutes les femmes. L’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules signifia, pour d’innombrables Françaises, que la perspective de fonder une famille ne devait plus être synonyme de procédures interminables.
J’ai donc suivi attentivement la mise en œuvre de cette loi, notamment pour nos concitoyennes établies à l’étranger, que j’ai l’honneur de représenter. Or, je dois le dire, je suis assez frappée par la lenteur de cette mise en œuvre.
Au moment où j’ai déposé cette question – c’était en décembre dernier –, les instructions de la circulaire de présentation des dispositions relatives à la loi du 2 août précitée n’avaient toujours pas été transmises aux consulats. Il aura fallu attendre plus de trois mois entre la publication de la circulaire et la transmission des instructions aux consulats.
Il y a maintenant six mois que la loi a été adoptée. Pendant ces six mois, les couples qui souhaitaient établir l’acte de naissance de leur enfant s’entendaient répondre par les consulats qu’il n’était possible d’y inscrire qu’une seule filiation, celle de la mère ayant accouché, avec un seul nom de famille.
Peut-être me direz-vous qu’un délai de six mois pour l’application d’une nouvelle loi est raisonnable, mais, aujourd’hui, les familles concernées sont obligées de passer par la transcription de l’acte de naissance du pays où elles habitent, transcription qui dure en moyenne trois mois pour les couples hétérosexuels, mais jusqu’à dix-huit mois pour les couples homosexuels. Pour toutes les familles qui n’ont pas pu établir d’acte de naissance français avec la double filiation depuis le début du mois d’août dernier, cela peut donc représenter deux ans d’attente au total.
Il n’est pas clair non plus si le nom de famille figurant sur l’acte de naissance étranger est opposable par l’état civil français ou si les familles peuvent choisir le nom de leur enfant, comme le prévoit le code civil. Il serait incompréhensible que ces familles soient pénalisées.
Ma question est donc la suivante : quelles mesures sont prévues pour que ces familles puissent obtenir, le plus rapidement possible, l’inscription de leur enfant à l’état civil français, avec le nom de leur choix ? Un prolongement du délai légal de trente jours est-il envisageable ?
Mme le président. Votre temps de parole est épuisé, ma chère collègue.
Mme Mélanie Vogel. Enfin, ce processus sera-t-il simplifié ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Madame la sénatrice Mélanie Vogel, je vous lis la réponse de mon collègue Éric Dupond-Moretti, qui dit se réjouir, comme vous, des dispositions de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique. Cette loi a notamment ouvert l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes non mariées.
Selon l’article 342-11 du code civil, issu de cette loi, pour les couples de femmes ayant recours à une assistance médicale à la procréation postérieurement à la loi, une reconnaissance conjointe anticipée doit être faite devant le notaire en même temps qu’est donné le consentement à l’assistance médicale à la procréation, avant que le processus procréatif ne commence.
Il faut distinguer entre la situation des actes de naissance étrangers transcrits et celle des actes de naissance dressés par les postes consulaires.
Lorsqu’il a été dressé à l’étranger par une autorité étrangère, l’acte de naissance de l’enfant issu d’une assistance médicale à la procréation réalisée par un couple de femmes peut être transcrit totalement sur les registres de l’état civil français si l’acte étranger est régulier, exempt de fraude et établi conformément au droit de l’État étranger. Le couple de femmes n’a pas à produire de reconnaissance conjointe anticipée ou de reconnaissance conjointe pour obtenir la transcription totale de l’acte de naissance étranger sur les registres de l’état civil français.
Il en va différemment lorsqu’un poste consulaire français établit l’acte de naissance de l’enfant né à l’étranger. Dans ce cas, les nouvelles dispositions introduites par la loi précitée sont applicables et le couple de femmes devra produire une reconnaissance conjointe anticipée. Les postes consulaires ont été informés de ces nouvelles dispositions. Ils ne devraient pas avoir de difficulté à enregistrer les naissances dans le délai de trente jours prévu pour la déclaration des enfants nés à l’étranger, en particulier hors d’Europe.
Enfin, la loi relative à la bioéthique a introduit des dispositions particulières sur le choix du nom de famille de l’enfant. Le couple de femmes qui a eu recours à une assistance médicale à la procréation et qui a établi une reconnaissance conjointe anticipée peut choisir le nom de famille dévolu à l’enfant : soit le nom de l’une d’elles, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par elles, dans la limite d’un nom de famille pour chacune d’elles. Cette faculté est également ouverte en cas de naissance à l’étranger…
Mme le président. Votre temps de parole est épuisé, madame la ministre.
Mise à jour du 19 janvier 2022
Question archivée [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 9 S (C.R.), 19 janvier 2022, pp. 534-535] au format PDF (3.36 Mo, 3 p.).