Petite chronique de jurisprudence administrative : déduction de la pension alimentaire, donation déguisée entre époux

Jurisprudence

Déduction de la pension alimentaire versée à un enfant majeur

Un contribuable avait déduit des revenus de son couple la pension alimentaire qu’il avait versée en 2012 à son fils majeur, sur le fondement de l’article 156 II-2º du code général des impôts. À la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale avait remis en cause en mai 2014 le caractère déductible des sommes déclarées au titre de pension alimentaire, au motif que leur bénéficiaire ne pouvait être considéré comme étant dans le besoin au sens de l’article 208 du code civil. Le contribuable avait alors demandé au tribunal administratif d’Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles son couple avait été assujetti au titre de l’année 2012.

Ayant constaté que l’enfant majeur avait disposé de revenus d’un montant très légèrement inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de l’année 2012 et que son père avait procédé en avril de la même année à une donation à son bénéfice d’un immeuble à usage d’habitation, où l’enfant avait établi son domicile, le tribunal administratif d’Amiens avait donné raison à l’administration fiscale en octobre 2018.

Le contribuable avait alors interjeté appel de la décision, mais icelle a été confirmée aujourd’hui par la cour administrative d’appel de Douai.

La doctrine administrative (Bulletin officiel des Finances publiques – Impôts, BOI-IR-BASE-20-30-10, § 60) précise en effet que :

« Il faut que le créancier [d’une pension alimentaire] soit dans le besoin, c’est-à-dire démuni de ressources lui assurant des moyens suffisants d’existence. La notion de besoin présente un certain caractère de relativité, elle dépend notamment de la situation de famille du créancier et, dans une certaine mesure, de sa situation sociale. »

Références
Cour administrative d’appel de Douai
4e chambre
Lecture du 6 mai 2021
Décision nº 18DA02541

Donation déguisée entre époux

Mariés en janvier 1997 sous le régime de la séparation de biens, des époux avaient acquis en commun un appartement en mai 2013. L’acte notarié contenait un pacte tontinier stipulant notamment, « à titre de clause aléatoire, que le premier mourant d’entre eux [serait] considéré comme n’ayant jamais eu la propriété du bien, laquelle [serait] censée avoir toujours reposé sur la seule tête du survivant ». L’époux étant décédé moins de deux mois plus tard, sa veuve était donc devenue l’unique propriétaire du bien immobilier.

À l’issue d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale avait considéré que la clause d’accroissement insérée dans l’acte de vente du bien immobilier était dépourvue de tout aléa et qu’elle constituait dès lors une opération artificielle destinée à dissimuler une donation :

  • L’acquisition de l’appartement avait été concomitante à la vente de deux biens immobiliers constituant des biens propres à l’époux ; le produit retiré de la vente de ces biens propres était sensiblement supérieur au prix d’acquisition de l’appartement commun et avait permis le remboursement anticipé en juillet 2013 de l’emprunt bancaire contracté par les époux pour l’acquisition du bien commun. Il existait ainsi un déséquilibre manifeste dans le financement du bien, privant l’époux de toute espérance de gain, de sorte que la clause d’accroissement insérée dans l’acte d’acquisition devait être regardée comme dépourvue de tout aléa économique.
  • Il était par ailleurs notoire que l’époux était atteint d’une longue maladie et que son état de santé était fortement dégradé au moment de la signature de l’acte d’acquisition, de sorte que la probabilité d’un décès proche mettait également en cause la réalité d’un aléa vital.

Ayant considéré que les époux avaient entendu se soustraire aux dispositions de l’article 777 du code général des impôts fixant la tarification des droits de mutation à titre gratuit, l’administration fiscale avait mis en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal prévue à l’article L64 du livre des procédures fiscales et adressé une proposition de rectification à la veuve en décembre 2019, soumettant la donation déguisée à des droits de mutation assortis de la majoration pour abus de droit au taux de 80 %.

Le Comité de l’abus de droit fiscal a donné raison aujourd’hui à l’administration fiscale : la clause d’accroissement insérée dans l’acte de vente était bien entachée de simulation et caractérisait une donation déguisée de biens présents à terme soumise aux droits de mutation à titre gratuit. L’administration était donc fondée à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal, quand bien même un résultat fiscal identique à celui du pacte tontinier aurait pu être obtenu si le défunt avait fait de son épouse sa légataire universelle.

Références
Comité de l’abus de droit fiscal
Séance nº 4 du 6 mai 2021
Avis nº 4/2021 (affaire 2021-08)

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