Communiqué de presse des Juristes pour l’enfance
La Haute Autorité de santé annoncera en juin si, oui ou non, l’homéopathie sera déremboursée : saisie par la ministre de la santé Agnès Buzyn, elle a plaidé dans un avis préliminaire pour le déremboursement au motif qu’« aucune étude n’a démontré la supériorité en termes d’efficacité de l’approche homéopathique par rapport à des traitements conventionnels ou au placebo ».
Pour autant, le projet de loi bioéthique qui sera présenté en juillet annonce l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules, et devrait aussi prévoir que le coût de cette démarche soit intégralement pris en charge par la sécurité sociale.
Aujourd’hui, la procréation médicalement assistée s’inscrit dans un cadre thérapeutique pour permettre à un couple présentant un risque de transmission d’une maladie grave ou une infertilité médicalement diagnostiquée d’avoir un enfant. Elle est prise en charge à 100 %.
Demain, la procréation médicalement assistée non thérapeutique pour les femmes célibataires ou couples de femmes serait aussi prise en charge à 100 %, alors même qu’il n’y a pas de fondement pathologique à cette démarche.
Comment justifier la fin du remboursement de l’homéopathie en mettant en avant son manque d’efficacité thérapeutique tout en annonçant le remboursement total de la « procréation médicalement assistée pour toutes » qui est une démarche non thérapeutique ?
Pourquoi le financement de la procréation médicalement assistée non thérapeutique devrait-il être supporté par l’ensemble de la société ?
Les trois laboratoires concernés par les médicaments homéopathiques disposent de dix jours à compter de la réception du projet d’avis pour formuler des observations écrites et/ou demander à être entendus par la commission. Si c’est le cas, la commission de la transparence dispose alors de quarante-cinq jours pour donner suite à ces demandes d’audition.
En tout état de cause, que l’homéopathie soit maintenue ou exclue du panier des soins pris en charge, Juristes pour l’enfance désire alerter sur le fait que la prise en charge de la procréation médicalement assistée actuelle à 100 % est déjà incompréhensible dans un contexte de réduction récurrente de la prise en charge et de l’offre de soins :
- Des listes entières de médicaments sont retirées de la prise en charge comme, récemment, les médicaments de lutte contre la maladie d’Alzheimer (arrêté du 31 [sic – lire 29] mai 2018).
- La maîtrise des dépenses de santé conduit à une hausse récurrente du ticket modérateur : fixé à 20 % par l’ordonnance du 19 octobre 1945, il n’a cessé de croître depuis. Pourquoi la procréation médicalement assistée ne supporte-t-elle aucun ticket modérateur ?
- Certaines maladies ont été retirées de la liste des affections de longue durée pour mettre fin à leur prise en charge à 100 %, comme l’hypertension artérielle (HTA) sévère, alors que la procréation médicalement assistée continue d’être prise en charge intégralement.
- Les prix tirés au plus bas des médicaments remboursés entraînent le désintérêt des laboratoires et des pénuries chroniques de médicaments, comme les médicaments pour la maladie de Parkinson qui sont vendus par le fabricant en priorité en Allemagne où les prix sont plus élevés, ce qui entraîne des ruptures en France.
Dans ce contexte, la prise en charge de l’assistance médicale à la procréation non thérapeutique, au vu de la baisse constante de l’accès aux soins de nombreux malades, serait tout simplement scandaleuse.
En outre, il convient d’ajouter les conséquences financières indirectes de l’assistance médicale à la procréation non thérapeutique :
- Lorsqu’un patient consulte, l’une des premières questions posées est celle des antécédents familiaux afin d’établir un diagnostic fiable et rapide. La conception avec donneur suscite une complication dans la pose d’un diagnostic, ce qui est regrettable pour le patient lui-même et nécessitera souvent plus d’examens médicaux.
- Il est probable que les enfants issus de ces nouvelles procréations médicalement assistées auront besoin de suivis particuliers : le rapport Touraine préconise de prévoir de façon systématique un accompagnement psychologique des enfants. Quid de la prise en charge ?
- 33 % des familles monoparentales sont sous le seuil de pauvreté et toutes font l’objet d’aides diverses. L’insémination de femmes célibataires suscitera de nouvelles situations de besoin.
- Une fois levée par la loi l’exigence d’une infertilité pathologique, les médecins ne pourront pas refuser des demandes de couples fertiles préférant passer par l’assistance médicale à la procréation pour diverses raisons, ce qui devrait augmenter assez rapidement le nombre des demandes de procréation médicalement assistée et les coûts liés.
Le Comité consultatif national d’éthique a d’ailleurs affirmé que « la charge pécuniaire de l’utilisation des technologies [sic – lire : techniques] d’AMP hors des indications médicales ne saurait porter sur les moyens financiers de l’assurance-maladie » (avis 126).
L’étendue de la prise en charge des prestations sanitaires ne cesse de diminuer et les mesures de limitation de l’offre de soin se multiplient : une prise en charge de l’assistance médicale à la procréation non thérapeutique aggraverait le déséquilibre existant au détriment des malades, alors que les femmes concernées ne souffrent d’aucune maladie.
- Contact presse
- Aude Mirkovic
Maître de conférences en droit privé
Porte-parole de l’association Juristes pour l’enfance
06 62 20 61 16
Communiqué archivé au format PDF (132 Ko, 4 p.).
Dossier relatif à la prise en charge de l’assistance médicale à la procréation archivé au format PDF (118 Ko, 5 p.).