La parité femmes/hommes sur les listes électorales ne porte pas atteinte à la liberté syndicale

Cour de cassation

Lors de son audience publique de ce 13 février 2019, la Cour de cassation a rendu un arrêt qu’il nous paraît intéressant de mentionner, même s’il sort quelque peu du cadre de nos préoccupations habituelles.

Depuis la loi nº 2015-994 du 17 août 2015, les listes comportant plusieurs candidats aux élections professionnelles doivent être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale [1]. L’élection des candidats du sexe surreprésenté peut être annulée par le tribunal d’instance si ces dispositions ne sont pas respectées [2].

En l’espèce, des élections au comité d’établissement « direction technique et système d’information » de l’unité économique et sociale Orange s’étaient tenues entre les 7 et 9 novembre 2017. Estimant que la liste des titulaires et celle des suppléants du syndicat CFE-CGC France Télécom Orange n’avaient pas respecté les dispositions relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes car elles comportaient cinq candidatures de femmes au lieu de quatre, la Fédération communication conseil culture F3C-CFDT avait saisi le tribunal d’instance de Villejuif, lequel avait annulé l’élection de deux candidates – l’une titulaire et l’autre suppléante – par décision du 9 mai 2018.

Le pourvoi du syndicat CFE-CGC France Télécom Orange soutenait au préalable que la décision d’inconstitutionnalité du 13 juillet 2018 (voir note 2) privait de fondement l’annulation de l’élection prononcée par le tribunal d’instance de Villejuif. La Cour de cassation a écarté cet argument au motif que cette déclaration d’inconstitutionnalité ne concernait que « l’impossibilité d’organiser des élections partielles pour pourvoir aux sièges vacants » et non les dispositions relatives à la composition des listes de candidats appliquées dans le jugement litigieux.

Invoquant divers textes internationaux [3], le syndicat CFE-CGC France Télécom Orange soutenait ensuite que les dispositions du code du travail constituaient une atteinte disproportionnée et sans motif légitime au principe de liberté syndicale et de libre choix par les syndicats de leurs représentants. Il faisait également valoir qu’elle étaient contraires « à l’objectif du législateur […] d’opérer un rééquilibrage de la représentation au bénéfice des femmes dans les instances représentatives du personnel et de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales », puisqu’elles pouvaient « entraîner l’annulation de l’élection de candidates femmes aux élections professionnelles » – ce qui avait été le cas en l’espèce.

La Cour de cassation a également rejeté ces arguments, au motif que le principe de la liberté syndicale doit se concilier avec d’autres droits fondamentaux d’égale importance, tels que le principe de non-discrimination entre les femmes et les hommes :

« L’obligation faite aux syndicats de présenter aux élections professionnelles des listes comportant alternativement des candidats des deux sexes à proportion de la part de femmes et d’hommes dans le collège électoral concerné répond à l’objectif légitime d’assurer une représentation des salariés qui reflète la réalité du corps électoral et de promouvoir l’égalité effective des sexes ; […] le législateur a prévu, d’une part, non une parité abstraite, mais une proportionnalité des candidatures au nombre de salariés masculins et féminins présents dans le collège électoral considéré au sein de l’entreprise, d’autre part, une sanction limitée à l’annulation des élus surnuméraires de l’un ou l’autre sexe, et dès lors que, par application de la décision du Conseil constitutionnel du 13 juillet 2018, l’organisation d’élections partielles est possible dans le cas où ces annulations conduiraient à une sous-représentation trop importante au sein d’un collège, les dispositions en cause ne constituent pas une atteinte disproportionnée au principe de la liberté syndicale reconnu par les textes européens et internationaux visés au moyen et procèdent à une nécessaire et équilibrée conciliation avec le droit fondamental à l’égalité entre les sexes instauré par les dispositions de droit européen et international. »

Cette décision est bien sûr transposable à l’élection du comité social et économique, puisque l’article L2314-30 du code du travail contient des dispositions identiques à celles qui étaient prévues pour l’élection des membres du comité d’entreprise.

Références
Cour de cassation
Chambre sociale
Audience publique du 13 février 2019
Nº de pourvoi : 18-17042
Notes
  1. Cf. les anciens articles L2314-24-1 alinéa 1 (délégués du personnel) et L2324-22-1 alinéa 1 (comité d’entreprise) du code du travail.
  2. Cf. les anciens articles L2314-25 alinéa 3 (délégués du personnel) et L2324-23 alinéa 3 (comité d’entreprise) du code du travail. La dispense d’organisation d’élections partielles initialement prévue dans le cas d’une telle annulation a été censurée par le Conseil constitutionnel le 13 juillet 2018 (décision nº 2018-720/721/722/723/724/725/726 QPC).
  3. Articles 3 et 8 de la convention nº 87 de l’Organisation internationale du travail ; article 4 de la convention nº 98 de l’Organisation internationale du travail ; article 5 de la convention nº 135 de l’Organisation internationale du travail ; article 11-2 de la convention européenne des droits de l’homme ; articles 5 et 6 de la Charte sociale européenne ; article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Attention ! La jurisprudence et la loi évoluent en permanence. Assurez-vous auprès d’un professionnel du droit de l’actualité des informations données dans cet article, publié à fin d’information du public.

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