Patric Jean, le réalisateur de La domination masculine, aimerait que les spectateurs se disputent à la sortie de son film. C’est bien dommage ! N’aurait-il pas été préférable qu’un film favorise la réflexion et nous fasse sortir de la passion, au lieu de l’entretenir ? Le dialogue ne serait-il pas davantage souhaitable que la dispute ou, plus précisément d’ailleurs, que la guerre contre un ennemi que l’on a tendance à stigmatiser pour créer, contre lui, l’union sacrée ?
Un danger réactionnaire ?
Une union sacrée, mais contre qui en fait ? Contre le macho réactionnaire ? Certes, le respect de l’égalité en droits est loin d’être parfait en ce début de XXIe siècle, mais y a-t-il aujourd’hui beaucoup d’hommes et de femmes, dans les pays occidentaux modernes (ne parlons pas d’autres pays qui n’ont pas connu la même évolution et où les problèmes se posent différemment), qui osent s’opposer à ces principes démocratiques ? Ceux-ci ne font-ils pas, aujourd’hui, l’unanimité ou presque ? Ce film aurait-il d’ailleurs bénéficié d’autant de moyens et de soutiens s’il y avait réellement domination masculine ?
Veut-on nous faire croire à nouveau au danger réactionnaire pour battre le rappel des troupes ? Et ne risque-t-on pas alors de voir le révolutionnaire verser dans le totalitarisme pour préserver sa position ?
Plutôt que de craindre le retour en arrière, même si le risque n’est pas absent, ne faudrait-il pas plutôt redouter l’enfermement dans l’idéologie que défendent Patric Jean et des féministes ? Cette idéologie n’est-elle pas, après tout, aussi réactionnaire ? Réactionnaire d’abord dans le sens premier du terme, c’est-à-dire qu’elle est en réaction contre le sexisme et l’autoritarisme des sociétés patriarcales traditionnelles. Cette crise d’adolescence a certes été nécessaire mais la passion libératrice et l’imagination ne se métamorphosent-t-elles pas, de nos jours, en aveuglement et en certitude ?
La marche vers la démocratie est encore longue mais avancer ne signifie pas aller n’importe où ! Fuir le passé ne suffit pas à donner la bonne direction.
Où sont les dérives ?
Pour éviter les dérives, ne faudrait-il pas d’abord concevoir que l’on puisse se tromper, admettre que refuser le pire n’empêche pas de dériver ?
Et d’ailleurs dérives il y a, n’en déplaise aux esprits simplistes qui préfèrent mobiliser contre « l’axe du mâle ». Méprises capitales même, puisque les conséquences peuvent être catastrophiques pour l’éducation des enfants au sein de la famille et à l’école, et pour la marche de la société toute entière.
La première dérive, comme en économie, est de transformer le libéralisme en un libéralisme sauvage qui confond la liberté avec la toute-puissance. La seconde est intimement liée. Elle consiste à réclamer le droit à l’égalité quand seule l’égalité en droits est possible, et à ainsi dénoncer toute différence comme une injustice. Par refus des limites, la différence des sexes est déniée pour tenter un retour à l’unité, le retour dans le ventre maternel. Et peut-il y avoir dérive plus réactionnaire que ce retour à la mère-nature fantasmée ?
Parce que la différence des sexes a été utilisée par les « machos » pour inférioriser la femme, cette idéologie a en effet tendance à dénier cette différence pour ne pas avoir à s’efforcer de la gérer dans le respect de l’un et l’autre sexe. Cette nouvelle idéologie féministe dominante jette le bébé avec l’eau sale du bain, et pourtant l’eau rafraîchie risque de croupir dans une baignoire qui ne sert plus à rien !
Malheureusement le film de Patric Jean reste dans la démagogie. Sa propagande grossière n’entraînera peut-être même pas de disputes. Au contraire, elle peut faire l’unanimité des féministes et des bien-pensants saisis par les émotions, mais ne favorisera sûrement pas la réflexion et le dialogue… Au contraire, ce discours racoleur entretient une guerre des sexes malsaine et indigne de pays démocratiques… Dommage !