Mesures à prendre pour protéger les enfants maltraités

Déclaration de Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l’enfance, sur les mesures à prendre pour protéger les enfants maltraités, lors de la Journée nationale de l’enfance maltraitée à la Sorbonne (Paris), le 26 septembre 2000. Nous avons mis en gras le paragraphe en rapport direct avec nos préoccupations.

Ségolène Royal

Mesdames, Messieurs,

Nous voici au terme d’une journée dont j’espère qu’elle vous aura, comme à moi, fortement donné à réfléchir et que vous y aurez trouvé sinon toutes les réponses aux questions que vous vous posez (les réponses, vous le savez, n’épuisent jamais les questions) du moins matière à vous aider dans le travail difficile qui est, où que vous exerciez, le vôtre.

Il semble – et ce n’est pas le moindre intérêt de cette rencontre – que l’on a su ici évoquer les problèmes de l’enfance maltraitée, de l’accueil et des soins en se gardant des tentations simplificatrices et des dogmes rigides qui rusent en vain avec la réalité des situations vécues. Je m’en réjouis car nous devons, pour tenter d’agir juste, nous garder des fausses alternatives comme celles, pêle-mêle, qui opposent les droits de l’enfant et ceux de sa famille, le parti-pris du placement à « l’idéologie du lien », le tout judiciaire à la méfiance de principe à l’égard de la justice, le rôle de l’État aux responsabilités des conseils généraux, le secret professionnel au partage de l’information, l’évolution des relations de couple au maintien du lien de filiation, le « tout psy » au « tout systémique », autrement dit la souffrance individuelle de l’enfant à la pathologie de la relation familiale et bien d’autres encore que vous connaissez aussi bien que moi. Leur principal effet est de rendre aveugle à la complexité des choses.

« Enfance maltraitée, traitons-la mieux », c’est le titre que j’ai voulu pour cette rencontre. Question de regard, d’attention, de posture. De raisons d’agir plus justes et de façons de faire plus efficaces, ensemble. Et d’abord question de méthode : si poignante que soit la détresse des enfants maltraités, si ahurissantes que nous paraissent certaines perversions des relations familiales, si éloigné de leur mission que puisse se révéler le comportement de certains professionnels abusant de leur pouvoir, l’enfance en danger n’est pas une question « à part », un sujet sans rapport avec les autres, l’exception monstrueuse de situations que rien ne saurait prévenir. Tout, certes, n’est pas prévisible et l’on aurait tort d’inférer de tel ou tel contexte « à risque » l’assurance de maltraitances à venir. Ce déterminisme-là, qu’il soit social ou psychologique, ne fonctionne pas. Ce qui fonctionne, en revanche, dans de nombreux cas, c’est d’enrayer à temps la descente vers le renforcement mutuel des délabrements économiques, psychologiques, affectifs, éducatifs d’une famille et son enfermement dans la solitude.

« Mieux traiter » l’enfance en danger, c’est l’inscrire dans un chantier plus vaste, à la fois ambitieux et pragmatique, celui de la bientraitance : bientraitance des enfants, des familles et des professionnels qui interviennent à leurs côtés. « Mieux la traiter », c’est prendre acte des progrès réalisés pour débusquer tous les décalages entre les textes adoptés ou édictés et leurs applications concrètes, entre les intentions affichées et les pratiques effectives, entre les façons de faire d’ici et celles de là-bas dont la disparité porte atteinte à l’égalité de traitement sur tout le territoire, dont l’État est garant. « Mieux la traiter », c’est veiller sans complaisance à ce que tous les établissements d’accueil assument correctement leur mission de suppléance familiale et de protection des enfants qui leur sont confiés. « Mieux la traiter », c’est mettre en place les soutiens et les outils nécessaires à la consolidation des compétences des professionnels du travail social, à une amélioration commune des pratiques, à un suivi et une évaluation partagés.

Tels sont les axes du plan d’action pour la bientraitance que j’entends mettre en place avec tous les partenaires de la protection de l’enfance dans le prolongement du rapport qui m’a été remis en juin par MM. Pierre Naves et Bruno Cathala, inspecteur général des affaires sociales et inspecteur des services judiciaires, dans le prolongement des premières conclusions que nous en avons, Martine Aubry, Élisabeth Guigou et moi, tirées en juillet dernier et des débats qui ont été aujourd’hui les nôtres. Ce plan d’action s’articule autour de quatre grands axes :

  • Pour que ça n’arrive pas, renforcer la chaîne des préventions.
  • Pour que ça ne continue pas : améliorer les prises en charge et garantir les droits des familles usagères de l’ASE.
  • Contre la maltraitance institutionnelle, lever la loi du silence et contrôler les embauches.
  • Pour le soutien des personnels et l’amélioration des pratiques, mettre en place des formations adaptées à l’évolution du travail des professionnels de la protection de l’enfance, des outils de suivi, de coordination et d’évaluation.

Ces quatre domaines forment un tout et témoignent d’un parti-pris : ne pas se borner à améliorer tel ou tel segment du dispositif de protection de l’enfance, telle procédure isolément mais promouvoir, de l’amont à l’aval, de la prévention à l’évaluation, de l’enfant à sa famille, une démarche dont chaque dimension est solidaire des autres tout en ne faisant pas obstacle aux mises à l’abri nécessaires. Certaines mesures sont nouvelles et de la responsabilité directe de l’État. D’autres proposent la généralisation de démarches concluantes mises en place entre certains services de l’État ou par certains conseils généraux ou par différents partenaires de la protection de l’enfance. Toutes visent, en somme, une meilleure application des grandes lois par lesquelles la nation a défini, dans le domaine de la lutte contre les maltraitances infligées aux enfants, les objectifs qui s’imposent à tous.

Premier domaine : pour que ça n’arrive pas, renforcer la chaîne des préventions.

L’effort doit porter sur deux fronts : des parents mieux à même d’exercer leurs responsabilités éducatives ; des enfants et des jeunes acteurs de leur protection.

L’évolution des formes contemporaines de la famille est porteuse de libertés nouvelles pour les adultes mais aussi de risques inédits, en particulier pour les enfants, dès lors que la fragilisation du couple met en cause la solidité de l’axe de la filiation et l’exercice par les deux parents de leur commune responsabilité. En cas de séparation conflictuelle, les enfants peuvent être amenés à subir des formes de maltraitance psychologique qui les font otages ou victimes des déchirements de leurs parents, abandonnés par l’un, pris dans une relation fusionnelle avec l’autre, éventuellement manipulés par les deux et sommés de choisir entre le père et la mère. Contre ces situations malsaines porteuses de dérives maltraitantes, il importe que la réforme du droit de la famille rappelle plus clairement à chacun son rôle et sa place, ses droits et ses devoirs, conforte le double lien de filiation quelles que soient les vicissitudes du couple parental et garantisse à l’enfant le respect de son histoire. Les mesures actuellement examinées dans le cadre du groupe de travail interministériel sur l’autorité parentale, qui associe les partenaires de la politique de la famille, visent à préciser et à renforcer les modalités d’exercice de l’autorité parentale conjointe ; ses propositions seront finalisées pour la prochaine conférence de la famille. Enfin, le développement de la médiation familiale permet de restaurer, au bénéfice de l’enfant, les conditions d’un dialogue apaisé entre ses parents.

Les difficultés économiques sont, elles aussi, sources de fragilisation éducative des familles et exposent les enfants à des risques de négligence et de carences affectives qui constituent une forme fréquente de maltraitance. Une solidarité mise en œuvre à temps peut permettre de restaurer, en même temps que des conditions de vie moins précaires, des capacités éducatives directement atteintes par des situations de pauvreté. Les centres de consultation conjugale, les réseaux de parents, les lieux d’accueil parents-enfants peuvent apporter de précieux conseils ; le plan de développement des modes d’accueil collectifs de la petite enfance, les aides financière de l’ASE, des CASU, du Fonds de solidarité logement, l’intervention de travailleuses familiales, l’accroissement du nombre de places dans les CHRS familiaux, le développement de formes d’accueil intermittent des enfants, toutes ces touches du clavier solidaire peuvent être utilement mobilisées pour prévenir des situations préjudiciables aux enfants et à leurs familles. En ce sens, aider l’enfant c’est aider sa famille.

Les enfants et les jeunes ne sont pas objets passifs mais sujets de protection. Ils ont leur mot à dire (ce que reconnaît, dans la procédure judiciaire, la possibilité de recourir à un administrateur ad hoc) et un pouvoir de résistance qui est une dimension de la lutte contre les maltraitances dont ils peuvent être l’objet. La famille, première éducatrice, peut et doit les armer sans les alarmer inutilement. L’école également, dans le cadre de l’éducation à la vie et à la sexualité, en diffusant une culture de la responsabilité et du respect (de soi, des autres), en fortifiant leur aptitude à dire non à bon escient (dès la maternelle et avec des mots adaptés au jeune âge des élèves, on peut aborder le sujet en expliquant que « le corps de l’enfant n’est pas un jouet »).

Cette chaîne de prévention doit aujourd’hui être considérablement renforcée et mobiliser tous ceux qui peuvent, à leur place, y apporter leur concours. Si imparfaites soient-elles faute d’être globales, les statistiques dont nous disposons montrent bien que, du côté de l’enfance en danger, le nombre d’enfants réputés en risque nous renvoie à notre commune responsabilité. Notre regard s’est affiné, ces situations, fort heureusement, ne nous paraissent plus tolérables, à nous d’en tirer ensemble les conclusions qui s’imposent.

Deuxième domaine : pour que ça ne continue pas, améliorer les prises en charge et mieux garantir les droits des familles usagères.

Parce que l’enfant maltraité n’est pas divisible et ne saurait être ballotté au gré des catégories administratives, il faut travailler en réseau. Parce que toute histoire est singulière et que, comme nous l’avons vu au cours de cette journée, nulle solution pré-mâchée n’est mécaniquement applicable (quoiqu’il y ait, cela va de soi, des principes – éthiques et pratiques – à respecter), il a droit à une prise en charge personnalisée dans les établissements sociaux et médico-sociaux ainsi qu’à une qualité de soins conforme aux recommandations du projet de réforme de la loi de 1975. En cette matière, je compte favoriser la diffusion de référentiels de bonnes pratiques qui ne sont pas des modèles mais de sources d’inspiration qu’il appartient à chacun d’adapter à son contexte d’intervention.

On a vu aujourd’hui l’importance des soins psychiques qui doivent être apportés à l’enfant et dont il est souvent utile que sa famille bénéficie aussi. Leur prise en charge posait jusqu’à aujourd’hui un problème bien connu de tous. Elle sera désormais possible pour les praticiens non médecins qui se regrouperont en réseau de professionnels autour de chacun des 36 pôles de référence hospitaliers institués par la circulaire du 27 mai 1997.

Le manque de moyens en pédopsychiatrie est aussi quelque chose qui porte atteinte au droit de tout enfant d’accéder aux soins dont il a besoin. C’est pourquoi le Projet de loi de finance de la Sécurité sociale pour 2001 prévoit la remise à niveau des lits d’hôpital en psychiatrie infanto-juvénile dans les 17 départements qui en sont actuellement dépourvus.

Le dispositif prévu dans les pôles de référence hospitaliers pour l’accueil et la prise en charge des enfant victimes d’abus sexuels sera par ailleurs étendu à ceux victimes de toutes les formes de maltraitances, ce qui n’est, à mon sens, que justice.

Enfin, j’engagerai en octobre une concertation relative à l’extension du remboursement à 100 % des frais médicaux occasionnés par toutes les formes de maltraitance.

Conformément à l’esprit qui inspire le projet de réforme de la loi de 1975 et à la demande des mouvements engagés aux côtés des plus démunis, il me paraît important que les droits des familles usagères de l’ASE soient mieux garantis. Cela passe par le renforcement des mécanismes de leur représentation, par l’élaboration d’un guide des usagers, en liaison notamment avec ATD Quart Monde à l’initiative de cette proposition, et par un accès facilité, conformément à l’interprétation des droits élémentaires des justiciables qui prévaut dans le projet de réforme de la loi de 1975, au dossier les concernant dans le cadre des procédures d’assistance éducative.

Troisième domaine sur lequel je compte faire porter tous mes efforts : la « maltraitance institutionnelle ».

Il faut reprendre sur ce front le combat jamais achevé contre la loi du silence et les omertas institutionnelles. D’indéniables efforts ont été faits pour améliorer l’accueil en institutions depuis les célèbres critiques de « l’hospitalisme », la mise en évidence de l’absence de vertus thérapeutiques en soi de la séparation et des carences induites par les fonctionnements ordinaires. Reste à exercer une vigilance accrue sur les dérives des pratiques professionnelles qui aboutissent à maltraiter, physiquement ou psychologiquement, des enfants confiés à des institutions qui doivent théoriquement les protéger et suppléer aux carences familiales. Il y a quelque chose de particulièrement révoltant dans l’idée que la mise à l’abri d’un enfant puisse se transformer en cauchemar à huis clos. Les facteurs, chroniques ou conjoncturels, propices à ces violences sont connus. Dans le guide récemment édité par la DGAS sur le sujet, on trouvera nombre d’informations utiles relatives à la prévention et à l’inspection des établissements d’accueil. Le devoir de signalement est une obligation légale qui s’impose à tous, encore faut-il qu’il soit rendu plus aisé. C’est le but de la création d’une cellule d’écoute spécialisée au SNATEM et d’une cellule nationale de suivi des maltraitances en institutions dont je souhaite qu’elle se coordonne avec celle que j’avais mise en place à l’Éducation nationale et dont Catherine Champrenault nous a parlé ce matin. C’est le but également du renforcement de la protection des travailleurs sociaux contre tout licenciement en rapport avec un signalement, initialement prévu dans le cadre du projet de réforme de la loi de 1975 et dont l’examen pourrait être avancé au 12 octobre dans le cadre du projet de loi du groupe socialiste contre les discriminations, solution à laquelle, vous l’imaginez, je suis naturellement favorable.

Les violences et abus sexuels dans les institution posent aussi la question du recrutement des personnels. Les fonctionnaires sont astreints à la production d’un extrait de casier judiciaire. Le ministère de la Jeunesse et des Sports a mis en place une commission de contrôle des embauches. Je souhaite que les personnels recrutés par le secteur associatif pour les établissements et services prenant en charge des mineurs ou accueillant des familles fassent l’objet d’une vérification préalable concernant leur absence de condamnation pour des faits contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs.

Quatrième domaine, déterminant pour que les bonnes intentions ne restent pas lettre morte et que ceux qui exercent dans des conditions difficiles soient épaulés comme ils le méritent : des formations adaptées à l’évolution du travail social et, pour tous, des outils de suivi, de coordination et d’évaluation.

L’articulation de l’aide à l’enfance et de l’aide à la famille, de plus en plus nécessaire en matière de prévention et d’accompagnement des mesures éducatives, fait appel à de nouveaux savoir-faire. C’est pourquoi il me paraît utile (j’en saisirai le Conseil supérieur du travail social au mois de novembre) que les schémas national et régionaux de formation des professionnels de l’aide sociale à l’enfance intègre cette dimension familiale.

En matière de protection de l’enfance, le plus puissant « gisement de productivité » réside peut-être dans un effort de coordination plus résolu des différents intervenants du secteur, coordination naturellement respectueuse des compétences de chacun et soucieuse de mieux organiser leur complémentarité. Dire cela n’a rien de particulièrement sulfureux : certains départements fonctionnent déjà de la sorte et l’efficacité des interventions en faveur de l’enfance en danger en est la première bénéficiaire. Je pense notamment à la démarche du département de la Meurthe-et-Moselle ou à celle du Puy-de-Dôme qui me paraissent des exemples convaincants de ces « bonnes pratiques » dont je souhaite promouvoir, auprès de tous, la diffusion. Je pense au remarquable dispositif mis en place par le Conseil général d’Ille-et-Vilaine : schéma départemental de l’ASE ; numéro vert ; charte de prévention et de protection de l’enfance en danger associant le président du Conseil général, les préfets de région et du département, le président du tribunal de grande instance, l’inspecteur d’académie, le président du conseil de l’ordre des médecins, le président de l’UNAF et le député-maire de Rennes ; guide pratique du signalement qui fourmille de renseignements précieux et de réponses aux questions que chacun peut être amené à se poser ; comité départemental de l’observation de l’enfance en danger avec tous les partenaires ; livrets d’accueil des enfants et des familles dont les enfants sont confiés à des établissements. Je pense aussi au département des Landes qui, outre la mise en service d’un numéro vert départemental précédant celle du SNATEM, a mis en place avec l’autorité judiciaire un recueil permanent des signalements, quelle que soit leur origine, ainsi qu’un protocole sur le circuit et les méthodes de signalement d’enfants en danger que j’avais, alors que j’étais ministre de l’Enseignement scolaire, signé avec le président du Conseil général.

Sur quoi doivent porter les efforts ? Beaucoup, ici, le savent :

  • sur l’amélioration du suivi et de la gestion des signalements reçus par les conseils généraux et les parquets, favorisée par la mise au point de guides du signalement et la généralisation d’observatoires locaux partagés ;
  • sur la confection d’une tableau de bord national de l’aide sociale à l’enfance accessible sur Internet, véritable outil de connaissance et d’évaluation des politiques mises en œuvre sur l’ensemble du territoire. Les professionnels en tireraient avantage et notre démocratie aussi, qui n’exclut pas, à ma connaissance, d’informer les citoyens sur les politiques publiques résultant des lois votées par le Parlement ;
  • c’est dans le même ordre d’idées que s’inscrit la relance des schémas départementaux des établissements et des services chargés de la protection de l’enfance à partir de l’évaluation en cours de l’Assemblée des départements de France et de la Protection judiciaire de la jeunesse ;
  • partenaires, les services de l’État le sont aussi les uns des autres sans que leur collaboration soit, il faut bien le dire, toujours exemplaire, exempte de concurrence et de susceptibilité (ne noircissons pas le tableau à l’excès : il est des endroits où ces vices coutumiers n’ont pas prise et la tendance, à l’usage, me semble être bien davantage au rapprochement qu’à l’ignorance mutuelle). Afin de renforcer ce cercle vertueux, je vais demander aux préfets, chefs des services de l’État, de mettre en place un groupe de coordination départemental de tous ceux qui sont partie prenante de la protection de l’enfance : procureurs chargés des mineurs, présidents de tribunal pour enfants, inspecteurs d’académie, DDASS, directeurs départementaux de la PJJ, chefs de service pédo-psychiatriques, responsables des services de polices et de gendarmerie, tous corps de métiers dont je sais qu’ils comptent aujourd’hui nombre de représentants dans cette salle et sur l’engagement desquels je compte pour que l’action de l’État sur le terrain soit à la fois plus juste et plus efficace, plus respectueuse de l’intérêt des enfants et plus attentive à offrir à ses personnels des conditions satisfaisantes d’exercice de leur métier. Les Caisses d’allocations familiales sont naturellement les bienvenues autour de cette table. Je souhaite que, dans chaque départements, une première réunion de ce groupe se tienne avant la fin de l’année et qu’un bilan soit tiré, pour le 31 mars 2001 , du circuit local de traitement et du fonctionnement du dispositif permanent de recueil des signalements prévu par la loi de 1989, du renforcement des dispositifs de prévention et du recensement des cas de maltraitances avérées dans les établissements locaux.

Enfin, je vous donne rendez-vous aux États généraux de l’Enfance maltraitée qui se tiendront à l’occasion de la prochaine journée nationale, en 2001, et dont je vous disais ce matin qu’ils seront organisés de telle sorte que le temps de débattre y soit plus généreusement accordé qu’aujourd’hui et que nombre des participants que nous avons dû refuser cette année puissent y être accueillis. Ces États généraux permettront notamment de faire, avec tous les acteurs de terrain, le bilan et l’évaluation de l’application des textes législatifs et réglementaires nombreux intervenus depuis les lois de décentralisation. Ce travail systématique n’a jamais été fait et vous conviendrez avec moi que cette mise à plat lucide n’est pas superflue.

Permettez-moi, pour conclure, de vous dire quelque chose qui me tient à cœur.

Votre travail est difficile parce que, du contact avec les enfants maltraités, nul ne sort indemne : nos certitudes en sont parfois bouleversées, notre confiance en l’efficacité de notre action parfois ébranlée, nos propres souffrances personnelles parfois ravivées.

Votre travail est difficile, aussi, parce que la violence des situations vécues par les enfants dont vous vous occupez n’épargne pas les relations que vous nouez avec eux. Parce que trouver la bonne distance, résister à l’appel d’une relation fusionnelle ou à la tentation d’une réaction de rejet, se garder de tout abus de pouvoir, même insidieux, et tenir toujours son rôle oblige à de constants efforts sur soi.

Vos métiers sont difficiles parce que vous affrontez des situations complexes dont toutes les dimensions ne sont jamais de votre seul ressort et parce que votre action doit s’articuler avec celle d’autres intervenants, aujourd’hui plus nombreux qu’hier.

Vous le savez bien, ce qui est nécessaire n’est pas pour autant aisé : il arrive que les identités professionnelles, de se frotter les unes aux autres, n’en soient pas toujours plus assurées. Il arrive que la considération que vous êtes en droit d’attendre ne soit pas au rendez-vous, qu’on vous reproche d’en faire trop ou pas assez. Il vous arrive aussi, certains me l’ont dit, d’avoir le sentiment d’être envoyés au charbon sans être suffisamment épaulés.

Je ne prétends pas avoir d’antidote magique à tous les doutes, toutes les solitudes, toutes les lassitudes mais certaines des dispositions que je compte mettre en place ont été conçues pour vous offrir de nouveaux points d’appui.

Peut-être la tâche de la ministre de la Famille et de l’Enfance est-elle aussi de mieux faire comprendre au pays l’importance de votre mission, sa difficulté et sa grandeur.

Je tenais à vous le dire.

Ainsi qu’à dire à tous mes remerciements pour votre participation à cette journée, sans oublier les valeureux intervenants qui nous ont apporté des expériences et des réflexions fort éclairantes.

Chacun de vous recevra bien sûr les Actes de cette journée.

Je vous souhaite infiniment de courage et d’obstination dans l’accomplissement de vos métiers ainsi que le goût persistant du travail en équipe et en réseau. Je vous remercie.


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