Une couche de neige recouvre la campagne autour de la ferme d’André Fourquet, toujours retranché avec ses deux enfants. Le siège dure depuis dix jours. Le monde entier a les yeux fixés sur Cestas. La pression de l’opinion publique est telle que le système judiciaire est obligé de temporiser.
Dans la matinée, Jean Bérenger, procureur de la République à Bordeaux, enregistre un message sur un magnétophone de l’O.R.T.F. :
« André Fourquet, c’est le procureur de la République qui vous parle. Votre attitude doit cesser. Il faut vous livrer aux autorités judiciaires et comprendre que cela est votre devoir, non pas tellement pour vous-même, mais pour vos enfants. Je sais que vous les aimez. Je sais que votre attitude actuelle est dictée par le souci de les protéger. J’ai pris avec le juge les mesures qui s’imposent pour qu’à votre demande ils soient placés dans une œuvre où ils retrouvent un peu de la chaleur humaine dont ils ont tant besoin… C’est aujourd’hui que je vous demande de sortir, sans arme, tenant par la main Aline et Francis… Toutes les garanties que la loi donne à un inculpé, quelle que soit la gravité de sa faute, vous seront données. »
Jean Rozier, bâtonnier de l’ordre des avocats de Bordeaux, ajoute : « Nous serons là, dès les premiers instants, à vos côtés, pour vous protéger, vous conseiller, vous venir en aide et sauvegarder en même temps que vos droits, ceux de vos enfants. »
André Fourquet reçoit à nouveau la visite du commandant de gendarmerie François Cardeilhac et du docteur Arnaud. Le médecin a apporté du lait et des biscuits à la ferme et a pu examiner les enfants dont l’état n’inspire toujours pas d’inquiétude. André Fourquet demande à nouveau que sa femme vienne le voir et déclare qu’il fera connaître sa décision ultérieurement.
Après ce long entretien d’une heure quarante, le commandant François Cardeilhac conclut devant les journalistes : « Je l’ai trouvé calme. Nous allons établir nos quartiers. Il faut attendre, attendre, attendre… »
Pendant ce temps, un événement imprévu se déroule : Gérard Leroux, un photographe de l’agence des Reporters associés, réussit à déjouer la surveillance des gendarmes pour s’introduire chez André Fourquet. Arrivé à Cestas mercredi 12, il est las de guetter derrière son téléobjectif, comme tous ses confrères.
Vers dix heures, il s’était approché de la ferme avec un confrère. Ce dernier, apeuré, reste à cinquante mètres du bâtiment, derrière un arbre. Gérard Leroux poursuit jusqu’au seuil. Entendant alors les voix du commandant François Cardeilhac et du docteur Arnaud à l’intérieur, et craignant de provoquer un incident, il attend leur départ derrière la maison. Peu après, il frappe à la porte et sollicite un entretien, qui lui est accordé.
Il prend de très nombreuses photographies qui permettent enfin de connaître l’atmosphère qui règne à l’intérieur de l’« antre du forcené ». Pour sa part, il ne peut que constater la vive affection que les enfants portent à leur père. En tout état de cause, le choc des mots comme « forcené » ou « otages » cède sous le poids des photos :
Il est à noter que, jusqu’à présent, la presse a dû se contenter d’une iconographie extrêmement réduite : en sus des clichés pris à l’extérieur, ne circulent qu’une photographie d’identité pour André Fourquet, et une photographie de famille pour ses deux enfants. L’agence de presse américaine Associated Press s’étant rapidement appropriée la diffusion de ces deux pièces, les photographies de Gérard Leroux vont de toute évidence susciter un extrême intérêt.
En début d’après-midi, vers 14 heures, le lieutenant-colonel Gérard, le commandant François Cardeilhac et un technicien de l’O.R.T.F., Pierre Amorena, se rendent à la ferme pour faire écouter à André Fourquet l’enregistrement réalisé ce matin. Gérard Leroux est toujours là ; André Fourquet le cache dans un appentis contigu à la salle à manger avant de faire entrer ses visiteurs. Ayant écouté les messages du procureur de la République et du bâtonnier, il répond simplement : « Je réfléchirai… »
La dernière visite de la journée est celle de trois avocats, Jean Rozier, bâtonnier de l’ordre des avocats de Bordeaux, et deux de ses confrères, Pierre Bianco-Brun et Pierre Gendre, qu’accompagnent le colonel Jean Lepoivre, le lieutenant-colonel Gérard et le commandant François Cardeilhac. À 16 h 15, Jean Rozier entre seul à la ferme du Sayet. Il en ressort quarante minutes plus tard et déclare qu’André Fourquet refuse toujours de se rendre à la justice. Il a renvoyé sa décision à plus tard.
À cette heure, personne ne peut prévoir une issue prochaine de l’affaire…
Revue de presse – France
Quatorze sujets sont abordés dans le journal radiophonique Inter actualités de 20 h 00 sur France Inter, présenté par Jean-Pierre David. L’affaire de Cestas, traitée par Gérard Berliet, correspondant local, grimpe à la deuxième place. On entend notamment la déclaration de Jean Rozier, bâtonnier de l’ordre des avocats de Bordeaux, après sa visite à André Fourquet.
Le Monde (nº 7494, daté du 15 février 1969) publie une correspondance de Bordeaux intitulée « André Fourquet résiste toujours. Un médecin et un officier de gendarmerie ont tenté en vain de lui faire quitter sa maison assiégée ».
Article archivé au format PDF (22 Ko, 1 p.).
À la une de La Nouvelle République du Centre-Ouest (nº 7422), André Fourquet occupe la troisième place du podium, derrière Georges Pompidou et Alain Delon. Le « forcené » aggrave son cas en se révélant de surcroît obstiné : « Fourquet, le forcené de Cestas, s’entête : “Il y a maintenant un mort entre nous” ».
À la une de La République des Pyrénées (nº 7450), André Fourquet occupe la tribune :
« Dramatique “suspense” à Cestas
« Depuis qu’il sait qu’il a tué un gendarme
« le forcené refuse de libérer ses enfants et de se rendre ».
Un article sur trois colonnes en page 15 passe en revue les différents événements d’hier. On peut notamment y lire la relation faite par le docteur Arnaud après son entretien avec André Fourquet.
Article archivé au format PDF (3.95 Mo, 2 p.).
André Fourquet occupe également largement la une du grand quotidien régional Sud-Ouest (nº 7611), illustrée d’une photographie de la ferme du Sayet. Si celui de Georges Pompidou est encore hypothétique, le « destin national » d’André Fourquet est d’ores et déjà assuré… La relation des obsèques du gendarme Jean-Lucien Caratala est donnée sur deux colonnes à la page 6.
« CESTAS : après une journée de pourparlers
« André Fourquet n’a pas tiré les trois coups de feu de la reddition…
« …et le siège se poursuit »
À la page 22, un article de François Rivière donne une relation détaillée de la journée d’hier. Nous y relevons ce passage :
« L’entrevue du médecin a enfin confirmé ce que les forces de l’ordre supposaient déjà. Aline et Francis ne sont pas ses otages mais ses alliés : lorsque Fourquet envisage la possibilité d’un suicide collectif, ceux-ci ne cessent pas de sourire comme s’ils préféraient cette éventualité plutôt que de retourner auprès de leur mère. »
Sud-Ouest ne nous autorise malheureusement pas la reproduction de ces articles ici…
Revue de presse – Espagne
ABC, quotidien espagnol édité à Madrid, publie une dépêche de l’agence EFE en page 23.
Traduction P@ternet
« Suite du siège de la maison d’un mari irascible
« Paris 13. Un médecin a visité l’enfant Aline qui est malade, dans la maison où le forcené de Cestas André Fourquet est terré avec ses deux enfants, après avoir tiré mardi sur un policier, le tuant.
Il semble que la décision de se retrancher a été causée par l’abandon du domicile conjugal par sa femme et la crainte que leurs enfants lui soient confiés.
La police continue d’encercler la maison, et de nombreux photographes et journalistes se trouvent à proximité.
Désarmé et à pied, le commandant Cardeilhac, de la gendarmerie nationale, est venu à la maison pour délivrer à l’“assiégé” une ordonnance du juge en vertu de laquelle les deux enfants seraient confiés à une institution de secours aux enfants à Andernos, non loin de Bordeaux.
Le commandant, après avoir parlé quelques minutes avec Fourquet, est sorti sain et sauf.
Les forces de sécurité, qui ont initialement envisagé de donner l’assaut à la maison, hésitent maintenant, de peur qu’André, armé de deux fusils, tue ses enfants et se suicide.
Dans une déclaration à la radio, sa femme a exprimé la même crainte. »
Article archivé au format PDF (612 Ko, 2 p.).
Revue de presse – Pays-Bas
De Stem (nº 26045), quotidien régional du sud-ouest des Pays-Bas édité à Breda, publie une correspondance de Bordeaux à la page 9.
Traduction P@ternet
« L’agriculteur français ne s’est pas rendu
« (De notre correspondant)
« BORDEAUX – Le fermier de trente-huit ans André Fourquet de Bordeaux n’a pas pu décider jeudi de se rendre au commandant de la gendarmerie, qui maintient la ferme cernée par une centaine d’hommes. Un médecin parisien est venu à la ferme jeudi matin et jeudi après-midi afin de le convaincre de mettre un terme au danger qui pèse sur la tête des enfants, mais il a échoué dans cette tentative. Le commandant de la gendarmerie s’est armé de courage et a marché les mains dans les poches jusqu’à la ferme.
« Grâce à un contact par haut-parleur qu’ils ont eu ces derniers jours ensemble, André connaît le commandant et il n’a pas fait d’objection à la venue du médecin et du colonel de la gendarmerie. On espérait beaucoup que le commandant allait réussir là où avait échoué le médecin. Parce qu’il avait dans sa poche une lettre du tribunal pour enfants, où il est écrit noir sur blanc que les trois enfants – la fille aînée n’est pas barricadée dans la ferme – sont retirés à la garde de la mère pour être confiés à un conseil de tutelle. Ainsi a été accompli l’un des souhaits du père. L’agriculteur a ensuite donné au commandant un vague engagement de se rendre jeudi après-midi à deux heures, mais il a changé d’avis. Jeudi soir, l’obscurité est tombée sans qu’André ait fait mine de se rendre.
« C’est un fait regrettable que l’agriculteur sache depuis mercredi soir qu’il a tué un policier. Il a pu réparer son transistor et peut donc à nouveau écouter la radio. Il a appris la mort de l’agent par les informations, ce qui a été confirmé jeudi matin lors de la visite du médecin parisien. Il a réagi comme un homme abattu. Le médecin n’a pas douté un instant de la sincérité de ses regrets. Le siège de la ferme peut donc encore durer plusieurs jours. Le commandant de la gendarmerie a décidé provisoirement qu’il adopterait une approche prudente et qu’il irait à la ferme seulement quand André l’appellerait. »
Article archivé au format PDF (3.26 Mo, 2 p.).
Revue de presse – Suisse
La Liberté (nº 112), quotidien catholique-conservateur édité à Fribourg, capitale du canton éponyme, publie une dépêche de l’Agence France Presse à la page 32.
Article archivé au format PDF (21.6 Mo, 2 p.).
Le Peuple – La Sentinelle (nº 36), quotidien socialiste suisse édité à La Chaux-de-Fonds, dans le canton de Neuchâtel, publie une brève en page 8.
Article archivé au format PDF (22.7 Mo, 2 p.).
La Nouvelle Revue de Lausanne (nº 37), quotidien suisse de langue française édité à Lausanne, capitale du canton de Vaud, publie une dépêche de l’Agence France Presse en page 6.
Article archivé au format PDF (6.06 Mo, 2 p.).
La Feuille d’avis de Neuchâtel (nº 37), quotidien suisse de langue française édité à Neuchâtel, chef-lieu du canton éponyme, publie un long article dont le titre fait la une : « BORDEAUX : LE FORCENÉ N’A PAS DÉSARMÉ ». La publication sur deux pages ne nous en permet pas la reproduction ici.
Article archivé au format PDF (8.11 Mo, 2 p.).
Le Confédéré quotidien (nº 37), journal d’opinion édité par le parti radical-démocratique valaisan à Sion, dans le canton du Valais, publie une correspondance de Bordeaux en page 6.
Article archivé au format PDF (5.14 Mo, 2 p.).
Le Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais (nº 37), quotidien régional francophone également édité à Sion, publie une brève en page 24.
Article archivé au format PDF (5.85 Mo, 2 p.).
Revue de presse – États-Unis
Le Fort Lauderdale News (Vol. 59, nº 114), quotidien édité à Fort Lauderdale, en Floride, publie une dépêche de l’agence Associated Press à la page 4C.
Article archivé au format PDF (2.40 Mo, 2 p.).
Revue de presse – Brésil
À la une du Diário de Notícias (nº 295), quotidien brésilien édité à Porto Alegre, est publiée une dépêche d’agence (Folhapress si nous identifions correctement le sigle FP-DN).
Traduction P@ternet
« Un père traqué menace de mort les enfants
« CESTAS, sud-ouest de la France, 13 (FP-DN) – Des millions de Français bouleversés suivent ce soir par la radio et la télévision le drame d’un homme harcelé par la police pendant dix jours et qui a menacé de tuer ses enfants s’ils essayaient de l’arrêter. Des dizaines d’envoyés spéciaux de la presse ont monté la garde pour la cinquième journée consécutive devant une ferme dans cette petite ville où s’est réfugié André Fourquet, un contremaître de trente-huit ans, avec ses enfants de onze et huit ans. Fourquet a tué mardi un officier de police d’une balle dans le cœur avec un fusil à lunette de visée, et a annoncé ce matin qu’il se livrerait, mais a bientôt renoncé. Un médecin qui a visité Fourquet a dit qu’il n’est pas fou, mais un cas particulier d’amour paternel paroxystique. Divorcé il y a quelques mois, Fourquet a refusé de rendre ses enfants après une des visites périodiques qu’ils lui ont faite comme prévu dans le divorce. Le commandant de la force publique qui a aussi parlementé avec lui a été incapable de le convaincre de se rendre. Fourquet a appris par la radio que l’un de ses tirs a frappé un policier qui a été enterré aujourd’hui. »
Article archivé au format PDF (770 Ko, 1 p.).