Le texte qui suit est pour l’essentiel extrait du rapport statutaire présenté lors de la première assemblée générale de notre association, tenue à Paris le 28 février 2019.
Une association « en même temps » si ancienne et si jeune
Une association ancienne, puisque la création du collectif P@ternet remonte au début de l’automne 1999, il y a donc vingt ans. C’est en effet le 11 septembre 1999 qu’a été créé un lieu d’échange entre pères divorcés cherchant à réformer les lois sur le divorce en général et ce qu’on appelait alors la garde des enfants en particulier : l’iClub Paternet [1]. Il s’agissait d’une liste de diffusion, utilisant le service Voila Club de France Télécom, lancé au mois d’avril précédent. Le procédé est devenu plutôt obsolète de nos jours, mais son fonctionnement est simple : il suffit de s’abonner à la liste en donnant son adresse électronique ; ensuite, tout courriel envoyé à l’adresse de la liste est diffusé à tous les abonnés.
L’initiative émanait de pères adhérents de diverses associations (notamment le Mouvement de la Condition masculine – Soutien de l’enfance, SOS PAPA et Défense des enfants séparés d’un de leurs parents), désireux de transcender les divergences associatives – euphémisme pour ne pas parler de querelles d’égos – et collaborer à une même fin.
Parallèlement, le Mouvement de la Condition masculine commença à héberger sur son site web (sos-divorce.org, aujourd’hui disparu) un espace dévolu au collectif.
Suite aux dysfonctionnements du portail Voila apparus après la rupture entre France Télécom et son sous-traitant américain eGroups.com en avril 2000 [2], la liste de diffusion fut abandonnée. Les premiers messages peuvent cependant encore être lus sur Yahoo! Groups, acquéreur d’eGroups.com en août 2000 [3].
La liste de diffusion fut alors remplacée par un espace de discussion publique plus élaboré, un forum web dénommé paternet.net, qui a réuni pendant près de quinze ans une communauté d’internautes essentiellement composée de pères divorcés ou séparés. Le fonctionnement d’un forum est bien connu : les discussions entre membres se déroulent sous forme de « fils » chronologiques et thématiques de messages, les topic threads. Les inconvénients d’un tel système sont également bien connus : de même que la bonne conduite d’une réunion nécessite la présence d’un « animateur », le bon fonctionnement d’un forum requiert de ses utilisateurs qu’ils acceptent et mettent en œuvre un « code de bonne conduite », et pour que celui-ci soit effectivement respecté, à l’instar du code de la route, il est également nécessaire que le forum soit sous la surveillance d’un ou plusieurs modérateurs, chargés de bannir les indésirables (floods, spams ou trolls), limiter les tensions entre participants, ré-aiguiller les messages hors-sujet, supprimer un fil de discussion ou des messages, etc. Avec le seul support logistique du Mouvement de la Condition masculine – Soutien de l’enfance et animé par une poignée de bénévoles, paternet.net a longtemps souffert de l’absence d’une modération efficace.
De P@ternet 1.0 à P@ternet 2.0
Quoi qu’il en soit, cette liste de diffusion, puis ce forum web, ont constitué la première forme du collectif P@ternet, qu’on pourrait surnommer P@ternet 1.0.
D’un point de vue « institutionnel », le collectif se présentait ainsi :
Comme il ne s’agit pas de relater ici toute l’histoire du collectif, histoire qu’il faudrait cependant écrire un jour, nous nous contenterons de donner quelques exemples illustrés de son activité :
Manifestation du collectif P@ternet à Paris le 16 mars 2002 – on peut voir ci-dessous : Marc Pradet (président du Mouvement de la Condition masculine – Soutien de l’enfance), Philippe Veysset (président de Défense des enfants séparés d’un de leurs parents), Michel Thizon (président de SOS PAPA), Gilles Garnier (secrétaire général du Mouvement de la Condition masculine – Soutien de l’enfance) et Dominique Lestrelin (Défense des enfants séparés d’un de leurs parents).
Disparition progressive de P@ternet 1.0
Le 13 mars 2012, Jacques Lavau, un ingénieur de la région lyonnaise et contributeur très actif du forum, annonça la mort imminente du site :
Le 8 février 2014, le compte Twitter du défunt site web féministe Mascuwatch, animé par la twittoridienne et twystérique Stephanie Lamy, proclama que « paternet n’existe plus » :
Le 12 juin 2014, Jacques Lavau publia à son tour un faire-part :
Le nom de domaine « paternet.net » fut effectivement abandonné, entraînant la disparition du forum éponyme. Il en existe heureusement des sauvegardes sur les serveurs de l’organisme américain Internet Archive, qui a également sauvegardé le site web du Mouvement de la Condition masculine hébergeant les pages statiques du collectif. Quelques pages du forum ont aussi été archivées sur les multiples sites de Jacques Lavau :
Naissance de P@ternet 2.0
Plusieurs militants de la cause paternelle – des vétérans et des plus jeunes – ont pensé qu’il était nécessaire de poursuivre leur combat en dehors d’associations dont ils connaissaient les limites. Ils avaient notamment tous pris conscience qu’un problème de fond était superbement ignoré par lesdites associations, et qu’il était nécessaire de le traiter en priorité : l’éradication de la paternité dans la société dite moderne [4]. Ce fut la naissance de P@ternet 2.0, précédée d’une période de gestation assez longue. La relation détaillée n’en serait pas opportune ici ; nous n’en relèverons que les étapes les plus importantes.
Vérifications faites auprès des instances idoines, le nom de domaine « paternet » était disponible et n’avait pas fait l’objet d’un dépôt de marque. Alliant l’antiquité – ou le classicisme – du gréco-latin πατήρ/pater à la modernité – ou la « modernitude » – de l’anglais net, le nom pouvait donc être conservé.
Un web designer professionnel proposa gracieusement une palette graphique de base…
… à partir de laquelle fut conçu un nouveau logo. Il ne paraissait en effet pas souhaitable de réutiliser le logo original, un peu trop rudimentaire au goût de certains, mais l’esprit en a été conservé :
Pour la petite histoire, le nouveau logo aurait aussi pu être l’une ou l’autre de ces quelques idées :
Il fut ensuite procédé à l’enregistrement du nom de domaine « paternet.fr » en mars 2016 – pour diverses raisons, il ne parut pas pertinent de reprendre le nom de domaine original « paternet.net ». Enfin, après le temps nécessaire pour louer un hébergement web, choisir, installer et paramétrer un système de gestion de contenu (WordPress), etc., P@ternet 2.0 a pu voir le jour, sous la forme connue aujourd’hui.
Apparut également la nécessité de donner au collectif une réalité juridique plus consistante qu’autrefois, afin, par exemple, de pouvoir exercer des recours collectifs (sur le modèle des class actions anglo-saxonnes) ou d’organiser en son nom propre des manifestations en tous genres. Le « collectif P@ternet », comme ses créateurs l’ont eux-mêmes dénommé, constituait une « association de fait » – c’est l’appellation d’usage – régie par les deux premiers articles de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, sans autorisation ni déclaration préalable :
Article 1
L’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations.
Article 2
Les associations de personnes pourront se former librement sans autorisation ni déclaration préalable, mais elles ne jouiront de la capacité juridique que si elles se sont conformées aux dispositions de l’article 5.
Réunissant les participants d’un forum web, le collectif P@ternet était donc bien une véritable association d’un point de vue légal, ayant notamment pour buts des actions auprès des acteurs gouvernementaux (députés, ministres, président de la République, sénateurs), des actions de soutien dans les tribunaux européens et français, la communication entre tous des informations glanées par chacun, des interventions auprès des médias, le soutien psychologique de ses membres, etc. Le modèle de l’« association de fait » a cependant ses limites, qui sont celles de tous les mouvements inorganisés. Tout particulièrement, l’absence de « capacité juridique » restreint considérablement les possibilités d’action.
Il fut donc décidé de créer une association régie par les autres dispositions de la loi du 1er juillet 1901, en procédant aux formalités de déclaration en préfecture à la fin de l’année 2017. Pour autant, l’association n’a pas fait disparaître le collectif, ce vocable désignant désormais tous ceux et toutes celles qui, sans être adhérents formels de l’association, gravitent autour d’une façon ou d’une autre – les sympathisants de l’association en quelque sorte.
Comme dit précédemment, l’histoire complète du collectif reste à écrire – de préférence avant que ses principaux acteurs aient tous disparu [5] – mais cette rapide présentation permet au moins de savoir d’où nous venons.
Notes
- Page d’accueil : http://club.voila.fr/group/paternet/.
- Cf. Batteau (Jérôme), « Listes de diffusion : Voila et Egroups se déchirent, les internautes paient l’addition », Le Journal du Net, 6 avril 2000.
- Page d’accueil : https://fr.groups.yahoo.com/neo/groups/paternet/info. Attention, ne tentez pas de rejoindre ce groupe, piraté depuis longtemps !
- La « Note sur la déconsidération des pères dans la société contemporaine » rédigée par un de nos collaborateurs en fournit une bonne illustration.
- Nous avons notamment déjà été affectés par la disparition d’un des pères fondateurs de P@ternet, Christophe Henry, en mai 2017.