Une chanson de notre camarade Éric Manceau.
« Ça fait un an, deux mois, trois jours, et ce matin,
Que je n’arrive pas à m’habituer à l’ambiance de cette chambre vide,
À ne plus voir, sur les meubles, aucune trace de petites mains,
Au silence du parquet, aux journées insipides.« Tout a un peu changé, alors que tout reste là.
Y’a toujours l’échiquier, des pièces qu’on ne dépoussière pas,
Les ciseaux de gaucher, un bureau d’écolier,
La toise s’est arrêtée, les livres ne prennent plus l’air,
La bibliothèque trop bien rangée, le temps sait se taire.« Je viens de recevoir ton bulletin scolaire,
C’est mes seules nouvelles de toi, t’es toujours l’élève exemplaire,
Qui grandit, mais sans moi.
Sur les étagères, tes habits neufs qui ne te vont sûrement plus, déjà.
Ils feront plaisir à d’autres, le Secours populaire me remerciera.
Les tailles changent plus vite que la mode à cet âge-là.« Le petit Prince est parti,
Les étoiles avec lui.
C’est ici ta planète, tu te rappelles ?
Il nous en reste à vivre,
Il reste des pages au livre.
La vie continue, mais laquelle ?« Ça fait un an, deux mois, trois jours, et ce matin
Que je croise de temps en temps dans l’ascenseur des voisins
Qui me demandent des nouvelles du p’tit gamin.
Là, je réponds : “Il va bien.”
Je l’espère, bien sûr, mais en fait, j’en sais rien.« Je vois tous les jours cette chambre vide,
Ces volets qu’on doit ouvrir et fermer,
Pour qui ? Pourquoi ?
Il paraît, c’est lucide,
Que je devrais la transformer,
En faire une chambre d’ami.
Pour qui ? Pourquoi ?« Tu dois m’en vouloir,
Tu dois être en colère.
Qu’est-ce qui se passe ?
Je devais toujours être là,
J’avais promis, j’avais promis.« Tu peux me croire,
Je suis ton père.
Rien ne prendra jamais ta place,
J’me bats pour toi,
C’est ce que j’ai dit, j’ai pas menti.« Le petit Prince est parti,
Les étoiles avec lui
C’est ici ta planète, tu te rappelles ?
Il nous en reste à vivre,
Il reste des pages au livre.
La vie continue, mais laquelle ?« Ça fait un an, deux mois, trois jours, et ce matin,
Que je te vois partout, les bons souvenirs font mal.
À chaque enfant que je croise, main dans la main avec un de ses parents, vivant leur vie normale,
Dans les rues, j’en vois qui passent souvent.
Moi, je f’sais jamais attention, j’étais l’un d’entre eux, avant.« En même temps, je n’essaye pas de te rencontrer, je ne dois pas déranger,
Je dois rester à ma place, disparaître, devenir un étranger.
Et puis j’aurais peur de lire dans ton regard toutes les questions que tu te poses,
Que je sois l’indésirable, et puis que ta mère s’interpose.« Ta guitare dans sa housse, on ne l’entend pas.
Carcassi, Mozart, Bach, ça lui manque le classique,
Mais ça, c’est la musique.
Tes jouets au placard, les photos qui jaunissent :
T’es toujours là.
Malgré ton absence.
Comme une scène de spectacle,
Quand on attend l’artiste, qui ne viendra pas.
C’est pas bientôt fini, ce silence ?« Le petit Prince est parti,
Les étoiles avec lui.
C’est ici ta planète, tu te rappelles ?
Il nous en reste à vivre,
Il reste des pages au livre.
La vie continue, mais laquelle ?« Moi, je suis l’aviateur,
J’ai cassé mon moteur.
C’était toi, ma planète, mon Noël.
Il nous en reste à vivre,
Il reste des pages au livre.
La vie continue, mais laquelle ? »