Question sur le dysfonctionnement des services chargés de l’égalité entre les sexes

Sénat

Masson (Jean-Louis), question orale nº 1827S à la ministre déléguée, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, sur le dysfonctionnement des services chargés de l’égalité entre les sexes [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 38 S (Q), 30 septembre 2021, p. 5561].

Jean-Louis Masson (© D.R.)

Jean-Louis Masson (© D.R.)

M. Jean-Louis Masson attire l’attention de Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes sur une discrimination flagrante, les femmes étant évincées de l’héritage de certains droits d’affouage dans les communes de l’ancien comté de Dabo. Il s’agit de règles coutumières confirmées successivement par la cour d’appel de Colmar et pendant l’annexion de l’Alsace-Lorraine par l’Allemagne, par la cour d’appel de Leipzig. Cette situation est doublement scandaleuse. D’une part, parce que la France qui prétend donner des leçons à d’autres pays étrangers (notamment à des pays musulmans), devrait veiller à être elle-même exemplaire. D’autre part, parce que la ministre chargée de la parité aurait dû immédiatement réagir lorsque son attention a été attirée sur des règles aussi scandaleusement discriminatoires. Or deux questions écrites, la question écrite nº 18969 du 19 novembre 2020 et la question écrite nº 24180 du 5 août 2021, sont restées sans réponse. Pire, au lieu de gérer ce dossier, le ministère l’a transféré au ministère de l’agriculture, lequel, sauf erreur, n’a pas la compétence en matière d’égalité hommes-femmes. Outre la procédure de rappel publiée au Journal officiel du Sénat, une dizaine d’appels téléphoniques auprès du cabinet du ministre sont restés sans réponse. Il lui demande donc quelles sont les mesures envisagées pour remédier au plus vite à la discrimination susvisée. Il lui demande aussi quelle est l’explication d’une telle désinvolture et d’une telle carence pour remédier au problème en cause.


Réponse du ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, lors de la séance publique du 7 octobre 2021.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Masson, auteur de la question nº 1827, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

M. Jean-Louis Masson. Madame le ministre, il existe dans les communes de l’ancien comté de Dabo une discrimination flagrante en matière d’héritage entre les hommes et les femmes. Cette discrimination provient d’un arrêt de la cour d’appel de Colmar, confirmé par la cour d’appel de Leipzig à l’époque de l’Alsace-Lorraine.

Je vous avais interrogée une première fois le 19 novembre en vous demandant pourquoi vous tolériez que certains droits ne puissent pas être hérités par les femmes. Vous ne m’avez pas répondu. Je vous ai de nouveau posé une question écrite le 5 août 2021. Vous ne m’avez toujours pas répondu.

C’est ce qui m’a amené à poser la question orale publiée au Journal officiel du 30 septembre 2021. Il vous suffit de lire les questions concernées pour comprendre le problème. Maintenant, j’attends une réponse !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Élisabeth Moreno (© D.R.)

Élisabeth Moreno (© D.R.)

Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le sénateur, ma collaboratrice parlementaire a reçu une demande de prise de contact par mail, sans autre indication – c’était simplement une prise de contact –, le 26 août dernier. À son retour de congé, le 2 septembre, elle a immédiatement répondu à votre message. Vous ne lui avez pas indiqué en retour ce que vous attendiez.

Si je comprends bien, vous vous plaignez de ne pas avoir eu de réponse de la part de mon cabinet alors que vous avez adressé des questions au ministère de l’agriculture. Vous savez que je suis ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Je ne pouvais donc pas répondre à un message envoyé à un ministère autre que le mien.

Sur le fond, vous attirez mon attention sur le régime dit du « bois bourgeois », qui est en vigueur dans les communes de l’ancien comté de Dabo.

Les droits d’usage forestier sont un héritage du droit féodal, que le code forestier de 1827 fait perdurer jusqu’à nos jours, excluant toute nouvelle possibilité de reconnaître de nouveaux droits d’usage dans les bois et forêts de l’État, sous quelque prétexte que ce soit.

Parmi ces droits d’usage, il existe un droit dit du « bois bourgeois », qui consiste en la délivrance de tronçons d’arbres résineux, et ce par tirage au sort annuel, au bénéfice des usagers remplissant les conditions de délivrance. Datant de l’Ancien Régime, ce droit ne reconnaît la qualité d’usagers qu’aux hommes. Malheureusement, ce n’est pas le seul.

Il est effectivement très étonnant que, de nos jours, persiste un dispositif excluant les personnes de sexe féminin non mariées. Seules les veuves peuvent conserver le droit acquis par leur mari, dans une mesure réduite, jusqu’à leur remariage.

De telles dispositions portent clairement atteinte au principe de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. Vous pouvez donc imaginer combien j’aurais été heureuse de répondre à votre question.

Il apparaît nécessaire de faire évoluer les pratiques en la matière. C’est la raison pour laquelle de telles dispositions seront réinterrogées à l’occasion d’une prochaine loi forestière.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour la réplique.

M. Jean-Louis Masson. Tout d’abord, madame le ministre, la question écrite initiale, c’est à vous que je l’avais posée. Et c’est vous qui l’avez transmise au ministère de l’agriculture. Cela figure clairement au Journal officiel !

Ensuite, j’avais contacté votre directrice de cabinet, Mme Martin, ancienne sous-préfète de Sarrebourg ; elle ne m’a jamais répondu. Je l’ai eue au téléphone ; elle ne m’a jamais répondu. Et je n’ai eu aucun contact avec la personne dont vous parlez.

De toute manière, si vous aviez répondu dans le Journal officiel à la question écrite que je vous avais posée, comme c’est la règle, il n’y aurait eu aucun problème.

Sur le fond, je trouve tout de même stupéfiant que la ministre de l’égalité entre les hommes et les femmes ne soit pas choquée par une discrimination et ne fasse rien pour y mettre un terme, car ce sont bel et bien les femmes qui n’ont pas accès au droit à hériter des droits d’affouage ! Renvoyer le règlement de cette question à une loi forestière – vous n’avez même pas pris l’engagement de déposer un amendement en ce sens –, c’est tout de même un peu léger !

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Louis Masson. Nous parlons d’un problème très grave, peut-être pas sur les montants, mais au moins sur le principe !

M. le président. Concluez, monsieur Masson !

M. Jean-Louis Masson. La France, qui donne des leçons au reste du monde, ferait bien de commencer par balayer devant sa porte !

Mise à jour du 8 octobre 2021

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