Question sur la délivrance par les avocats d’une attestation permettant à leur client de venir les consulter pendant le couvre-feu

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 38 S (Q), 30 septembre 2021

Bourgi (Hussein), question écrite nº 20852 au ministre de la Justice sur la délivrance par les avocats d’une attestation permettant à leur client de venir les consulter pendant le couvre-feu [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 7 S (Q), 18 février 2021, pp. 1097-1098].

Hussein Bourgi (© D.R.)

Hussein Bourgi (© D.R.)

M. Hussein Bourgi attire l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation particulièrement préoccupante des cabinets d’avocats du département de l’Hérault, qui ne sont plus en mesure de recevoir certaines catégories de clients après le couvre-feu de 18 heures et ce, depuis le début du mois de février 2021.

En effet lors de l’entrée en vigueur en janvier 2021 du couvre-feu à 18 heures, la préfecture de l’Hérault avait permis aux cabinets d’avocats de poursuivre leurs activités professionnelles, afin de pouvoir recevoir leurs clients au-delà de cet horaire. Une attestation devait alors simplement être remise par l’avocat à son client.

Mais, depuis le début du mois de février 2021, date à laquelle a été prise la décision de laisser seulement certains commerces ouverts après 18 heures, cette règle a changé. Dans un courrier du 3 février 2021 adressé aux barreaux, il a été signifié aux avocats que la remise de telles attestations, garantissant la circulation des justiciables « particuliers » après le couvre-feu n’était plus permise.

Il apparaît désormais qu’il y a une évidente disparité de traitement selon les départements et une fâcheuse inégalité pour les justiciables dans l’accès à un avocat. En effet, dans certains départements, les avocats peuvent recevoir tous leurs clients sans distinction après 18 heures ; dans d’autres départements voisins, cette possibilité est réservée à certaines catégories de clients : collectivités locales et commerces.

Les particuliers, eux, ne peuvent désormais plus bénéficier de cette souplesse.

Ce constat factuel est incompréhensible, dans la mesure où ce sont les particuliers qui se trouvent le plus souvent dans des situations de détresse, ou ont de faibles possibilités de s’absenter de leur poste de travail pendant les heures de bureau.

Le métier d’avocat ne s’arrête pas à 18 heures. Ces professionnels continuent à plaider après le couvre-feu, et à se rendre aux gardes à vue bien au-delà de cet horaire.

Ainsi, et en conséquence, les droits des justiciables ne sauraient s’arrêter avec la mise en place d’un couvre-feu, d’autant plus lorsque les justiciables concernés travaillent et ne peuvent se libérer dans la journée pour rencontrer leur avocat.

Cette situation inique impacte notamment le traitement d’affaires graves ou délicates, comme celles concernant des femmes en proie à des violences conjugales ou intrafamiliales, ou celles d’étrangers éprouvant des difficultés à renouveler leur titre de séjour (d’autant plus que l’accès aux services préfectoraux est encore plus dégradé depuis l’apparition de la Covid-19).

Il est nécessaire de rappeler que les avocats concourent au quotidien au respect des libertés publiques et des droits fondamentaux ; ils contribuent aussi au bon fonctionnement de la justice telle que nous la concevons dans un État de droit.

Avocats comme particuliers pâtissent aujourd’hui de cette situation. Les premiers parce qu’ils vont se trouver contraints à ouvrir leurs cabinets pendant le week-end pour recevoir les clients ne pouvant se libérer en semaine. Les seconds parce que prendre rendez-vous avec leur avocat pendant leur temps de travail (hors week-end) signifierait pour nombre d’entre eux une perte de revenu non négligeable.

Ainsi il lui demande d’adresser une circulaire à tous les préfets pour uniformiser, rationaliser et harmoniser les pratiques : il est souhaitable qu’une attestation puisse être remise par les avocats à leurs clients après 18 heures, afin que ceux-ci ne soient pas inquiétés lorsqu’ils ont recours à leurs services pendant le couvre-feu.

Il en va de l’efficacité et de la continuité de notre système judiciaire, et de la nécessaire préservation des droits de tous les justiciables.


Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 38 S (Q), 30 septembre 2021, p. 5647.

Éric Dupond-Moretti (© D.R.)

Éric Dupond-Moretti (© D.R.)

L’article 4 du décret nº 2020-1310 du 29 octobre 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, a été modifié par le décret nº 2021-248 du 4 mars 2021. Cette modification autorise les déplacements après l’heure du couvre-feu fixée à partir de 18 heures jusqu’à 6 heures du matin, pour se rendre chez un professionnel du droit (5º du I), sous réserve de se munir d’un document justifiant que le déplacement entre dans le champ de l’exception prévue par le décret. Les versions successives de ce décret ont maintenu la dérogation au couvre-feu pour se rendre chez un professionnel du droit. Ainsi, dans sa version actuelle, issue du décret nº 2021-541 du 1er mai 2021, l’article 4 du décret du 29 octobre 2020 autorise toujours les déplacements après 19 heures pour se rendre chez un professionnel du droit pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance, sous réserve de se munir d’un document justifiant que le déplacement entre dans le champ de la dérogation au couvre-feu.


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