Constitutionnalité de la révocation d’un avantage matrimonial en cas de divorce

Conseil constitutionnel

La réforme du divorce introduite par la loi nº 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce a notamment supprimé la révocation automatique des avantages matrimoniaux en cas de divorce aux torts exclusifs. Cette mesure a été appliquée dans toutes les procédures introduites à compter du 1er janvier 2005, et a donc concerné les avantages matrimoniaux stipulés antérieurement. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé aujourd’hui sur sa constitutionnalité en répondant à une question prioritaire de constitutionnalité qui lui avait été transmise le 5 novembre dernier par la Cour de cassation.

En l’espèce, un couple marié sous le régime de la communauté légale avait adopté en juin 2001 le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts avec convention préciputaire, l’épouse apportant à la communauté, avec dispense de récompense, divers biens propres pour un montant de 45 700 000 euros… Ce changement de régime matrimonial avait été homologué par jugement en décembre 2001.

La cour d’appel de Versailles avait prononcé en février 2015 le divorce des époux aux torts exclusifs de l’époux. La Cour de cassation avait rejeté en juillet 2016 le pourvoi formé contre cette décision par l’ex-épouse, laquelle avait fait grief à l’arrêt de dire qu’elle ne pouvait exercer de reprise ni de récompense sur ses apports en communauté réalisés en juin 2001, en retenant qu’il résultait de l’article 33-I et II de la loi nº 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce que ce texte était applicable aux procédures introduites par une assignation délivrée après le 1er janvier 2005, date de son entrée en vigueur, et qu’en vertu de telles dispositions transitoires, la loi nouvelle avait vocation à s’appliquer en toutes ses dispositions concernant les conséquences du divorce pour les époux, y compris celles afférentes au sort des avantages matrimoniaux, peu important la date à laquelle ceux-ci avaient été stipulés.

L’ex-épouse avait alors assigné en responsabilité le notaire ayant reçu l’acte de changement de régime matrimonial en juin 2001. La cour d’appel de Paris avait reconnu en novembre 2019 que le notaire avait effectivement manqué à son devoir de conseil et de mise en garde à l’occasion du changement de régime matrimonial, ayant causé à l’ex-épouse la perte d’une chance d’introduire une clause de reprise des apports dans l’acte de changement de régime matrimonial.

À l’occasion du pourvoi en cassation qu’il avait formé contre cet arrêt, le notaire avait demandé le renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité :

« Les dispositions des I et II de l’article 33 de la loi nº 2004-439 du 26 mai 2004, en ce qu’elles disposent selon la portée que leur donne la jurisprudence constante de la Cour de cassation [1], que cette loi est applicable aux procédures introduites par une assignation délivrée après le 1er janvier 2005, date de son entrée en vigueur, et qu’en vertu de telles dispositions transitoires, la loi nouvelle a vocation à s’appliquer en toutes ses dispositions concernant les conséquences du divorce pour les époux, y compris celles afférentes au sort des avantages matrimoniaux, peu important la date à laquelle ceux-ci ont été stipulés, méconnaissent-elles la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en remettant en cause les effets qui pouvaient être légitimement attendus d’une situation légalement acquise ? »

Comme on pouvait s’y attendre, le Conseil constitutionnel a répondu par la négative, jugeant que l’application, dans un divorce demandé après le 1er janvier 2005, du principe de non révocation automatique des avantages matrimoniaux en cas de torts exclusifs à des avantages consentis avant l’entrée en vigueur de cette règle est bien conforme à la Constitution :

« 11. [Les] époux ayant consenti des avantages matrimoniaux sous l’empire du droit antérieur à la loi du 26 mai 2004 ne pouvaient légitimement s’attendre à ce que ne s’appliquent pas aux divorces prononcés après l’entrée en vigueur de cette loi les nouvelles règles relatives à la révocation des avantages matrimoniaux en cas de divorce. »

Note de P@ternet
  1. Voir par exemple : arrêt du 1er décembre 2010 (pourvoi nº 09-70138), arrêt du 18 mai 2011 (pourvoi nº 10-17943).
Références
Conseil constitutionnel
Audience publique du 19 janvier 2021
Décision nº 2020-880 QPC du 29 janvier 2021

Mise à jour du 30 janvier 2021

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